Mariages entre la zone trois, quatre et cinq (Les)

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Doris Lessing est couronnée du prix Nobel de littérature 2007. C’est dire qu’on a là, en mains, un ouvrage un peu hors norme que beaucoup considèrent comme un des fleurons de sa carrière.

 

Ce livre est surprenant à plusieurs titres. Mais d’abord, le résumé de la 4e de couverture, non parce que je suis perplexe mais parce qu’il est succinct, complet mais mystérieux.

 

Souveraine de la Zone Trois, une contrée à la prospérité éclatante, tournée vers la sensibilité et les arts de l’esprit – mais dont l’hédonisme a cependant émoussé ses habitants – la reine Al•Ith reçoit un jour des Pourvoyeurs, ces entités supérieures qui régentent le destin de ces terres, l’Ordre d’épouser le roi de la Zone Quatre, un pays rude, grossier et belliqueux, dont le peuple vit dans la pauvreté en raison de guerres incessantes et voraces.

Ce mariage, ou plus précisément l’union charnelle des deux seigneurs, doit permettre l’épanouissement d’une existence neuve, meilleure, dans les deux Zones. Malgré leur hostilité initiale, malgré tout ce qui les sépare et la brutalité dont fait tout d’abord preuve ce roi élevé dans la certitude de sa supériorité intrinsèque, Al•Ith et Ben Ata vont finir par s’aimer – et le second par apprendre avec stupéfaction, dans les bras de son amante, les inestimables trésors que recèle une relation égalitaire entre les sexes.

Pourtant, alors qu’un fils naquit finalement de cette union, la reine Al•Ith est sommée de quitter la Zone Quatre pour retourner dans sa contrée d’origine, où elle est désormais une étrangère. Repoussée par ses pairs comme par son peuple, elle demandera à émigrer en Zone Deux, aussi supérieure à la Zone Trois que cette dernière l’est par rapport à la Zone Quatre. Ben Ata, pour sa part, recevra l’ordre d’épouser la souveraine de la Zone Cinq, un pays primitif dont les habitants sauvages vivent de pillage

 

Ce récit est surprenant : il nous découpe le monde en 5 zones (ou plus, on n’en sait rien), où en montant en nombre, on trouve des civilisations de moins en moins paisibles et florissantes.

La zone Trois est celle de l’égalité des sexes, de la douceur, de l’abondance dans la paix. La zone Quatre est celle de notre monde il y a un ou deux siècles, voire plus : guerres, dominations, viols, pauvreté, faim sont légion.

La zone Cinq ressemble à l’idée qu’on a de la préhistoire : pillage, conflits, petits groupes ethniques, désorganisation.

La zone Une est ignorée et on sait juste de la zone Deux qu’elle semble être un monde d’esprits purs.

Bref, déjà on a une allégorie proche de la philosophie bouddhiste, comme si on se réincarnait dans une zone plus haute au fur et à mesure d’une évolution des esprits vers le meilleur.

De plus, on y trouve des aspects des relations hommes-femmes qui sont très différents : zone Cinq, c’est la force brute, zone Quatre la société machiste et zone Trois un matriarcat, même si Lessing présente cela comme un équilibre. On a donc un aperçu des relations pacifiques et sans possessivité (mais on oublie les aspects d’identité, comme pour un enfant savoir qui il est, qui sont son père et sa mère etc.) en zone Trois et celles basées sur la violence et la domination en zone Quatre où Ben Ata n’hésite pas à violer sa femme comme premier rapport.

Mais rien n’est simple non plus : Al Ith ne se révolte pas de ce viol, elle n’est pas non plus aussi choquée que je ne m’y attendais. Elle finit même par être très amoureuse (et réciproquement) de ce mari qui lui fait découvrir la jalousie, sentiment inconnu.

Ce livre s’écoule comme un long fleuve tranquille : image appuyée par l’absence de chapitre et de rupture du récit. C’est juste quand le narrateur, un proche d’Al Ith, reprend la parole qu’on a droit à un double passage à la ligne. Du coup le récit est très linéaire, sans cassure ou presque, et ressemble à une ligne du temps, un bout d’Histoire plus qu’une histoire.

Quant à classer ce livre, juste éventuellement dans la fantasy, parce que ces mondes répondent aux ordres de Pourvoyeurs invisibles, mais il n’y a ni êtres originaux, ni magie à proprement dit. Ce livre est hors toute catégorie.

Style très fluide, sans difficulté et très adapté à la forme factuelle du récit sans chapitre.

Oups, je suis beaucoup plus longue que d’habitude, alors lisez-le et faites-vous votre propre idée de ce qu’on peu appeler un livre « à nombreux niveaux de lecture ».

 

Les mariages entre les zones Trois, Quatre et Cinq par Doris Lessing, traduit par Sébastien Guillot, illustré par Corinne Billon, La Volte.

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