Machine à différences (La)

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Dix-neuf ans après sa première parution aux Etats-Unis, La Machine à Différences demeure un classique incontournable de la science-fiction, à l’origine du mouvement « steampunk ».

Rédigé à quatre mains par les deux Papes du « cyberpunk », ce roman transpose les interrogations propres à ce courant dans un XIXe siècle uchronique ayant vu le développement anticipé de l’ordinateur, dans la foulée des travaux de Charles Babbage. Le Royaume-Uni s’est mué en un Empire gouverné par un groupe de Radicaux, moins préoccupés de conquêtes militaires et de prestige aristocratique que leurs opposants Torries, et bien plus attentifs qu’eux au développement scientifique de la Nation. Dans ce monde alternatif, les Etats-Unis tels que nous les connaissons n’ont pas vu le jour - ils restent divisés entre un Texas indépendant, un Sud confédéré, un Nord unioniste et une Californie excentrée - et ne sont donc pas en mesure de contester son leadership au Royaume-Uni. Quant à la France de Napoléon III, elle est devenue pour sa part la plus fidèle alliée de l’Empire de Babbage, pour lequel elle ne constitue pas une menace.

Non, la vrai menace sourd de l’intérieur : de ces mouvements luddites qui militent en faveur d’un rôle moindre laissé aux machines ; des anarchistes et communistes de tout poil qui réclament une juste redistribution des richesses ainsi qu’une société moins axée sur la surveillance de ses propres citoyens ; de politiciens influents qui désirent toujours davantage de pouvoir au sein de l’appareil d’Etat britannique…

C’est dans ce contexte qu’une intrigue relative à un jeu de cartes mécanographiques, destinées à un ordinateur français et susceptibles de contenir des informations capitales, réunit plusieurs personnages de façon dispersée : Mallory, le découvreur du Léviathan terrestre, un dinosaure dont on met à jour les restes en Amérique du Nord ; Laurence Oliphant, un diplomate-espion au service de la Reine et Sybil Gerard, fille d’un célèbre agitateur luddite.

Pourtant, au-delà de ces divers fils narratifs - qui nous tiennent brillamment il est vrai en haleine jusqu’à la dernière page du livre - le vrai sujet de La Machine à Différences, c’est l’émergence d’une société de l’information en plein XIXe siècle et les effets qu’elle peut avoir sur la structure sociale et politique des empires d’alors.

Le livre aborde en effet, dans ce cadre « historique », une multitude de thèmes qui ne sont pas si éloignés que ça de nos préoccupations contemporaines : contrôle des données personnelles des individus, pollution omniprésente liée à un recours inconsidéré aux services des machines, émergence d’entités conscientes à partir d’éléments mécaniques…

Ce roman constitue donc un jalon essentiel dans l’histoire de la science-fiction récente. Sa lecture est par conséquent chaudement recommandée à quiconque souhaite parfaire sa connaissance du genre tout en passant un excellent moment.

William Gibson & Bruce Sterling, La Machine à Différences, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Bernard Sigaud, 461 p., Robert Laffont

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