Blade Runner

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Nous sommes en 1992 à San Francisco, et non en 2019 à Los Angeles. Rick Deckard est un chasseur de primes qui traque non pas les répliquants, mais des androïdes Nexus 6 destinés à servir les humains dans toutes les tâches y compris les plus ingrates. La fondation qui les fabrique s’appelle Rosen, et non Tyrell. Deckard ne vit pas seul, mais avec sa femme, Iran, dans un immeuble en partie abandonné. La Terre a été dévastée par une guerre nucléaire, tous ceux qui ont pu fuir se sont installés dans les colonies comme Mars. Et les rares habitants qui y demeurent ne sortent pas sans un minimum de précautions, dans un univers sale, gris, triste et froid et non complètement psychédélique et fluo. Ils tentent de maintenir un semblant de cohésion, un reste d’humanité, en se connectant les uns aux autres via des boîtes d’empathie, suivant en cela les préceptes du mécérisme, du nom de son fondateur, Wilbur Mercer…

Ce ne sont là que quelques-unes des différences notables entre le roman de Dick, Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques, et du film qui s’en inspire et qui est devenu un classique du genre, Blade Runner. Le titre lui-même est tiré d’un roman d’Alan Nourse, The Bladerunner, qui n’a rien à voir avec l’histoire.

Parce qu’il n’a pas les moyens de quitter la Terre, Rick Deckard est resté afin de poursuivre son activité de chasseur de primes et ainsi d’encaisser assez d’argent pour s’acheter un véritable animal plutôt qu’un robot. Le meilleur des chasseurs, celui qui passe avant les autres, c’est Dave Holden, mais le jour où celui-ci se fait grièvement blesser par un androïde durant un test d’empathie, Deckard sent que sa chance peut tourner. Il doit trouver le moyen de rattraper ceux qui se sont échappés de Mars après avoir commis des crimes, pour les retirer. Pour cela, il fait appel à la fondation Rosen, le fabriquant des Nexus 6, et en particulier à la personne de Rachael, une androïde servant en quelque sorte de « vitrine » du savoir-faire de l’entreprise. Les humanoïdes sont en effet incapables de faire preuve d’empathie, et le test permet de déterminer leur absence d’affect. Pourtant, alors que Deckard poursuit sans état d’âme la mission qui lui a été confiée, il sent certaines de ses certitudes vaciller. Comment continuer à détruire ses machines sans commencer à ressentir de l’empathie pour eux ?

Tout le roman se bâtit sur cette notion d’humanité. Plus encore que dans le film (surtout sa version originale, la version corrigée permet davantage d’insinuer le doute) la question de l’existence de Rick Deckard se pose ouvertement plusieurs fois. On peut le supposer répliquant, chargé des basses besognes que la police officielle répugne à accomplir. Et lorsqu’il couche avec Rachael Rosen, volontairement ou non puisqu’on ne sait qui attire l’autre dans une sorte de piège, il comprend qu’il ne pourra plus jamais exercer son métier de la même façon. L’élimination des derniers androïdes, plus expéditive que dans le film, en particulier celle de Baty et sa femme Irmgard, n’a pas cette dimension lyrique proposée par le scénariste du film et déclamée par l’acteur Rutger Hauer.

Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? est sans doute un des meilleurs romans de science-fiction écrit par un auteur aussi prolifique que génial. Pour une fois, la lecture du roman après le film ne constitue pas un obstacle mais se révèle bien plus intéressante parce qu’elle apporte un autre regard.

 

Je remercie les éditions J’ai Lu pour leur confiance.

 

Philip K. Dick - Blade Runner - Editions j’ai Lu - janvier 2022, 8 €

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