Métro 2033
Dès les premières pages du premier volume, on réalise que Pierre Bordage n’a repris que l’idée de base du roman et de ses compléments de Glukhovsky, et que l’univers postapocalyptique qu’il envisage est profondément différent de celui de son modèle.
D’abord, contrairement à Glukhovsky, il ne situe pas son récit en 2033, après une catastrophe antérieure de quelques années, mais dans un monde postérieur de plusieurs générations à la Catastrophe qui aurait créé ce monde. Dont on se demande s’il peut, vraiment, se limiter au seul territoire d’un métro parisien ramené à quelques lignes, où pourraient, dans les stations et galeries parisiennes bien moins étendues que celles du métro de Moscou, loger quelques milliers, voire quelques dizaines de milliers de personnes. Certaines scènes correspondent d’ailleurs à des lieux extérieurs, comme si une partie de l’ancienne surface était descendue dans les profondeurs de la terre pour échapper à la dévastation...
Dans ce monde fantasmatique de stations indépendantes et de statiopées regroupant plusieurs stations proches, exclusivement sur la Rive gauche, s’est installé un curieux système de Conseils et de groupes rivaux comme l’église de l’Élévation, les Mandars de Petite Chine (Italie) qui a plus l’air d’une galerie de personnages archétypaux. Un groupe d’explorateurs des tunnels abandonnés, les Armuriers, ne sert qu’à introduire deux personnages, Joss le fouineur et Plaisance la nyct, qui seront les seuls survivants quand leur bande s’entretuera. Un individu isolé, Roy, prétend conserver le savoir de la lecture dans sa cachette. Et, entre les différents détenteurs de pouvoirs locaux, la Présidente Madone, de la station Bac, prétend réunifier la Rive gauche et restaurer une vie démocratique, l’égalité et la liberté. Pendant que deux dirigeants de l’église de l’Élévation, dont on se demande vraiment comment ils ont pu ne pas s’être déjà entretués, veulent, eux, anéantir le reste de la population...
Mélangeant les points de vue de ses différents personnages suivant la méthode désormais standard de la mosaïque romancée, qui oblige le lecteur à reconstituer l’image qui ne lui est présentée que par bribes, sans oublier quelques chapitres de flashback occasionnels, Bordage nous raconte un feuilleton autour de ses thèmes habituels, les détournements de la religion, les conflits et complots entre un certain nombre de politiciens plus ou moins véreux. Mais aucun de ses personnages ne paraît plus qu’un accessoire à une histoire quelque peu invraisemblable. Et la survie de chacun d’entre eux après les calamités et suspenses feuilletonnesques successifs devient de plus en plus invraisemblable après chaque nouvelle mésaventure...
Dès le premier volume, il arrivera à certains des personnages de découvrir que le Métro possède aussi une Rive droite considérée par tous comme un enfer invivable et inhabité.
Le second volume, multipliant les retournements de situation de plus en plus invraisemblables et les complications dans l’univers, comporte aussi un certain nombre de flashbacks sur la Catastrophe, c’est-à-dire la destruction nucléaire de Paris en 2033 et les débuts des peuplements du métro, tant sur la rive gauche que sur la rive droite. Il est aussi question d’un légendaire « Maître du Temps », qui s’avérera un androïde, réfugié dans l’Île de la Cité qui ne communique plus avec aucune des deux rives...
Le troisième, enfin, conclura l’épopée par la réunion des héros et la reconquête de l’extérieur par les survivants.
Aussi feuilletonesque, rocambolesque et invraisemblable que soit cette aventure de plusieurs personnages, dont certains changent de caractère au fur et à mesure des épisodes, elle n’en est pas moins prenante, impossible à abandonner avant la fin.
Métro 2033, de Pierre Bordage, L’Atalante, coll. Dentelle du cygne, couverture de Mirko Failoni
- Rive gauche, 2020, 460 p., ISBN 979-1-03600-039-3
- Rive droite, 2021. 455 p., ISBN 979-1-03600-070-6
- Cité, 2022. 455 p., ISBN 979-1-03600-106-2