Horde du Contrevent (La)

Ce livre est extrêmement difficile à classer, il rentre dans ces franges extrêmes de la littérature qu’on a envie d’appeler science-fiction.

L’écriture est certainement une écriture de science-fiction, mais est-ce vraiment de la science-fiction ? Même si le monde qui y est envisagé est plutôt un monde rationnel, avec des techniques en voie de développement qui se substituent progressivement à la tradition des hordes, avec aussi des problèmes métaphysiques sur ce « vif » qui est, d’une certaine façon, apparenté à l’âme tout en étant autre chose, avec parfois un appel à certaines formes de magie, pour la création du feu, avec enfin une géographie qui ne sera jamais complètement expliquée...

L’aspect scientifique n’est pas du tout ce qui préoccupe Damasio, ni le lecteur qui a suffisamment à faire pour bien se pénétrer de l’ambiance de ce monde nouveau, et des problèmes des relations complexes entre les personnages qui composent la Horde et qui en font un seul organisme à plusieurs têtes, à plusieurs façons de parler ou de décrire le but commun, atteindre l’Extrême-Amont, la source de ce vent qui balaie en permanence le monde avec des formes, des vitesses, des virulences variées. Face aux récits des différents membres de la Horde, on se laisse entraîner dans cette quête peut-être vouée à l’échec, on participe à l’effort commun.

Ce roman est un de ces textes révolutionnaires qui renouvellent, recréent les règles de la littérature. Sans doute le lecteur de SF est-il moins perdu dès le début devant un tel foisonnement d’idées nouvelles, qui sont tout à fait naturelles pour les habitants du monde et les membres de la Horde, et que Damasio parvient à introduire dans le cours du récit sans devoir faire appel aux explications artificielles, aux livres d’histoire (mais cela ne marcherait pas puisque le monde du Contrevent n’est pas un successeur du nôtre) ou aux guides touristiques (là encore, non envisageables puisque le monde n’a aucun contact avec le nôtre).

Impossible de le présenter de manière plus complète sans déflorer les surprises que le livre nous réserve.

Des trucs quand même à signaler : d’abord que les pages du roman sont numérotées en ordre descendant de 700 à 1 ; ensuite qu’il faut absolument bien garder à la main le marque-pages avec la liste des membres de la horde et, pour chacun, le symbole qui introduit chacune de ses interventions dans la narration. Enfin que la cohérence de ce monde est, malgré ses différences avec le nôtre, absolument remarquable, et qu’aucune incongruité ne vient remettre en cause la « suspension d’incrédulité » à laquelle le lecteur s’est astreint ; pris par la quête, il pourra difficilement reposer le livre même pour une interruption provisoire.

L’édition Folio ne reprend pas le merveilleux CD d’accompagnement (à ne pas écouter trop tôt, sous peine de gâchage) que comportait l’édition originale paru chez La Volte. C’est le seul reproche qu’on peut lui faire.

Alain Damasio, La Horde du Contrevent, dessin de couv. de Boris Joly-Erard, 708 p., Folio SF n° 271