CAMUT Jérôme et HUG Nathalie 01

Dis-nous quelque chose à ton propos ? Qui es-tu ?

Jérôme Camut, auteur, bientôt quarante ans. J’écris depuis l’âge de vingt-neuf ans. Mon premier roman a été publié en 2002.

Finalement, tu as été publié très récemment ?

Oui.

Et pourquoi l’écriture ? Qu’est-ce qui t’a donné envie d’écrire ? Qu’est ce que tu faisais avant ?

Avant et pendant l’écriture, j’étais intermittent du spectacle. Travailler sur des tournages, pour la télévision, c’était un fantasme d’enfant qui est devenu un fantasme d’adolescent qui s’est réalisé. Pendant des années, j’ai travaillé dans ce milieu-là en changeant assez régulièrement de branche. Et puis un jour, j’ai commencé à écrire et je me suis aperçu, que c’était ça, qui me correspondait vraiment. J’avais 27/28 ans quand j’ai commencé à écrire. Pour l’image d’abord, des romans ensuite.

Qu’est-ce qui t’intéresse dans l’écriture ? Pourquoi ça te correspond ?

Il doit y avoir de nombreuses raisons. D’abord, je pense que j’ai un talent pour l’écriture, des facilités à m’exprimer de cette manière. Et aussi, pour la première fois, j’ai découvert que j’avais le courage de le faire, de remettre autant de fois que nécessaire l’ouvrage sur l’établi jusqu’à ce que j’arrive à la situation optimale. Deuxièmement, j’aime bien les gens, mais pas trop longtemps. Je n’aime pas avoir de chef. Je suis un vilain petit canard. Et le travail d’équipe, ça va cinq minutes, mais quand il faut compter sur les autres, j’attends d’eux qu’ils soient super compétents. Quand on écrit, je compte sur Nathalie comme je compte sur moi-même. Même à deux, c’est un travail de solitaire.

Tu as tout de suite été publié ? Quel a été ton parcours ?

Mon premier roman était énorme. J’ai mis un petit moment avant de le faire publier. Avant de trouver un éditeur, j’ai mis environ deux ans. Deux ans avant la publication, mais un an et demi avant qu’il soit authentifié par un éditeur.

Tu as commencé avec « Malhorne ».

Oui.

Et Malhorne au fait, c’est quoi ?

« Malhorne », c’est du fantastique. Mais pas seulement. Cela pourrait être un roman d’aventures, de SF, historique, philosophique. Ça, c’est un peu fort comme mot, mais initiatique en tout cas. Il y a des ingrédients de thriller aussi.

Pourquoi« Malhorne » ?

J’ai une propension à rêver qui est évidente. J’aime chercher et apporter des réponses à la vie, aux raisons de l’existence, aux raisons de nos origines. Qui sortent un peu du tout scientifique, qui vont au-delà. Même si lascience rejoint bien souvent la littérature. Ensuite, j’ai une relation à la mort qui est assez étroite. Et quand j’ai commencé l’écriture de « Malhorne », j’avais perdu plusieurs personnes qui m’étaient très chères. Donc, c’est une espèce de réponse personnelle. J’en étais satisfait et je le suis toujours d’ailleurs. Pour « Malhorne » par exemple, je me suis beaucoup documenté. Ce qui m’a ouvert l’esprit sur tout un tas de choses. Notamment, le rapport à la vie. Le rapport à la mort.

Au début, tu as tout de suite l’envie d’écrire une tétralogie ?

Non, je ne savais pas du tout que je partais sur un roman long. Je savais où je voulais aller. A peu de chose près, la fin de « Malhorne » est la fin du quatrième tome. J’avais une histoire. Comme c’était mon premier bouquin, je ne savais pas que ça prendrait autant de temps. Le premier tome m’a pris deux ans. Ca remonte à dix ans, et à l’époque je n’étais pas très bavard. J’étais taciturne et je ne savais pas que j’aurais autant de choses à raconter et autant de plaisir à le faire. Et donc, de fil en aiguille, je suis arrivé à un endroit de l’histoire où il m’a semblé que je pouvais m’arrêter pour chercher des éditeurs. A l’époque, je ne connaissais personne dans le monde de l’édition et tous les gens autour de moi disaient que je n’avais aucune chance. Mais bon, il n’y que ceux qui essaient qui y arrivent. Il faut au moins essayer. Je suis arrivé de 760 pages à 500 pages de publication et j’ai lancé ça auprès de dizaines d’éditeurs, et j’ai reçu des dizaines de refus. Mais je ne savais pas que ça ferait deux mille pages. Ça, c’est sûr.

