BRY David 01

Auteur / Scénariste: 


Sur un forum, vous vous êtes présenté comme l’auteur des chroniques d’Ervalon, mais également comme un fan des jeux de rôles, un homme aimant la lecture (sauf les polars) et la cuisine. Est-ce important pour vous de rester simple quand on choisit un métier public comme écrivain ?

Je suis surtout empreint de réalisme ! Ervalon est mon premier roman, dans un domaine (la fantasy) qui n’est pas parmi les plus reconnus, et où les nouveaux auteurs sont aussi nombreux qu’ailleurs. Donc, rester simple, ce n’est pas vraiment une question de choix en fait ;).

Au-delà de ces considérations, je me vois plus comme un conteur qu’un écrivain. Je ne fais pas de la littérature. D’autres le font, beaucoup mieux que moi. La seule chose que j’essaie de faire et espère réussir, c’est raconter des histoires. Un peu à l’image des troubadours qui chantaient leurs contes au coin du feu dans les auberges, le soir. Le visage de celui qui raconte n’est pas important. Si son visage l’emporte sur le reste, c’est que son histoire n’est pas assez prenante pour qu’on l’oublie, lui. Si, en lisant Ervalon, vous pensez à moi, c’est que j’aurai raté mon histoire, et n’aurai pas réussi à vous emmener là-bas, malgré mes efforts.

Alors, est-ce que rester simple est important ? Je le pense, oui. Et je pense surtout qu’il faut rester derrière son histoire, pas devant, car c’est elle qui est importante.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire de la fantasy ?

Il y a plein de raison. Des bonnes, et des mauvaises, des conscientes, des inconscientes. Il y a certainement un mélange de frustration et de rejet du monde présent, d’envie aussi de poser une empreinte quelque part. Mais il y a surtout l’émerveillement devant la magie, l’inconnu, le mystère et les légendes des mondes de fantasy, émerveillement que l’on a perdu en contrôlant tout autour de nous. Le monde dans lequel nous vivons – rapide, sans mystère, sans frontière et exigeant – ne nous laisse que rarement le temps ou l’opportunité de nous émerveiller. La fantasy ramène un peu de cela. Et, clairement, c’est ce que j’y cherche.

Sur votre blog, vous avez écrit ceci : « Nous n’aimons pas tous les mêmes livres, les mêmes histoires. Nous en attendons tous des choses différentes ». C’est une réponse inattendue de la part d’un écrivain, mais charmante. Que représentent les lecteurs à vos yeux ?

Imaginer que les lecteurs ont un profil unique, une seule et même attente, serait terrible. Comme si nous étions tous pareils ! Les lecteurs ont – et c’est heureux – des visages nombreux et multiples. Certains recherchent le frisson de l’aventure, d’autres celui de l’amour, de l’horreur, de la transgression ou des bâtisseurs d’empire. Ils sont un peu comme les clients d’un restaurant (oui, je suis vraiment gourmand). Ils prennent la carte, et regardent ce qu’ils ont envie de lire, dans l’un ou l’autre des menus.

Le lecteur, pour moi, c’est cela. Quelqu’un qui a lu la carte et qui a envie de passer un moment avec une histoire, de s’y plonger. Parfois, il s’agit d’une histoire que j’ai inventée, en espérant qu’elle plaira. Une histoire où j’ai mis mes ingrédients à moi : dans Ervalon, il y a des château-forts, des mystères, des forêts épaisses, des charges de chevaliers et le bruit des combats, des sacrifices et des trahisons. Et j’espère alors qu’il se laissera emporter par tout cela et qu’il en sortira ... repus ? :)

Depuis la crise économique, la vente des livres est en baisse. Puis surtout, les livres électroniques volent peu à peu la vedette aux ouvrages traditionnels. Dans une société de plus en plus numérisée, avez-vous l’impression que le monde de la fantasy a encore sa place ?

Comme dit l’adage, qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse ! Ce n’est je crois qu’un problème de support. Beaucoup aujourd’hui, dont je fais d’ailleurs partie, n’imaginent pas lire une histoire autrement qu’en feuilletant des pages plus ou moins jaunies, exhalant cette odeur caractéristique de colle, de papier et de renfermé. Demain, nous aurons sans doute l’air de vieux ringards avec nos bouquins, alors que les fichiers sont tellement plus pratiques, au moins à transporter ! Ce n’est donc, je pense, qu’une question d’habitude.

