MONGET Yannick 01
Dites-nous quelques mots à votre sujet ? Qui êtes-vous, comment en être venu à l’écriture ?
Avant tout, je travaille pour la sensibilisation aux problèmes environnementaux, mais également à la promotion de solutions pour y faire face au sein du groupe Symbiome que je préside. Mon travail consiste à faire de la prospective. Simuler les effets du réchauffement global par exemple, à partir de données scientifiques, émanant principalement des Nations-Unies. Outre les menaces, il s’agit également de mettre en image des solutions quand elles existent grâce aux techniques infographiques utilisées dans le cinéma.
L’écriture est venue à l’âge de 18 ans, parallèlement à mes études. Disons que c’est un bon support pour faire passer des idées (il y en a d’autres) mais je trouvais le livre particulièrement intéressant pour transmettre de nombreuses idées et informations. Le livre est pour moi un moyen ludique d’instruction et d’information. J’adore des auteurs comme Crichton, ou Carl Sagan parce que justement ils font passer des informations, on apprend plein de choses, en plus du bon moment qu’ils nous font passer.
Pour la petite histoire, j’ai effectivement tenté tout d’abord le coup à compte d’auteur, à l’époque de l’université, puis j’ai eu la chance quelques années plus tard d’être remarqué par les éditions de la Martinière, chez qui j’ai publié des ouvrages plus documentaires, basés sur ces simulations infographiques. Une expérience très enrichissante qui m’a ouvert pas mal de portes.
Plus récemment j’ai eu envie de revenir aux romans. Stéphane Marsan qui dirige les éditions Bragelonne et qui connaissait Gaïa, (que j’avais publié quelques années plus tôt) a souhaité le ressortir et m’a soumis l’idée de le publier chez Bragelonne, avec cette fois-ci une vraie distribution.
J’ai tout de suite accepté pour plusieurs raisons. Tout d’abord parce que je connaissais un peu la maison et que j’aimais bien leur travail. Et puis ils m’ont fait confiance et j’accorde beaucoup d’importance à cet aspect.
Stéphane ne m’a rien imposé mais il m’a proposé d’essayer de l’améliorer. Il est vrai que la première version était assez scénaristique dans son écriture. Je l’en remercie car effectivement en le relisant, j’ai eu envie de tout reprendre et de le retravailler entièrement en nourrissant l’intrigue de ce que j’avais moi-même vécu entre temps, tout en le mettant à jour car mon regard et la réalité de la situation environnementale ont considérablement évolués depuis 2006.
Gaïa est un roman écologiquement engagé. Considérez-vous que toute oeuvre artistique doit être porteuse d’un message ?
Je ne pense pas que cela soit nécessaire pour tous les auteurs, mais pour ma part oui, c’est une nécessité. C’est même le moteur de mon travail. J’écris pour défendre des idées et faire passer des informations. C’est le but premier et le roman permet de le faire de manière ludique.
Six ans après la première sortie de Gaïa, pensez-vous qu’il y a plus d’espoir de voir l’être humain aller sur la bonne voie, alors que les catastrophes naturelles se multiplient, que la sécheresse menace la sécurité alimentaire de nombreux pays, que le Japon a échappé de peu à une catastrophe nucléaire ?
Soyons francs. On n’en prend pas du tout la direction. Pire, je pense même que nous prenons la direction inverse. Le réchauffement climatique a surtout servi d’excuse ces dernières années au soutien de la filière nucléaire, qui représente aujourd’hui, à mes yeux un danger encore plus
grave que le réchauffement lui-même. C’est d’ailleurs le sujet de mon prochain roman.
Pour autant je pense qu’écrire un livre avec un discours sombre, expliquant juste comment le monde va s’effondrer sans offrir une porte de sortie au lecteur est une très mauvaise idée. Dans Gaïa, comme dans mes autres ouvrages, je garde toujours quelque part un espace à l’espoir même s’il semble bien chimérique.
Il faut certes dénoncer, mettre en scène les menaces qui pèsent sur le monde, l’irresponsabilité d’une partie du genre humain, mais également montrer objectivement qu’il y a pourtant des portes de sortie et des solutions.
Pour terminer je me permets de vous reprendre sur le Japon. Ce pays n’a pas échappé à la catastrophe nucléaire. Il est vrai que cela aurait pu être pire si tous les réacteurs de Fukushima avaient sauté (solution d’ailleurs envisagée par les autorités qui ont reconnu récemment qu’elles avaient envisagé l’abandon pur et dur de Tokyo et de sa région soit le déplacement de 35 millions d’habitants). Ceci étant, le Japon vit une véritable catastrophe nucléaire et le vivra encore longtemps. Ils mettront au moins 30 ans à démanteler la centrale, quant à la région, elle restera radioactive pendant des millénaires. Certaines zones ne seront d’ailleurs plus jamais habitées.
