BONELLI André-Jean 01

Auteur / Scénariste: 


Dites-nous quelque chose à votre propos ? Qui êtes-vous ?

À l’origine, je suis médecin. J’ai exercé comme médecin généraliste. Au bout de quelque temps, j’ai été élu maire de ma commune sans même être candidat. J’ai fait deux mandats. Après le deuxième, cela a commencé à me peser. Parce ce que quand tu es médecin de campagne, tu vois toujours les mêmes choses. J’ai effectué des missions humanitaires. Je suis allé un peu partout, en Thaïlande, au Vietnam, au Nigeria. J’ai parcouru tous les pays au cours de ces missions humanitaires. Après cela, je me suis occupé de mes cinq enfants. Ils étaient arrivés à un âge où ils commençaient à entrer en Fac ou en terminale. J’avais pas mal baroudé à travers le monde et je suis rentré pour aider mes enfants à poursuivre leurs études. J’ai passé le concours de médecin territorial et j’ai terminé ma carrière comme médecin contrôleur des lois sociales. Originaire de Corse, né à Marseille, je suis retourné là-bas. Possédant une maison de famille, je m’y suis installé. En prenant ma retraite, j’ai repris ma passion de l’écriture.

J’ai toujours eu envie d’écrire. J’ai publié en 1974 mon premier roman. Loona. Je l’ai republié aux éditions Triangle en France et en 2000 chez Publibook.

Ce qu’il y a de curieux, c’est que ce bouquin, tout le monde m’en parle encore. Je suis allé l’année dernière au congrès international de S.F. à Montréal. J’ai signé des premiers Loona de 1974 que des libraires avaient encore en vente.

C’est une belle histoire.

À l’époque, ce n’était pas d’actualité. Malheureusement, ça l’est devenu. La terre est polluée au maximum, elle a été si polluée par l’homme que la vie devient de plus en plus difficile. Au centre de ces conditions inhumaines apparaît une opposition des esprits avec la montée du fascisme et des fanatismes dans tous les domaines. C’est pour cela qu’une partie de l’humanité qui se dresse contre l’intolérance. En résumé, ce roman est l’histoire de ceux qui luttent contre de telles dérives de l’humanité.

C’est un roman, re-publié par Publibook, pas facile à lire. Mais qui en fait se lit très facilement, il est très dur, très violent. Mais plus d’actualité aujourd’hui que lorsque je l’ai écrit.

Et comment vous est venue l’idée de parler de ce système à l’époque ?

C’est au moment du naufrage de l’Amoco Cadiz. La première des pollutions qui a eu un impact médiatique. C’est ce qui m’a inspiré le thème du livre. J’avais même réalisé un disque. J’en ai écrit les paroles : c’est bien sûr un thème sur les naufrages et la pollution des océans...

Nous avons réalisé deux chansons sur ce thème. J’ai trouvé sur le Net une critique signée Bowacks que je ne connais pas. Il écrivait que ce roman était un grand ouvrage de S.F, que c’était très gore, mais qu’il fallait le lire impérativement. C’est un peu dithyrambique et cela m’a gêné. J’ai essayé, sans succès, de le joindre pour lui dire merci. En 1976, j’ai écrit un deuxième roman qui n’était plus de la SF, mais dans le domaine du fantastique. Sur un thème qui était plus, à l’époque, dans l’air du temps, « Le village au bout du chemin ». Ce village n’existe que parce que quelqu’un lui apporte de l’amour, une sorte de retour aux sources. Il a été dapté par FR3 avec Patrick Chesnay dans le rôle principal. À partir de là, vu mon métier en France et l’impact de ces bouquins, je me suis trouvé confronté à un choix : soit, je continuais à écrire, soit, je continuais à être médecin. J’ai préféré rester médecin et continué à écrire sans chercher à me faire publier. Maintenant, je prends ma retraite. Tous les romans que j’ai écrits, je les reprends, je les réécris et je continue à écrire de nouvelles histoires.

« La Lotophage » est presque autobiographique. C’est le récit d’une situation de mon vécu adapté pour traduire les sentiments que j’ai ressentis. Le personnage principal est une femme. L’idée m’est venue suite à plusieurs missions humanitaires que j’ai effectuées dans le Triangle d’or coincé entre Thaïlande, Birmanie et Laos. C’est une zone de non-droit et de violence. Je dormais à même sol, dans une case, avec comme oreiller une caisse de grenades parce que l’on m’avait mis dans la partie la plus abritée du village. Là, au moins, j’étais protégé. Ce n’était pas très rassurant. J’ai repris un thème qui rappelle la légende des lotophages. Un fruit né du lotus arborescent, fruit qui n’existe pas et qui, selon la légende, a le pouvoir de supprimer une partie de la mémoire, non pas des faits, mais des sentiments qui les accompagnent. C’est ce que Circé a fait bouffer à Ulysse pour qu’il oublie Pénélope. Ulysse se souvenait de Pénélope, mais les sentiments qu’il avait pour elle se sont effacés. C’est le thème de ce roman.

