Merveille
Merveille conclut par une fin heureuse la trilogie entamée avec Eveil et continuée avec Veille. Et si on peut lui reprocher un optimisme excessif puisque tout finit le mieux possible pour tous les protagonistes, que ce soit Webmind, la jeune Caitlin Dexter qui a aidé à son éveil, le singe Chobo ou même les assistants du programme de défense des Etats-Unis qui voulaient détruire Webmind. Même si toutes les forces négatives qui auraient pu, et même dû, se manifester et réagir violemment semblent sous-estimées, et sont apparemment contrôlées et empêchées d’agir, on ne peut pas pour autant accuser Robert Sawyer d’idéalisme irréfléchi. Par la voix de Webmind, parfois par celle de Caitlin ou celle de ses parents, il exprime des convictions dans l’amélioration progressive de l’humanité et dans le succès d’un emploi efficace de la théorie des jeux et en particulier de celle des jeux à somme positive, convictions qui ne sont pas sans justification rationnelle. Ce roman redonnerait foi et espoir dans l’avenir si l’actualité, qui est pourtant produite par certains personnages cités dans le roman, ne venait pas nos rappeler que les cercles vicieux et les jeux à somme négative sont la base de la réalité, où certains détruisent plus qu’ils ne prennent, dans leur volonté non seulement de s’approprier le plus possible mais, d’abord, d’enlever aux autres ce qu’ils ont, de détruire ce qu’ils ne peuvent pas posséder.
Le sentiment que j’ai éprouvé à la fin du livre est un immense regret d’un monde dans lequel un tel progrès serait envisageable. Revenir à la réalité est une chute par rapport à l’émerveillement que produit le roman.
Les idées exprimées, répétées sont pourtant élaborées, cohérentes, claires. Il suffirait de si peu pour transformer le monde. D’un miracle comme celui que représente l’apparition de Webmind... qui, même s’il s’en défend, est une forme d’un Dieu possible, tellement plus humain que celui dont nous parlent les prêtres...
Il n’empêche qu’il vaut mieux lire le roman comme une féérie, une visite au Pays des merveilles. Si on ne compare pas ce « possible » ( ?) à la réalité et au probable, on évitera une déception dont j’ai quelque peine à me remettre. Et, ce nonobstant, il me reste un tel plaisir à avoir pu y croire le temps de la lecture que je n’ai aucun regret de l’avoir faite et ai envie de relire toute la trilogie...
Pour une fois qu’un chef-d’œuvre ne se termine pas en tragédie, profitons-en.
Merveille de Robert J Sawyer, traduit par Patrick Dusoulier, Ailleurs et demain 2011, 396 p., 21€, ISBN 9-782221-124253, Robert Laffont