Effondrement de l'empire (L')
L’effondrement de l’empire de John Scalzi ne laisse planer aucun doute, c’est du space opera, mais pas militaire. Le premier chapitre qui se focalise sur la mutinerie d’un vaisseau pourrait laisser croire que tout le livre ne sera que batailles. Eh bien non ! C’est beaucoup plus subtil que ça en a l’air et c’est très bien amené au lecteur. Le premier chapitre donne simplement le ton et le rythme.
L’Interdépendance représente un empire d’un peu moins d’une cinquantaine de systèmes stellaires qui s’est constitué au fil des siècles. Chacun des systèmes est relié au flux, sorte de courant hyperspatial (ou de couloir) emprunté par les vaisseaux pour se déplacer plus vite que la lumière. Ce flux varie, se déplace au fil du temps. À un moment donné, une colonie peut être connectée à l’Interdépendance et à un autre moment se retrouve isolée, car le flux s’est déplacé. Jusqu’à présent, le flux était relativement stable, mais voilà qu’il change, provoquant des effondrements dans certaines parties de l’Interdépendance. L’humanité n’a pas rencontré sur son passage de race extraterrestre, elle a donc essaimé au fil du temps. La plupart des colonies se sont construites en orbite autour de planètes. Elles accueillent des millions de personnes. Seule la colonie « du bout » se trouve sur une vraie planète. Cet empire était jadis connecté à la planète mère, la Terre. Mais les changements du flux ont fait que la liaison avec la planète a disparu. Les grandes familles marchandes ont donc instauré un système de castes dirigées par un empereur (appelé emperox).
Au moment où commence le roman, l’emperox Batrin est sur le point de décéder et c’est sa fille Cardenia qui doit reprendre le flambeau. À la suite du décès accidentel de son frère ainé, elle est obligée de prendre le pouvoir. Elle n’a pas demandé à être emperox, mais les circonstances ne lui laissent pas le choix. Heureusement, elle a la tête sur les épaules. Après deux tentatives de meurtre sur sa personne, et après avoir appris que l’effondrement du flux risquait de changer les rapports de force au sein de l’empire, elle tente de limiter les dégâts de la crise qui se profile.
Le Bout est aussi le théâtre d’enjeu lié à la modification du flux. Un ami de l’emperox, le comte de Claremont aussi scientifique, a fait une étude sur le flux. Il envoie son fils Marce remettre le dossier à l’emperox. Dossier qui intéresse la maison Nohamapetan qui fait tout pour qu'il n’arrive pas.
Pour ne rien gâcher, lady Kiva Agos, plus intéressée par les affaires commerciales de sa famille, se retrouve également mêlée aux événements du Bout. C’est son vaisseau qui doit ramener le fils du scientifique auprès de l’emperox. Elle connait très bien les Nohamapetan et la rivalité qui existe avec sa propre famille. Derrière un langage châtié et une férocité en affaires, elle se débrouille pour récupérer l’argent que lui ont fait perdre les événements et les intrigues du Bout.
Sur la colonie du Bout, une révolution prend cours, alimentée en secret par les Nohamapetan. Tout est une question d’argent et de pouvoir pour destituer ou tuer le duc qui y règne. Le frère et la sœur qui sont plus proches de l’emperox cherchent à lier leur famille grâce à un mariage impérial. Mais ça ne se fait pas aussi simplement que cela, surtout si l’emperox n’éprouve aucun sentiment pour le frère ainé. La sœur devine que le Bout deviendra une colonie stratégique pour l’empire et tient à disposer ses pions sur l’échiquier politique avant que l’effondrement du flux se produise. C’est certainement la personne la plus dangereuse de ce roman. Mais quel délice pour le lecteur qui découvre des personnages vraiment mauvais, auquel on a envie de botter le cul.
Un premier tome bien construit, pas trop épais qui ravira les lecteurs, car le rythme est soutenu, le tempo est rapide, les personnages bien dessinés, et une histoire facile à suivre. En un mot, excellent !
Reste plus qu’à attendre la suite, car j’ai adoré !
L’effondrement de l’empire T1, John Scalzi, l’Atalante, 2019, 335 pages, illustration de Sparth