Curée (La)
Cette adaptation de La curée, roman d’Émile Zola, en bande dessinée par Cédric Simon et Éric Stalner ne passe pas inaperçue et s’inscrit dans la grande fresque des Rougon-Macquart écrite par Zola.
J’avais hésité à lire cette BD, car pour moi Zola c’est avant tout Germinal. Mais j’ai laissé mes préjugés au vestiaire pour lire cette bande dessinée. Et le résultat, c’est que j’ai bien aimé. La période du deuxième Empire ne m’est pas trop connue si ce n’est pour les travaux du baron Haussman, qui ont changé la face de Paris dans la seconde partie du XIXe siècle.
La curée, c’est la portion de la bête, du gibier, qu’on donne en pâture aux chiens de chasse. Dans le cas du roman et de cette BD, la curée, c’est Paris, ville qui est la proie des promoteurs et des spéculateurs. C’est une période où des affairistes exproprient les personnes de leurs demeures, achètent les terrains pour des bouchées de pain puis les revendent à prix d’or lors de la reconstruction d’une partie de la ville. Paris est vendue parcelle par parcelle lors des grands travaux d’Haussman.
On fait la connaissance d’Aristide Rougon qui arrive de sa province le 13 janvier 1852 avec femme et enfant. Son frère Eugène qui est avocat lui suggère de changer de nom. Il troquera le nom de Rougon pour celui de Saccard. L’homme qui est très ambitieux se focalise sur le travail et pas sur sa famille. Pour réaliser ses projets et concrétiser son désir de fortune, il s’applique à tout savoir à la mairie de Paris, et en particulier tout ce qui lui permettra de s’enrichir. Telle une fourmi, il va s’appliquer à devenir indispensable et donc à acquérir du pouvoir. Il délaisse sa femme Angèle au point de la laisser mourir. On lui propose un mariage arrangé avec Renée, qu’il accepte, car c’est aussi l’occasion pour lui de s’enrichir.
Les années passent et Saccard continue d’accumuler de l’argent. Sa femme Renée consacre du temps à Maxime, le fils de la première épouse de Saccard. Cette relation belle-mère et beau-fils prend une autre tournure au point de se transformer en romance. Comme Saccard ne se préoccupe pas vraiment de sa femme, cette relation sentimentale prend de l’ampleur. La seule chose qui met en difficulté Renée, c’est sa dote qui a fondu comme neige tandis que les dettes s’accumulent. Son mari lui fait signer des reconnaissances de dettes et s’approprie petit à petit ses biens. Jusqu’au jour où il découvre la relation sentimentale entre sa femme et son fils. Mais Maxime se marie et part pour l’Italie, laissant Renée désemparée, qui se suicide en se noyant.
C’est à la fois beau et triste, mais c’est admirablement bien adapté. L’histoire fait froid dans le dos, car elle présente un homme qui ne s’ennuie d’aucun scrupule pour s’enrichir. Et les gens qui l’entourent semblent être pris par cette même folie, la soif du pouvoir et de l’argent. Il suffit de regarder les rires des différents protagonistes et leurs yeux presque exorbités à l’idée de faire des bénéfices fructueux. Sa femme n’a pas beaucoup d’importance à ses yeux, si ce n’est pour l’argent qu’il peut lui soustraire.
J’ai beaucoup aimé cette adaptation du roman de Zola, même si la fin n’est pas tout à fait celle du roman (puisque sa seconde épouse meurt d’une méningite dans le roman). Mais vu la qualité du scénario et des dessins, on fera abstraction de ce détail. J’espère que d’autres initiatives du même genre vont voir le jour dans le futur. Certains classiques de la littérature méritent aussi d’avoir une adaptation en bande dessinée. Et ce ne sont pas les livres qui manquent !
J’ai adoré le dessin d’Éric Stalner et en particulier les couleurs qu’il a choisies pour cette bande dessinée. Les vues de Paris sont magnifiques. Le scénario de Cédric Simon et Éric Stalner tient le lecteur en halène. A lire évidemment !
La Curée, Cédric Simon et Éric Stalner d’après le roman d’Émile Zola, Éditions Les Arènes BD, 2019, 192 pages