La seule vraie problématique dans le passage au numérique – en dehors des risques réels que font porter le piratage – est le rôle attendu des différents acteurs. Le défi est de taille. Comment transformer un marché du livre en marché de fichiers contenant des histoires ? Quel sera le rôle du libraire ? Du diffuseur ? L’offre sera-t-elle plus importante, ou bien verrons-nous une standardisation de celle-ci ? Toutes ces questions vont, j’en suis sûr, bouleverser le monde du livre. Mais de la même manière que la musique numérique n’a pas tué de genre musical, je suis serein sur le fait que les livres numériques ne tueront pas de genre littéraire. Peut-être même en ouvriront-ils d’autres ? Livres-musicaux, livres-encyclopédies, livres-dessin … Tout est permis !

La fantasy va souvent de paire avec le dessin : pensez-vous que les illustrations soient importantes dans un ouvrage de ce genre ?

Contrairement à la littérature générale, la fantasy fait non seulement appel à l’imagination, mais aussi à une faculté de création de la part du lecteur. En effet, celui-ci ne doit pas faire appel qu’à ses souvenirs ou ses connaissances pour visualiser le monde qu’on lui propose, mais doit parfois inventer à partir de ce qu’il en lit. Personne (à ma connaissance en tout cas !) n’a jamais vu de chimère, de griffon ou d’hydre. Comment se les représenter alors ? Les descriptions faites par l’auteur bien sûr sont là pour ça. Mais les illustrations fournissent un support presque nécessaire à l’imaginaire, et aident à l’immersion. Ils rendent le récit fantasy presque aussi réel que pourrait l’être une histoire de voyage, en représentant physiquement ce que le lecteur ne peut pas connaître. Je pense donc qu’en effet les illustrations sont importantes. Ne serait-ce que des cartes ! Lorsque nous proposons des voyages dans des mondes imaginaires, pouvoir visualiser ce monde est important, le rend concret. On se prend non seulement à suivre les pérégrinations des personnages, mais aussi à essayer d’imaginer ce qu’il y a derrière telle chaîne de montagne ou qui peut vivre dans telle ou telle région. Les trois tomes d’Ervalon ne comportent aucune carte, et c’est un vrai regret de ma part. C’est pour remédier à cela que j’en ai mise une (même deux en fait) sur le site.

Faut-il être un peu « piqué » pour écrire de la fantasy ?

Je crois ! Plus ou moins en tout cas (je suis dans les moins !!). Plus sérieusement, pour écrire de la fantasy, il faut savoir s’émerveiller, inventer des mondes, être parfois « ailleurs » pour savoir ce qu’il s’y passe, et le retranscrire après. On ne peut pas se détacher du monde actuel/vrai/présent sans paraître un peu original. Après, cette originalité présente divers degrés. Certains, comme la plupart des auteurs que j’ai pu rencontrer, possèdent « juste » une vraie faculté à être ailleurs et inventer, tout en gardant un pied dans le monde que nous partageons tous. C’est ce qui fait que nous pouvons communiquer d’ailleurs, en partageant ce référentiel commun. D’autres, bien sûr, mangent des fruits pourris ou sont convaincus que les Schmorsglub Rampants finiront par vaincre et envahir la Terre. Ceux-là sont, je crois, quand même minoritaires.

Quelle est la différence entre Fantasy et fantastique, selon vous ?

La différence est pour moi simple. Le fantastique apporte des éléments imaginaires dans le monde réel, celui que nous connaissons, sans le bouleverser pour autant. Les vampires, les loups-garous et les fantômes sont du domaine du fantastique. Ils envahissent notre monde.

La fantasy correspond quant à elle à la création d’un monde à part entière, avec ses règles, ses peuples, sa propre histoire qui n’a souvent rien à voir avec la nôtre. Un vampire dans un monde d’île flottant dans les airs appartient à la fantasy, pas au fantastique.

« Ervalon » ... le nom fait penser à « Avalon » : Marion Zimmer Bradley vous aurait-elle influencé ?

Pour Ervalon, plus que Marion Zimmer Bradley (dont j’ai lu en effet pas mal de livres, Avalon y compris), c’est le mythe arthurien qui m’a inspiré. J’ai toujours adoré ces histoires mêlant légendes, chevaliers et la défense d’un idéal. J’avais toujours rêvé d’inventer une histoire dans ce terreau-là, celui de l’imaginaire celte, médiéval et chevaleresque. Ervalon répond complètement à cela. Dans un monde très moyenâgeux, des personnages que rien ne disposait à un avenir différent des autres vont décider de se mettre au service de leurs seigneurs et de défendre leurs terres, menacées par les appétits de rivaux dont ils ignorent l’identité. La quête est ici la protection de leur duché envers et contre tout, et même – voire surtout – lorsque tout semble voué à l’échec. Il y a de la magie, bien sûr. Ionis, l’un des héros, est un jeune mage en quête de connaissance ; la prophétesse Mélorée a laissé de nombreux chants qui, étrangement, semblent concerner autant le passé que le présent ; et enfin l’immense Bois de Trois-Lunes regorge de mystères et de menaces. Et il y a aussi un vrai esprit de chevalerie, que portent entre autres Iselde Harken et Chtark Magreer, deux autres des héros d’Ervalon.

