GIBSON William 01

Auteur / Scénariste: 


Dites-nous quelque chose à votre propos ? Qui êtes-vous ?

Je suis un romancier américain et je vis à Vancouver depuis 1971.

A quel âge avez-vous commencé à écrire ?

La vingtaine.

Vous souvenez-vous encore de vos premiers textes ? Que sont-ils devenus ?

Bien sûr que je m’en souviens car j’ai sans cesse travaillé dessus. Ensuite, je les ai détruits. Même si ma femme les volait parfois quand j’avais le dos tourné. Je trouvais qu’ils étaient pauvres et manquaient d’originalité.

Comment écrivez-vous ? Est-ce une profession pour vous ? Quelles sont vos autres passions ?

C’est en effet ma profession étant donné que je suis payé pour écrire de la fiction. J’écris de manière très inconsciente et pré-rationnelle. En général, mes passions sont liées à l’histoire et aux brocantes, marchés aux puces, eBay… Mais je n’aime pas garder les choses pour qu’elles prennent la poussière.

Pourquoi l’écriture ? Quel est, selon vous, le rôle de l’auteur dans notre société ?

L’auteur reflète l’expérience, la réalité des modèles. Toute écriture est en quelque sorte spéculative.

Vous êtes l’inventeur du mot « cyberspace » en 1982. Que signifie ce mot aujourd’hui ?

« Cyberspace », mot qui me semble de plus en plus archaïque, c’est là où la banque garde votre argent. C’est l’endroit où une conversation téléphonique a lieu. C’est là où nous traitons de plus en plus le business de la civilisation. C’est la ville, mais de manière post-géographique.

Comment considérez-vous, avec le recul, votre livre « Neuromancien » qui vous a fait connaître ?

Je pense que j’ai eu la chance de le finir. En fait, j’ai eu encore plus de chance qu’il ait été commandé, autrement je ne l’aurais pas écrit.

Comment est née l’idée de « Neuromancien » ?

Je n’avais pas d’idée que je considérai comme assez développée pour construire un roman. Lorsqu’on m’a proposé un contrat pour écrire un roman, je me suis replongé dans les quelques nouvelles qui ont été publiées, j’ai sélectionné le cyberspace de « Gravé sur Chrome » et Molly de « Johnny Mnemonic », et je suis parti de là.

Grâce à « Neuromancien » des films comme Matrix ont pu voir le jour. Que pensez-vous de ce film ?

Je pense que c’est plus grâce à Philip K. Dick qu’à moi. C’est comme une histoire de P.K. Dick aux touches précoces de Gibson.

Vous avez dit dans une précédente interview qu’entre l’écriture de la nouvelle « Johnny Mnemonic » et sa réalisation pour le cinéma, les technologies employées étaient déjà obsolètes. Dans le même ordre d’idée, que pensez-vous de la technologie de Matrix ?

La technologie imaginaire dans Matrix n’a pas vraiment de sens pour moi. Des êtres humains en tant que batteries ? Ce n’est pas de la bonne sf à cet égard.

Comment voyez-vous votre période cyberpunk, avec le recul ?

Je pense que l’étiquette de cyberpunk a canalisé notre énergie dissidente, et a permis de protéger la monotonie du mainstream SF.

Vos textes « Johnny Mnemonic » et « Hotel New Rose » ont été adaptés au cinéma. Avez-vous participé à l’adaptation ?

J’ai écrit le scénario pour « JM », mais je n’ai rien fait pour « HNR ».

Auriez-vous aimé que vos livres soient plus adaptés au cinéma ?

L’argent qui en découle peut toujours être utile, sinon cela ne m’intéresse pas particulièrement.

Qu’en est-il du projet sur l’adaptation en film du « Neuromancien ». On annonce Paul Verhoeven à la réalisation …

Pour autant que je sache, rien n’est certain. Verhoeven ne m’en a pas du tout parlé, et je pense qu’une telle hypothèse est improbable.

Pensez-vous que la réalité virtuelle va remplacer la vie réelle ?

Je pense que nos petits-enfants considèreront notre distinction entre les deux concepts très bizarre et démodée.

Le combat entre le réel et le virtuel, qui en sera le vainqueur ?

Je ne vois pas cela comme un combat. Le virtuel a toujours été le projet de l’homme depuis qu’il a peint pour la première fois les murs des cavernes.

Vos derniers romans « Identification des schémas » et « Code source » se déroulent dans le présent. Avez-vous perdu tout intérêt pour le futur ?

Je pense que le « futur » tel que nous l’avons connu culturellement est une fabrication historique du 20e siècle. Dans un présent suffisamment rapide, l’acte d’extrapolation classique change, devient moins possible.

« Identification des schémas » parle aussi beaucoup de marketing. C’est ce qui fait marcher le monde, non ?

Que ferions nous si, en réalité, nous faisions partie d’une civilisation post-industrielle ?

Du commerce, nous créerions des marques, nous construiserions la célébrité. (NDLT : ironie)

La présence également du 11 septembre, que faisiez-vous au moment du 11 septembre, qu’en pensez-vous ?