Une sacrée aventure.

Oui. Il y a eu des écueils. Le premier tome a été édité au Serpent à plumes, qui a connu ses déboires, petits problèmes en interne, etc. Un mois avant la publication du deuxième tome, ils m’ont dit « au revoir monsieur, nous ne pouvons continuer la publication ». Je me suis retrouvé avec un tome 2 écrit, corrigé, la couverture faite. Tout était prêt. Il n’y avait plus qu’à l’imprimer. Moi, j’attendais qu’il paraisse. J’ai depuis appris la prudence. Après, j’ai eu du pot. J’ai été présenté aux éditions Bragelonne par une personne qui travaille dans le circuit de la distribution de livres. Ils ont lu le premier tome. Ils ont aimé et ont eu envie de racheter les droits pour me permettre de me remettre le pied à l’étrier.

C’est génial.

J’aurais pas dit ça à l’époque.

La renaissance, l’idée de pouvoir continuer sa vie, comme « Malhorne », cela te fascine-t-il et si oui, pourquoi ?

Oh, parce qu’on vit dans un monde sphérique et j’ai l’impression que la pensée occidentale ne l’est pas. Le tout cartésien me semble réducteur. Et puis, ça m’arrange bien de penser que tout ne s’arrête pas un jour, définitivement. Que nous ne reverrons jamais tous ceux que nous avons perdus. Ça me paraît difficile. Je trouve que la vie, c’est un petit peu… à quoi bon.

Est-ce que le personnage de Malhorne, qui est assez humaniste et écologiste, te ressemble ?

Est-ce qu’il me ressemble ? Humaniste. Oh la la !
J’en suis loin encore. Si Malhorne finit par être un peu sage. Et encore, il est sage, mais cruel. Enfin, il n’est pas que sage, mais s’il finit par l’être, c’est parce qu’il a eu le temps de prendre du recul. J’aimerais bien lui ressembler. C’est dur. J’essaie.

Écolo ? J’aime pas le mot, mais oui forcément. Ne pas l’être me semble tellement abracadabrant. Scier la branche sur laquelle on est assis, c’est une connerie sans nom. Pourtant, des consortiums continuent de le faire jour après jour. Plus tellement en Europe, parce qu’ici c’est prétendu mal de polluer. Alors, ils vont le faire ailleurs.

Tu t’es tourné maintenant vers le thriller avec Nathalie Hug. D’ailleurs quelques mots de présentation Nathalie.

NH : Avant de rencontrer Jérôme, le 24 novembre 2004 exactement, je travaillais dans l’industrie pharmaceutique. Et j’écrivais en secret. J’écrivais des poèmes, des nouvelles que je n’aurais jamais imaginés faire éditer. J’écrivais bien, mais je pensais être incapable d’écrire plus de vingt pages. Donc, c’était pour les amis, c’était pour moi et puis, un jour, je tombe sur les deux premiers volumes de « Malhorne ». J’ai lu le premier tome et j’ai eu un choc. Pourtant, je lis depuis longtemps et j’en ai lu des bouquins. J’attends quelques semaines avant de lire le tome 2 et j’ai le même choc. Et puis, je me demande : comment un homme de mon âge a pu écrire un roman aussi intelligent, sage, palpitant. C’était vraiment magnifique. Un soir, après beaucoup d’hésitations parce que c’était la première fois que j’envisageais d’entrer en contact avec un auteur, je me lance. J’écris à Bragelonne et je demande où je peux joindre Jérôme Camut pour le féliciter. Le lendemain, j’ai une réponse de l’auteur qui me dit :« Bah voilà, je suis à l’autre bout de la toile, allez-y, vous pouvez me féliciter ».

JC : C’est vrai qu’à l’époque, il y avait vraiment peu de contacts de lecteurs. Donc, je répondais tout de suite. Aujourd’hui, un petit peu plus lentement, mais assez rapidement, mais là, c’était vraiment du tac au tac.

