Outsider (L')

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Terry Maitland est une personnalité de la petite ville de Flint City, Oklahoma. Marié, deux filles, entraîneur de baseball, un personnage sans histoire. C’est pourtant lui que les témoins affirment avoir vu en compagnie du jeune Frank Peterson, juste avant que l’on ne retrouve le corps du jeune garçon violé et horriblement mutilé. L’inspecteur Ralph Anderson en est convaincu : il tient le coupable. Après une arrestation très médiatisée, alors que les preuves s’accumulent contre Maitland, celui-ci continue de clamer son innocence. Il semble même posséder un alibi en béton. Or, personne ne peut se trouver à deux endroits différents en même temps…

À 71 ans et après pas loin de 80 romans et recueils de nouvelles à son actif, Stephen King montre qu’il n’a rien perdu de sa verve de conteur. Les années passant, il aurait même tendance à accélérer l’allure. Il a su prouver qu’il était capable d’aborder une multitude de genres :  le thriller psychologique de Dead Zone ou de Misery, l'horreur de Salem ou évidemment Ça mais aussi le drame dans Rita Hayworth et la redemption de Shawshank ou le Corp. Sans oublier un peu d'uchronie avec 22/11/63. On sait aussi que depuis quelques années, King s’est senti attiré par le genre polar, avec la Trilogie Hodges (Mr Mercedes et Carnets noirs surtout, Fin de ronde étant plus fantastique).

Il récidive ici, au moins au début, dans le premier gros tiers du livre. Fidèle à son habitude, King plante son décor et ses personnages avec le souci du détail. S’il y a bien une chose que je me dois de lui laisser, c’est cette importance donnée aux « à-côtés »: même le quidam de passage a son rôle, dans un instantané, une tranche de vie de la petite ville. La première partie est une véritable enquête, entrecoupée des procès verbaux des interrogatoires, jusqu’à l’acte d’inculpation. Pour Maitland comme pour le lecteur, tout va trop vite, Maitland est LE coupable idéal. Une partie véritablement fouillée. Puis dans un second temps, Stephen King lance ses personnages, l’inspecteur Ralph Anderson en tête, dans une sorte de contre-enquête à la recherche de la vérité et de ce mystérieux outsider.

Le roman se conçoit comme une continuité de sa trilogie, mais les allusions à ses autres romans sont nombreuses, en particulier Ça et La tour sombre. Sans trop en dévoiler, King fait intervenir Holly Gibney, son héroïne de la trilogie Hodges, comme enquêtrice. Même si l’on sent à l’évidence le plaisir qu’a eu King à la faire revenir (c’est même de la tendresse qu’il éprouve pour ce personnage bancal, bourré de tocs mais attachant), j’avoue que son arrivée fait un peu téléphonée, d’autant plus qu’elle parvient à découvrir  sans problème une foule de détails que la police semble avoir négligés… Mais ne boudons pas notre plaisir, personnellement j’éprouve toujours de la joie à reconnaître des acteurs et actrices de romans précédents, à la façon d’un membre de la famille que l’on n’aurait pas vu depuis longtemps…

Cependant, et c’est là qu’intervient ma réserve, j’ai retrouvé dans cet Outsider les mêmes petits défauts que j’avais notés dans Dome, Revival ou Fin de ronde par exemple : je suis resté sur ma faim lors de la conclusion que j’ai jugée un peu trop expéditive, en deux pages à peine, comme si Stephen King, après avoir fait prendre corps à son Outsider, n’avait pas su quoi en faire par la suite. On peut se dire que l’auteur laisse ainsi la porte ouverte à l’imagination du lecteur, mais j’y ai trouvé un je-ne-sais-quoi de frustrant, et surtout oserais-je dire d’un peu ridicule dans l’emprunt fait à Mr Mercedes à ce moment… (je n’en dis pas plus, à chacun de se faire une idée précise).

L’outsider est donc un bon roman de Stephen King (ceci dit, même si certains ne m’ont pas trop plu, je n’en ai jamais lu de mauvais), qui prouve une fois de plus son statut d’auteur hors pair. Sa capacité d’écriture ne faiblit pas et je dirais, tant mieux pour nous. Le passage du polar au fantastique se fait sans heurt, presque naturellement. La traduction, assurée cette fois par Jean Esch, comme pour Sleeping Beauties, m’a rappelé celles du défunt William Olivier Desmond et m’a paru plus pêchue que les précédentes en particulier Carnets noirs. Cependant, il me manque une fin digne du traitement de toute l’histoire pour le considérer comme un très grand cru. Dommage…

À noter aussi une « erreur »(?) récurrente, dans le prénom de la femme de l’inspecteur Anderson, appelée Jeanette au début, puis Jeannie au milieu du roman, avant de redevenir Jeanette… Cela ne nuit en rien à la lecture et n’a aucune importance dans la suite du récit, pour peu que l’on assimile le fait.

 

L’outsider - Stephen King - traduction de Jean Esch - Albin Michel - 01/19

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