Je vais vous parler de « La saga des Alwars : Planète de cristal, la main de glace et le troisième volet : la bataille de Séraphea ». Pourquoi cette saga me tient à cœur ? Je ne sais si vous le savez, mais j’ai perdu mon épouse en février 2008. Dans cette trilogie les êtres, au moment de leur mort vont se régénérer dans l’anneau satellite qui entoure la planète avant de retrouver une nouvelle existence. Je l’ai dédié à mon épouse, mais hélas aucun anneau satellite n’entoure la Terre !

Je parlerai également d’un roman dont je suis en train d’écrire une suite : « Le testament du désert ».

Ça commence un peu comme « L’âge de cristal ». Mais par la suite, ce n’est plus de la SF. C’est un huis clos à trois personnages qui se rencontrent par un miraculeux hasard, perdus dans un désert où les chances de survie sont infimes. L’un des protagonistes est une force de la nature qui a passé sa vie à apprendre à survivre dans des conditions impossibles, le second un intellectuel qui a consacré son temps à appuyer sur des boutons et qui est incapable de faire cuire un œuf. Le troisième personnage est une fille qui a été condamnée à être rejetée dans le désert, car jugée marginale pour la Cité.

Ces trois personnages, expulsés dans un environnement hostile ont besoin des uns et des autres. La fille rebelle, les provoque, les attire pour se défiler au dernier instant. On obtient une situation explosive.

À quel âge avez-vous commencé à écrire ?

Mon premier roman de SF que j’ai écrit, j’avais 18 ans. Je ne l’ai jamais publié. Je ne me souviens même plus du thème. Je suis passionné de SF depuis bien longtemps. J’avais un ami, mort il y a quelques années. Vous en avez certainement entendu parler. C’est un auteur connu de SF. J’étais passionné par ses romans. J’étais gamin et il était plus âgé que moi, c’est Jimmy Guieu. Je possédais tous ses bouquins édités au Fleuve Noir-Anticipation. Jimmy m’a donné l’envie d’écrire. Un jour, alors que venaient de se produire diverses manifestations d’O.V.N.I dans ma région, Jimmy a débarqué. Nous sommes devenu amis et nous avons parlé S.F et ésotérisme.

Si vous avez lu un de ses livres « Hiéroush planète promise ». Il m’est dédicacé. Jimmy a foutu mon nom sur un personnage du bouquin. Cette anecdote a renforcé mon envie d’écrire et je continue.

Actuellement, le troisième tome et la fin de la saga des Alwars est terminé et deux autres romans prêts. Un de SF et l’autre plus dans le genre Heroïc Fantasy. J’en ai quatre en tout en attente.

Comment définiriez-vous votre science-fiction ?

Je m’éloigne beaucoup de la SF actuelle. Au début, quand j’ai envoyé mes romans à une maison d’édition, il m’a été répondu : « Je trouve cela très bien, il y a des éditeurs qui vont être passionnés, mais nous, ça ne nous intéresse pas parce que l’on est à l’époque où les enfants manipulent l’I-Pod et où les robots raisonnent et utilisent des armes sophistiquées ». Ces gadgets ne figurent pas dans mes bouquins. Je raconte des histoires sans me prendre la tête. C’est-à-dire, des histoires qui se lisent facilement, avec une suite logique. Je n’invente pas des gens qui ont des super pouvoirs, ni des êtres qui n’existent que par les gadgets qu’ils utilisent ! Je raconte des aventures humaines dans un contexte de S.F. Mais c’est de la SF comme elle existait dans les années 1970/1975. C’est-à-dire un roman que l’on lit quand on a envie de se détendre. Un de mes romans qui n’a pas été encore publié, s’appelle « Le temps du cocotier ». On m’a dit de changer de titre parce que cela ne faisait pas SF. J’ai suivi le conseil, il se nommera « Technocratia » et j’ai sous-titré « Le Temps du cocotier ». Ma SF est imaginaire. Et mon imaginaire peut-être fantastique ou SF. Je peux écrire dans les deux genres et même de l’heroic-fantasy. Voire, mélanger le tout !

C’est une évolution que je fais, mais, quand je décide d’écrire un roman, je ne dis pas, je vais écrire de la SF, de l’imaginaire ou de l’heroic-fantasy. Ça vient tout seul.

