Espion de la reine (L’)
Versailles, 1776.
Lucien est garde-du-corps du Roi, prestigieux office qu’il doit à la bienveillance de la royale épouse. Lorsque cette dernière lui demande d’intriguer contre la duchesse d’Aiguillon, il n’a guère d’autre choix que d’accepter. La mission prend rapidement de l’envergure lorsque des espions anglais s’immiscent dans la manœuvre…
Un roman érotique où intrigues de cour, espionnage, jeux de séduction et duels au sabre se succèdent dans une danse impitoyable.
Mon avis
Au niveau du scénario, on peut dire que Dorian Lake y a mis beaucoup du sien. Des recherches fructueuses, une cohérence de l’époque, des intrigues politiques et royales… Tout y était pour nous faire passer un bon moment. L’auteur nous donne l’impression d’avoir vécu à Versailles en 1776 tant ce qu’il y décrit paraît réel. Il plonge le lecteur dans l’Histoire avec une facilité tellement déconcertante que ça en devenait très étrange. Je me suis même demandé s’il était intemporel. Plus on évoluait dans l’intrigue, plus il nous apprenait des choses sur la qualité de vie à l’époque, les rapports sociaux dans l’aristocratie, les tenues ainsi que les avantages et les inconvénients liés à celles-ci (cf. le corset des femmes). Il expliquait même dans quels genres de pièces vivaient les membres de la Garde du Roi et les invité(e)s à la Cour, sans omettre la description des lieux auxquels se rendait Lucien. Au cours de ma lecture, je ne me rappelle pas m’être ennuyée, tant le cours des événements reste rythmé, non sans afficher une structure évolutive non négligeable. Plus je lisais, plus je sentais l’histoire avancer, plus j’avais envie d’en savoir plus, surtout au vu de certains rebondissements qui parsèment ce livre.
Aussi, la lecture n’aurait pas été aussi agréable si la fluidité de la plume n’était pas au rendez-vous. On sent qu’il a énormément travaillé sur son écriture, et c’est là l’un des plus gros points positifs de L’espion de la Reine, même si selon moi, ce livre est une pépite tout court. Les lignes se lisent d’elles-mêmes, sans donner au lecteur une sensation de lourdeur. Les appellations propres à l’époque sont expliquées en notes de bas de page, une qualité fort appréciable lorsqu’on souhaite vraiment intégrer un univers à fond. En plus de nous plonger dans son intrigue, Dorian Lake nous amène sans peine à faire des découvertes enrichissantes. L’auteur fait face à un panel de scènes différentes à écrire dans son roman : combat, érotisme et espionnage. Il passe de batailles à séances de sexe très mouvementées, pour se calquer ensuite sur des sujets moins dociles. Sa faculté à tout aussi bien décrire m’a vraiment happée. Quand j’ouvrais ce roman, je ne le lisais pas : je le vivais.
Et je prenais énormément de plaisir à vivre aux côtés des différents personnages que l’on rencontre au fil du roman. Je ne vais pas parler de tout le monde, pour éviter les spoilers, mais notons que d’après le titre L’espion de la Reine, je me dois quand même d’exprimer mon ressenti sur l’espion et la Reine. Concernant Lucien, j’ai plus qu’adoré ce personnage qui cache avec maîtrise une autre facette de lui, se révélant davantage durant la lecture du récit. Je félicite l’auteur de réussir aussi bien à nuancer un seul et même personnage. Le garde-du-corps du Roi est un homme droit et juste, sérieux, peu importe les situations, et son amour envers la justice ne l’écarte que très rarement de ses objectifs. Ambitieux et discret, tout en restant loyal et téméraire. Ces qualités font de lui un excellent épéiste et un espion qui gère. Malgré l’emprise qu’exerce la Reine sur lui, Lucien est un personnage qui n’a pas froid aux yeux. Du côté de la Reine, c’est un immense coup de cœur pour ma part. Quand j’ai reçu le roman, j’ai pris le temps d’observer la couverture. Dans mon cerveau, ça a fait tilt : « Oh, on dirait Margaery Tyrell (Nathalie Dormer) ! ». J’en ai parlé à l’auteur qui m’a confirmé qu’elle l’a un peu inspirée. Rien qu’à partir de là, je ne pouvais que l’apprécier. À l’instant même où elle est apparue dans le livre, j’ai senti mon cœur battre la chamade. Ce genre de personnage, tout en nuances, jouant avec le bien comme avec le mal, c’est franchement mon dada. Elle est tellement détestable et appréciable à la fois que ça en fait tourner la tête. Tout en provoquant un sentiment d’intimidation, elle évoque également par sa simple présence l’amour, la sensualité et le désir. Une reine vicieuse qui n’a peur de rien, une reine qui n’hésite pas à jouer de ses atouts pour obtenir ce qu’elle veut. Bref, vous l’aurez compris, j’aime beaucoup les antagonistes, et celui-ci ne fait pas exception.
Au-delà de ses mots et de son scénario à couper le souffle, Dorian Lake nous lâche sur une fin frustrante mais à la fois suffisante à elle-même. Cet auteur sadique, en plus de mener la vie dure à certains de ses personnages, réussit à nous transporter dans une histoire à laquelle on s’attache, à laquelle on s’accroche de toutes nos forces tant elle nous plaît. Sur le moment, en lisant la fin, je me suis dit « Sérieusement ? » et j’ai regardé le vide, perdue sur un siège de l’avion qui me menait en Egypte. J’étais totalement désemparée. Puis, j’ai réactivé mes méninges éteintes sous le choc et j’ai énormément réfléchi au final de sa trame. En y repensant, je me suis rendu compte que ce roman avait pris une telle tournure qu’il était impossible de le terminer autrement. Les décisions de Lucien paraissaient totalement cohérentes, tout comme sa façon de penser. Alors, j’ai pu continuer la lecture d’un autre livre, l’esprit tranquille. C’est la première fois que je découvrais cet auteur, et je ne compte pas m’arrêter en si bon chemin.
Grosso modo, L’espion de la Reine mêle avec dextérité l’historique et l’érotisme, à Versailles en 1776. Écrit par Dorian Lake, ce roman comblera autant les fans d’Histoire que ceux qui n’y connaissent rien. L’écriture fluide nous plonge tellement dans le récit qu’il devient impossible de ne pas y sombrer, aux côtés de personnages à la psychologie complexe et travaillée. Un coup de cœur que je recommande les yeux fermés.
L’espion de la reine par Dorian Lake, Éditions Noir d’absinthe, 230 pages.