Légende

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Ce roman, le premier publié par David Gemmell (en 1984), a ouvert la fructueuse carrière d’un des auteurs les plus prolifiques de « l’heroic fantasy » de ces dernières années. On trouve en effet dans ces pages un savoir-faire évident, qui se déploiera par la suite tout du long de plusieurs séries incontournables (on pense notamment à la saga du « Lion de Macédoine », qui revisite l’histoire de la Grèce antique en la mélangeant à la mythologie olympienne) et ce jusqu’à son décès au mois de juillet 2006.

De quoi s’agit-il ici ? D’une sorte de « Massacre du Fort Alamo », avec les Drenaï et les Nadir en lieu et place des Texans et des Mexicains. L’action se déroule en effet de manière quasi exclusive au sein d’une forteresse stratégique – Dros Delnoch – verrou contrôlant l’accès à l’Empire Drenaï, dont l’assaillant Nadir doit s’emparer à tout prix s’il compte poursuivre son invasion plus avant. L’armée que ce rassemblement de peuplades nordiques (regroupées pour la première fois sous un même commandement par un certain Ulric, leur nouveau seigneur) masse aux abords de la forteresse a pourtant de quoi décourager toute velléité de résistance : la poignée de milliers de soldats défendant les six remparts de cet ultime bastion se voit confrontée à près d’un demi million d’hommes en armes venus du nord ! Il est toutefois impératif que ces troupes hétérogènes - pour bonne partie constituées de paysans recrutés à la hâte, peu au fait des arcanes de la stratégie militaire - tiennent cette position le plus longtemps possible. Le souverain Drenaï a en effet besoin de tout le temps qu’on pourra lui obtenir pour constituer une armée digne de ce nom, dans l’arrière-pays de son Empire.

Un homme hors du commun va revenir sur le devant de la scène, de manière à prêter main forte aux défenseurs. Il se nomme Druss « la Légende » et ses exploits sur les champs de bataille sont aussi nombreux que les cicatrices qui lui lézardent le corps. Il a, dans le passé, retourné à lui seul les situations les plus mal engagées. Armé de sa hache « Snaga », il constitue une formidable machine à tuer, d’une résistance inouïe, d’un courage sans failles.

Mais voilà : le temps n’a pas épargné Druss, et c’est un vieillard qui rejoint la forteresse de Dros Delnoch. Son arrivée génère par conséquent dans les rangs Drenaïs un étrange mélange d’excitation (à l’idée d’avoir un tel combattant à leurs côtés) et de désarroi (le doute quant à ses capacités réelles subsistant quelques temps). En l’absence de véritable meneur d’homme, c’est Druss qui prend le commandement des opérations. Ses compétences en matière de stratégie, ses connaissances relatives à la bonne manière d’entraîner les troupes et de leur communiquer la rage de vaincre, lui permettent bientôt de gagner l’estime de tous.

Flanqué de Rek, le nouveau Comte de Dros Delnoch, et de Virae, sa bien-aimée, de Flécheur, le brigand à la tête d’une armée d’archers, et des Trente, moines combattants aux pouvoirs surnaturels, Druss entreprend de livrer bataille aux multitudes nordiques, sans grand espoir de sauver grand chose d’autre qu’un honneur qui constitue sa raison de vivre.

La boucherie s’engage alors…

Ce roman, au déroulement fort linéaire, se révèle étrangement prenant. Le récit est pourtant assez basique : pas de fioritures inutiles, tout juste une narration alternée durant son premier tiers, des personnages qui ne brillent pas par leur profondeur psychologique (à l’exception peut-être d’Ulric, le « leader » des Nadirs, qui n’est pas si méprisable qu’on pourrait le penser à l’orée du roman). En dépit de ces faiblesses évidentes, David Gemmel parvient à nous captiver en nous contant l’histoire de ce combat perdu d’avance. Druss et ses compagnons, peut-être du fait de leurs choix prévisibles, acquièrent une dimension mythologique qui confère à cette « geste » une dimension universelle. Leur lutte contre le destin, contre la fatalité de notre mortalité, fait résonner en nous des échos qui nous incitent à poursuivre la lecture, quelles que soient les maladresses et les raccourcis éventuels émaillant cette première œuvre. Le message qui se dégage au final se résume en quelques mots : ne jamais abandonner, lutter, lutter encore et toujours, lutter jusqu’au bout.

Et parfois – rarement, mais parfois quand même – des miracles se produisent…

David Gemmell, Légende, traduit de l’anglais par Alain Névant, illustré par Didier Graffet, 505 p., Bragelonne

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