Dans « La Mazzera », vous traitez d’un sujet encore peu connu du fantastique insulaire, le mazzérisme ou traditions chamaniques de l’île. Vous plongez le lecteur dans un univers où ces pratiques sont courantes. Par rapport à votre profession médicale, comment considérez-vous ce monde des guérisseurs et devins et quel intérêt représente-t-il pour vous ?

Ça fait partie intégrante de la culture corse. Le mazzérisme appartient à une tradition qui remonte à la nuit des temps. Le mazzérisme s’est développé au départ dans une zone géographique très précise de la Corse : l’Alta Rocca. On y trouve des dolmens et des menhirs. Comme en Bretagne. Il y a des vestiges mégalithiques très importants dans cette région.

Les shamans utilisaient à l’époque diverses préparations. Ils mettaient des herbes, de l’hydromel, du miel, du vin, etc.

Je me suis posé la question : est-ce qu’il existe un truc comme cela en Corse, capable de mettre dans un état de transes ? J’ai trouvé. Ç’est l’aconit Napel, une toute petite fleur bleue butinée par les abeilles sauvages qui produisent du miel. On l’utilise l’aconitine à des doses infinitésimales en médecine. Les mazzéri s’en servaient dans un mélange avec du miel d’abeilles sauvages, de l’alcool et des herbes, comme faisaient les Sioux et le font encore les vaudous haïtiens et tant d’autres. Les mazzèri sont des voyants. Ils lisent l’avenir dans les entrailles des moutons. Ils ont d’autres pouvoirs. Ils conjurent du mauvais sort. Ils sont également connus pour les rêves de mort. La nuit, un mazzèru rêve qu’il chasse accompagné par ses chiens. Chaque chien représente, selon la tradition, l’âme d’un mazzèru mort. Il voit un sanglier, assomme la bête et la retourne. A la place de la hure, il découvre la tête de celui qui va mourir dans l’année. Il lit la mort, mais ne la provoque pas. « La Mazzera », mon roman parle des rêves de mort des mazzèri et au travers de ce roman, j’ai réécris l’histoire du mazzérisme. Une réalisatrice est intéressée pour une adaptation télé. J’ai écrit le scénario.

J’ai situé l’action à l’époque de l’Inquisition. L’église n’a jamais osé condamner le mazzérisme. Cela me permet d’expliquer pourquoi !

On va parler un peu de la Corse et des maisons d’édition corses. Est-ce que l’édition en Corse se porte bien ?

L’édition en Corse se porte bien. Il y a quelques maisons d’édition et de nombreux auteurs. À Bastia et à Ajaccio, certaines maisons d’édition sont assez actives avec l’aide de la collectivité territoriale de la Corse. Qui finance entre autre des livres que les éditeurs soumettent après avis de leurs comités de lecture. Ils organisent un salon du livre corse. Certaines maisons d’éditions font traduire des romans en langue corse. Les polars et les bandes dessinées par exemple. Pas jusqu’à présent de S.F. Certains ouvrages publiés sont bilingues, français/corse.


Vous avez beaucoup voyagé. Qu’est ce que cela vous apporte au niveau de l’écrit ?

Une vision du monde différente. Parce que chaque fois que je suis parti loin je me suis fixé une règle : tenter d’intégrer la culture des endroits où je suis allé. Ce n’est pas moi qui apportais ma culture, je m’appropriais la leur.

J’ai été initié dans un temple hindouiste avec la marque sur le front. Le bonze m’a dit de ne pas l’enlever, elle devait s’effacer seule. Je suis rentré chez moi avec le signe. Lorsque je suis parti en Asie, j’ai rencontré des bonzes. Quand je suis allé en Afrique, j’ai rencontré des Griots et autres chamans. Je me suis approprié une partie de leur culture. Avec tout cet amalgame de connaissances diverses, de modes de vie et d’histoire, je me suis créé un vaste stock d’idées et une personnalité littéraire.

À part l’écriture, quelles sont vos autres passions ?

Les voyages bien sûr. La peinture. Je suis fasciné par la peinture. J’ai quelques tableaux. J’aime surtout la peinture surréaliste, proche de mon écriture. Sinon, comme autre passion : la pêche en mer. J’avais un bateau. Maintenant, c’est le bateau des copains pour aller à la pêche en mer.

Un de vos romans a été adapté à la télé, que retenez-vous de cette expérience ?

J’ai collaboré parce que j’ai assisté au tournage, sans avoir mon mot à dire ! Ma fille tenait le rôle de la petite fille du livre. Mais disons que, si le scénario est tiré du "Village au bout du chemin". L’adaptation a été correcte à l"exception de la partie fantastique qui a été gommée. Pour la prochaine adaptation, je ne souhaite pas qu’elle soit réalisée par un réalisateur qui n’a pas une sensibilité compatible avec la mienne. Je tiens à avoir un droit de regard.