Quelles sont vos inspirations ?

Elles sont nombreuses ! Il y a tout ce que j’ai lu depuis tout gamin, puis adolescent et encore maintenant. Toutes ces histoires ont forgé une sorte de terreau à mon imagination. Il y a de la chevalerie, de la magie, des légendes ; des bombes, des tragédies et des massacres ; des histoires d’amitié fidèle, de trahisons et de perte infinie. La musique aussi m’inspire beaucoup, à travers tous les sentiments qu’elle peut provoquer chez nous, de la peine à la joie, de l’excitation à la rêverie.

Lorsqu’une histoire vient taper à la porte de mon imagination, je puise alors dans tout cela pour l’étoffer. Ai-je envie d’écrire sur une vieille sorcière ? J’essaie de la visualiser, à travers mon imagination qui s’est elle forcément nourrie de tout ce que j’ai lu et vécu ; j’essaie de faire passer des sentiments au lecteur à travers ceux que je connais, ceux que véhicule une musique à laquelle je pense ou que j’écoute, en fond sonore.

Trouvez-vous que la Fantasy d’aujourd’hui soit la digne héritière de Tolkien ?
Oui. Même si elle a énormément évolué depuis. Tolkien a en quelque sorte réussi à synthétiser plusieurs légendes en un monde gigantesque et surtout crédible, tout en proposant cette histoire à des adultes. Depuis cet évènement fondateur, la Fantasy a beaucoup évolué, et heureusement ! Sinon nous n’aurions que de pâles copies de l’histoire des Terres du Milieu et nous en avons déjà, je crois, déjà suffisamment.

Depuis Tolkien, la fantasy s’est engagée sur plusieurs voies. Il y a celle des livres d’ambiance dont l’histoire n’est pas tant-là pour elle-même que pour immerger le lecteur dans un monde et l’y faire voyager. Celle des récits épiques, proches des légendes arthuriennes ou des mythes gréco-romains, dans laquelle se situe clairement Ervalon. Il y a également la fantasy plus moderne qui traite de sujets « contemporains », dans le sens où ils nous posent question. Des réflexions sur le pouvoir, le bien, le mal, la conscience de soi et les limites. Cette fantasy-là est plus moderne et parfois plus exigeante en terme de lecture et peut se rapprocher d’une certaine manière de la science-fiction, qui explore les futurs possibles.

En résumé, de nombreux chemins se sont créés à partir du « monument » créé par Tolkien. Et c’est, à mon sens, une très bonne chose, permettant ainsi aux lecteurs de choisir le genre d’histoire qu’ils ont envie de lire, du voyage à la réflexion, des bruits des batailles aux amoures contrariées de magiciennes, de récits épiques aux errances des ermites.

Quels sont vos auteurs favoris ?

Je citerai Michaël Moorcock, dont l’Elric a accompagné mon arrivée dans le monde de la fantasy, John Irving que j’adore, ainsi que Virginia Woolf et Shakespeare. Ces trois derniers ne sont d’ailleurs pas si loin du l’imaginaire que cela …

Pourriez-vous nous présenter vos chroniques ?

Avec plaisir !

Les chroniques d’Ervalon racontent l‘histoire de plusieurs personnages qui, par amour de leurs terres et par respect des valeurs qu’ils défendent, vont se mettre au service de leurs suzerains. Dès lors, leur destin va en être bouleversé. Confrontés à de multiples complots, ils participeront à de nombreuses batailles, redécouvriront d’anciennes légendes et aideront aussi à en bâtir de nouvelles.

Les chroniques d’Ervalon racontent des histoires d’engagement, d’amitié, de choix, de victoires à l’arrachée et de défaites amères. Elles racontent au final comment quelques personnages vont, par leurs décisions propres, essayer de devenir des héros et d’aller jusqu’au bout de ce qu’ils jugent juste.