J’étais sur un forum, un membre à New York disait qu’un avion avait heurté un immeuble. Je suis monté et j’ai allumé la télévision. Quoi qu’aient pu être les attentats du 11 septembre, ce fut le premier événement-phare du 21e siècle.

Dans vos romans, vous décrivez souvent des sub-cultures (modifications corporelles, tatouages, musique). Avez-vous une passion pour ces sub-cultures ?

J’ai toujours été intéressé par les sub-cultures, surtout celles dont je ne fais pas partie.

Dans « Code Source », votre dernier roman, vous parlez des psychoses actuelles, du désarroi, de la furie de notre culture. Seriez-vous un observateur pessimiste de notre monde ?

En réalité je pense que je suis étrangement optimiste. Parfois, je suis étonné de ne pas être plus pessimiste.

Que voulez-vous faire passer dans ce roman ?

Je n’écris pas des romans pour faire passer des messages. J’écris dans le but de découvrir et de poser des questions, généralement des questions auxquelles je n’ai pas de réponses immédiates.

D’abord le futur (“Neuromancien”), après le passé avec vos romans streampunk et maintenant le présent (« Identification des schémas »). Quelle est la prochaine étape dans ce travail d’invention/ré-invention du temps ?

Je ne travaille pas selon un plan aussi général. J’imagine que je pourrais écrire un roman historique, un jour.

Décrivez-vous le monde où on vit ou vous l’inventez au fur et à mesure (voire à postériori) ? Etes-vous Dieu ?

Je pense que je suis un écrivain naturel, j’essaie de décrire la réalité d’aujourd’hui.

Sur la quête du sens « Identification des schémas », le besoin de créer des liens entre des éléments apparemment sans lien dans la réalité, peut-on y voir de l’existentialisme ? Une création du sens par l’homme ou la machine et non un sens donné par un être suprême. Croyez-vous en Dieu ? Joue-t-on à Dieu avec Internet et les mondes virtuels ? Si oui, y voyez-vous une mauvaise chose ?

Je pense que je suis comme un jungien. Dans le sens où tout est lié. « Dieu » dans le sens judéo-chrétien me semble trop étroit, trop linéaire.

Le futur vous fait-il peur ?

Pas plus qu’avant.

Etes-vous satisfait de notre monde ? Comment voyez-vous le futur de notre société ?

La société humaine peut sembler énormément imparfaite à mes yeux, mais je doute que ce soit nouveau.

Et en 2008, avez-vous enfin une connexion Internet ?

Bien sûr !

La subversion, l’engagement politique a-t-il toujours sa place dans le choix d’écrire de la science-fiction plutôt qu’autre chose ?

Je pourrais certainement écrire des romans de sf où la subversion et l’engagement politique seraient plus présents ! Ils sont encore tellement rares.

Quel est votre auteur de fantastique préféré ?

Probablement Alfred Bester.

Quel est votre auteur de littérature générale préféré ?

Je ne pense pas en avoir un préféré.

Quel est votre roman de fantastique préféré ?

« Terminus les étoiles ».

Quel est votre roman hors fantastique préféré ?

A nouveau, aucun en particulier.

Quel sont les derniers livres que vous ayez lus et que vous recommanderiez ?

« Halting State » de Charles Stross.

Quel est votre film de fantastique préféré ?

Probablement « Brazil ».

Quel est votre film hors fantastique préféré ?

Je ne pourrais pas me limiter à un seul film.

Quel livre d’un autre auteur auriez-vous désiré avoir écrit, soit parce que vous êtes jaloux de ne pas avoir eu l’idée le premier, soit parce que vous auriez traité l’idée d’une autre manière ?

Je suis toujours à la recherche de tels romans, et je suis ravi quand j’en trouve.

Quel est votre principal trait de caractère ?

Les tergiversations.

Qu’est-ce qui vous énerve ?

De mois et des mois de longue écriture.

Outre l’écriture, quels sont vos hobbies ?

Passer mon temps sur eBay !

Quel est le don que vous regrettez de ne pas avoir ?

Un talent musical, quel qu’il soit.

Quel est votre rêve de bonheur ?

Un manque relatif d’anxiété. Un bon livre.

Par quoi êtes-vous fasciné ?

Le comportement humain.

Vos héros dans la vie réelle ?

Des personnes qui ont un pauvre revenu mais qui, malgré tout, refusent de devenir amères et méchantes.

Si vous rencontriez le génie de la lampe, quels voeux formuleriez-vous ?

Une solution au réchauffement planétaire.

Votre vie est-elle à l’image de ce que vous espériez ?

D’une certaine façon, elle l’est. D’une autre, je ne l’aurais jamais imaginée.

Citez-nous 5 choses qui vous plaisent.

Les bons amis, les bons livres, les villes intéressantes, la conception fonctionnelle, la belle architecture.

Cinq choses qui vous déplaisent

La mauvaise politique, les politiciens, le tribalisme, le fondamentalisme, et la guerre.

Last but not least une question classique : vos projets ?

Un autre livre !

Critique de Code source ici !
Critique de Identification des Schémas ici !
Critique du Neuromancien ici !

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