Quel est votre auteur préféré ?

En général ou SF ?

SF

En S.F, Aldous Huxley, « Le Meilleur des mondes », Georges Orwell, « 1984 ».

Et en littérature générale ?

Victor Hugo. J’aime son côté hors-du commun. Son style un tantinet un grandiloquent. C’est comparable à ce que j’écris, mais dans un autre registre et sans son talent. Je suis loin d’arriver à la cheville de Victor Hugo !

Quel est votre roman SF préféré ?

Tout confondu « Chroniques martiennes » de Ray Bradbury.

Et en littérature générale ?

« Germinal ».

Quel votre film de SF préféré ?

Je ne vais pas vous dire « La guerre des étoiles » ou un grand spectacle dans ce genre. Un vieux film que je ne lasse pas de regarder. "Planète interdite"

Et hors SF ?

Des films de détente. « Astérix » ou « Les visiteurs », les premiers, les autres m’ont déçu. Quand je regarde un film, j’évite les films à thèmes. Je vais au cinéma ou je regarde la télé, pas pour me prendre la tête mais pour le détendre.

Quel livre d’un autre auteur auriez-vous désiré avoir écrit, soit parce que vous êtes jaloux de ne pas avoir eu l’idée le premier, soit parce que vous auriez traité l’idée d’une autre manière ?

Sans l’ombre d’une hésitation « 20000 lieux sous les mers ».

Quel est votre principal trait de caractère ?

J’ai hâte d’écrire mes bouquins. De les finir. C’est cette espèce de boulimie d’écriture qui me pousse. Quand je suis à table, je suis obligé de ralentir de manger pour attendre les autres, sans pour autant manger davantage ! Quand je vais quelque part, je suis toujours en avance d’une demi-heure. Sitôt qu’un roman est écrit dans ma tête, j’ai hâte de l’avoir fini pour passer à autre chose.

Qu’est-ce qui vous énerve ?

Les gens qui parlent de sujet qu’ils ne connaissent pas.

Quel est le don que vous regrettez de ne pas avoir ?

Le dessin et la peinture. Mais si je l’avais eu, je n’aurais sans doute jamais écrit !

Quel est votre rêve de bonheur ?

De retrouver ma femme. Mais c’est un rêve impossible dans notre espace temporel, l’anneau des Alwars n’existe que dans mon roman !

Si vous rencontriez le génie de la lampe, quels vœux formuleriez-vous ?

Le bonheur de ma famille et de tous mes enfants. Il y en a qui n’ont pas besoin de moi, mais j’en ai un qui est handicapé.

Le deuxième vœu, c’est que mes bouquins soient lus par un plus grand nombre. Pour le plaisir d’être lu. Je me fous de ma notoriété ou du fric, pas que mes personnages soient reconnus et aimés !

Le troisième vœu que je ferais c’est que la Corse cesse de tomber dans cette spirale de lutte et de violence. Que les gens puissent vivre en paix. Je suis content de voir que dans les grandes villes, les nationalistes modérés sont arrivés en deuxième position. Alors que ceux qui prônent la violence sont loin derrière. Cela, je pense que c’est une évolution qui est bonne, mais il faut aller au-delà. On est dans un monde qui s’universalise. La Corse avec ses 260.000 habitants, que peut-elle représenter par rapport au reste du monde ?

La France n’existe pratiquement plus. C’est l’Europe maintenant. La Corse, qu’elle soit indépendante dans le cadre de l’Europe, qu’elle soit française, qu’est ce que cela peut faire ? Je me considère comme citoyen du monde !

Le tout est de vivre tranquillement, calmement.

Citez 5 choses qui vous plaisent.

La peinture, les voyages dans certaines régions, Madagascar, par exemple. Voir les pyramides. J’aime également visiter des expositions de peinture. Faire des parcs à thèmes : Le Puy du fou, le Futuroscope, Vulcania. Ensuite je rêve l’aller là où commence l’action de La main de glace : l’antarctique. Je voudrais voir cette immensité glacée, ce continent inviolé.

Un rêve inaccessible : marcher sur la Lune ou sur Mars !

Cinq choses qui vous déplaisent.

La bêtise humaine. D’être contraint de me plier à des habitudes que je n’ai pas. Les endives, je trouve que c’est un légume stupide. Je n’aime pas être tributaire de quelqu’un. Je préfère donner que recevoir. Je n’aime pas les fleurs artificielles.

Critique de « La Mazzera »

Critique de « Les passagères de l’Albatros »

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Commentaires

Super interview, super entretien, enfin une place pour cet auteur trop méconnu