Les chroniques sont, je crois, très humaines. Il n’y a ni prophétie, ni manichéisme, juste l’histoire d’une poignée de héros qui vont devoir, par eux-mêmes, décider de leur vie. Empruntera-t-elle la voie de la chevalerie comme certains l’espèrent ? Réussiront-ils à se forger une nouvelle famille comme d’autres l’attendent ? Y survivront-ils tout simplement ? Je vous laisse le découvrir :).

Les jeux vidéos détruisent-ils ou stimulent-ils, selon vous, l’imagination d’un écrivain ?

Les jeux vidéos sont avant tout chronophages et là réside leur principal danger ! Le travail d’écriture est un travail de longue haleine, pas très éloigné des douze travaux d’Hercule. Lorsqu’on écrit, il reste malheureusement peu de place pour autre chose… à moins de savoir très bien gérer son temps. Par ailleurs, imaginer prend du temps et nécessite une vraie disponibilité d’esprit… disponibilité que l’on n’a pas lorsqu’on est occupé à tuer des orcs immondes, envahir un royaume adverse ou construire le plus beau zoo du pays !

Globalement, et pour revenir à la question, je ne pense pas que l’imaginaire soit l’ennemi d’un autre imaginaire. On peut se laisser porter par une histoire sans pour autant qu’elle « pollue » celle que l’on est en train d’écrire ou d’inventer. Plus qu’une destruction ou une stimulation, les jeux vidéos sont je crois tout simplement « à côté ». Le seul risque auquel il faut alors rester vigilant est la pollution dont je parle ci-dessus. Un monde imaginaire, une histoire, doit se tenir. Y apporter des éléments extérieurs qui n’y ont pas leur place lui nuit. Et encore plus si ces éléments sont copiés à partir d’une source extérieure qui n’a parfois rien à voir avec !

En ce qui me concerne, après avoir été un joueur acharné de jeux vidéos, j’avoue avoir passé la main. Par manque de temps et l’envie de faire autre chose aussi. Je lis plus, passe plus de temps à l’extérieur… sauf quand j’écris !

Avez-vous lu la saga Twilight, de Stephenie Mayer ? Et les films ? Qu’en pensez-vous ?

Je n’ai pas lu, ni vu Twilight. Sans porter de jugement dessus, ni positif ni négatif, j’avoue ne pas du tout être attiré par la bit-lit. Par contre, je suis très heureux qu’elle amène de nouveaux lecteurs ! J’espère juste que ceux-ci sauront s’ouvrir aux autres formes de fantasy et de littérature, et qu’ils ne liront pas toute leur vie des histoires de jeunes filles et de vampires.

Que conseilleriez-vous à quelqu’un qui souhaite publier un roman fantasy ? Faut-il avoir un état d’esprit particulier ?

Partant du principe que le roman est déjà écrit, il y a deux choses à faire. La première, bien sûr, est de l’envoyer aux éditeurs spécialisés ou dont la fantasy appartient à la ligne éditoriale (ce qui peut être vérifié sur le site de ces éditeurs). L’autre est d’essayer de se faire connaître.

Nombreux sont les manuscrits qui circulent et sortir du lot est difficile. Il faut sans doute du talent… mais aussi de la chance ! Et que faire quand la chance ne nous sourit pas ? Tenter de faire sans, tout simplement. Un bon moyen d’essayer de se faire repérer est je crois d’écrire des nouvelles. De nombreux appels à texte circulent sur Internet, que ce soit pour des anthologies, des fanzines ou des magazines. C’est un excellent moyen de se faire un début de nom et aussi de se confronter aux premières critiques totalement extérieures.

Après, je pose souvent la question de la publication. Evidemment, c’est une reconnaissance. Mais elle ne doit pas aller à l’encontre ou nier le plaisir du partage de l’histoire. Internet fournit un fantastique moyen de partager nos écrits. Si on ne peut pas être publié, alors pourquoi ne pas simplement mettre son roman à disposition de tous, renouer avec les conteurs d’autrefois et le simple plaisir de raconter et de partager ?

En ce qui me concerne, rien ne me garantit aujourd’hui que la suite d’Ervalon sorte un jour sous la forme d’un livre. Ni même les autres histoires sur lesquelles je travaille actuellement. Ce dont je suis certain, cependant, c’est qu’elles ne resteront pas dans un tiroir, ni sur un disque dur :). Je les mettrai à disposition sur mon site, afin que ceux qui le veulent puissent les lire et en espérant qu’elles auront le bonheur de leur plaire. Car, au final, n’est ce pas ça l’unique objectif ?

Critique du tome 1

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Commentaires

Il faudrait ajouter l’adresse du blog, vu qu’on en parle dans l’introduction.