Le héros, homme d’affaires âpre au profit qui aime sa fille, est-il la figure de la société actuelle, acceptant les contraintes écologique du moment qu’elles reposent sur les autres ?
C’est une manière assez juste de résumer le comportement d’un certain nombre de personnes que j’ai effectivement côtoyé. Mais là aussi, tout le monde n’est heureusement pas comme ça. De plus en plus de monde prend malgré tout conscience de ce qui ne va pas et des initiatives commencent à apparaître.
Grant est le protagoniste le plus intéressant. C’est celui qui a le plus évolué entre la version originale de 2006 et le roman publié par Bragelonne en 2012, il a entièrement été retravaillé, il est beaucoup plus complexe, il a conscience du réchauffement global et de l’impact anthropique, mais il reste un business man, il a des multinationales à faire tourner, il cherche à faire des bénéfices, c’est un vrai capitaliste, mais il est moins caricatural que certains grands dirigeants que j’ai rencontrés et qui sont pour le coup de vrais extrémistes qui n’ont strictement rien à faire de l’environnement. Pour ces personnes, l’homme est véritablement propriétaire et non locataire de la planète, une vision évidemment très dangereuse.
Le fait de présenter une explication extraterrestre aux événements de Gaïa ne réduit-il pas la responsabilité de l’homme dans ce qui lui arrive ? Après tout, sans cette présence étrangère, rien ne serait arrivé.
Gaïa n’est effectivement pas un ouvrage sur le réchauffement climatique, l’idée était de trouver un scénario original traitant du problème, mais par le biais d’une histoire un peu différente. Mais finalement, c’est bien l’état d’esprit et de conscience (l’humanité pourra-t-on dire) du protagoniste qui demeure la cause de ce désastre.
Sans vouloir dévoiler la fin du livre pour ceux qui ne l’auraient pas lu, Grant est lié à la « souche » prédatrice dès le début du roman, il est à l’origine du désastre sans même le savoir.
Votre livre contient des personnages attachants, de l’action, du suspense, un rythme soutenu, bref, tous les éléments qui constituent la base d’un bon film d’aventure. Vous y pensiez en l’écrivant ?
C’est très amusant, car c’est la question qui revient tout le temps, et j’en suis très heureux car oui, initialement, en 2006, c’était un scenario et plusieurs studios m’ont approché dès la sortie de la première édition.
Je suis quelqu’un de très visuel, mes romans sont pensés comme des films et pour devenir des films, je ne m’en suis jamais caché et cela fait partie des objectifs.
Je suis très flatté de voir autant de personnes me dire qu’ils adoreraient le voir adapté. Il y a notamment une scène dont tout le monde me parle, celle de la confrontation de centaines de civils et de militaires avec des centaines de félins. Cette scène où les deux prédateurs terrestres par
excellence se confrontent fut un moment d’écriture effectivement très jouissif.
Les nombreuses visions des villes du monde entièrement abandonnées et recouvertes de végétation semblent également séduire. France télévision a fait récemment un reportage sur le livre en utilisant les images du très bon « I am a Legend » qui était le film se rapprochant visuellement le plus de l’univers du livre. Bien vu. Ce film est sorti un an après l’édition originale du livre et l’univers est effectivement assez proche, bien que dans l’ouvrage, la végétation y est beaucoup plus agressive et étouffante.
Et pour finir, Gaïa est-il un livre optimiste, puisque l’espèce humaine n’est pas complètement détruite ?
Oui, il y a tout de même au final cette dimension, je voulais comme je le disais plus haut, laisser une porte entrouverte, c’était nécessaire.
Vos projets ?
Ouh là... Ils sont nombreux avec Symbiome, mais pour ce qui est des projets plus littéraires, je termine actuellement un nouveau roman, sur lequel je travaille depuis deux ans. Un livre plus réaliste que Gaïa, qui se déroule dans un futur proche. Ce sera un thriller géo-politico-scientifico-post-apocalyptique très engagé sur le thème du nucléaire, dont je suis un fervent opposant. En réalité ce sera même deux histoires imbriquées se déroulant à deux époques différentes, un livre permettant de découvrir la face obscure du nucléaire, de ses risques, des
manipulations lobbyistes, des accidents cachés, etc.
Critique de Gaia ici