NH : On a eu de la chance, parce que certains mails de lecteurs envoyés à Bragelonne sont arrivés six mois après. Comme moi j’écrivais, je lui ai envoyé un poème où je lui disais en substance que je l’attendais depuis toujours, lui et ses histoires.

Quand il a reçu ça, il a eu un peu peur. Il a dit :
 JC : C’est qui cette barge ? J’étais un peu embêté, c’est vrai. Parce que via Internet, tu ne sais pas qui c’est. Quel âge a la personne…

NH : Il se trouve que Jérôme n’est pas du tout sensible à la poésie, mais c’était la première fois qu’il recevait un poème. Donc, il était touché, il me l’a dit. Et très vite, on a commencé à correspondre. On a beaucoup parlé de « Malhorne » et je lui posais des questions qui suscitaient des interrogations chez lui. Il était en train d’écrire le troisième tome et il se rendait compte qu’il y avait certains aspects de l’histoire qu’il n’avait pas envisagés d’éclaircir. On a correspondu presque trois mois par mail et on devenait de plus en plus complices. Un jour, il m’a proposé de lire le tome 3 en avant-première pour que je puisse faire une critique. Et maintenant que je travaille, que j’écris aussi, je me rends compte à quel point il est difficile de prendre du recul par rapport à un texte. Donc, évidemment, j’accepte et il me propose une rencontre. Il habitait Paris et moi, j’étais en congrès à Paris. On a passé quatre heures ensemble et on s’est quitté en sachant que notre vie ne serait plus jamais pareille. Six mois plus tard, Jérôme m’a rejoint dans l’Est et a tenté très vite de m’encourager à écrire. Je refusais, certaine de manquer d’imagination. Et puis, j’admirais tellement son travail. Je me sentais incapable de faire aussi bien que lui. Il m’a piégée sur un texte pour la télévision : il m’a demandé de l’aide, je me suis lâchée. Et c’était libérateur ! Puis il m’a proposé de partager l’écriture d’une nouvelle que Bragelonne lui avait commandée. Il a commencé à écrire les dix premières lignes et j’ai poursuivi ; on a fait du ping-pong. En relisant, on se disait que ça collait plutôt bien. Après on s’est attaqué à « Prédation ».

Comment est venue l’idée d’écrire des thrillers ?

JC : J’ai toujours dit que j’écrirais ce qui me plairait. Je n’ai pas l’intention d’avoir une étiquette, les gens le feront pour moi. Un jour, j’écrirai peut-être un roman que les gens classeront en littérature générale.

« Prédation » est un roman assez noir. Vous avez l’air de bien connaître les pathologies psychiques. D’où vient cette connaissance ?

NH : « Prédation » et « Stigmate » sont des exutoires. C’est le côté noir de notre personnalité. On a tous un côté noir. Le côté noir, là, on l’assume pleinement, on l’exprime. On a essayé d’imaginer ce que nous serions sans morale ni éthique, sans éducation judéo-chrétienne.

JC : Moi, je me passionne pour la psychologie humaine. La mienne. Mon fonctionnement et le fonctionnement des autres pour me comprendre dans la vie de tous les jours. J’ai lu plein de bouquins. Dans ma famille, j’ai des psychotiques et des psychiatres. Comme dans toutes les familles. Quoiqu’il n’y a pas toujours des psychiatres dans toutes les familles, mais des psychotiques, oui. Donc, j’ai une facilité à décortiquer des personnages construits. Barges et construits.

NH : Et puis, on peut parfois dire en lisant « Stigmate » et« Prédation » à propos de Kurtz : « Le psychopathe n’en est pas moins un humain. » Un funambule. On ne sait jamais de quel côté il peut pencher. Il peut très bien faire quelque chose de raisonné, de raisonnable. Il peut sauver un gamin de la noyade et puis, l’instant d’après, il peut en zigouiller un, comme ça, pour rien. Et ce qui nous plaisait aussi, c’était le rapport entre ceux qui allaient enquêter et poursuivre ce type d’individu et les victimes.

JC : Pour moi, c’était comme le personnage interprété par Poelvoorde dans « C’est arrivé près de chez vous ». On rigole, on rigole jusqu’à atteindre sa limite. Et on a tous une limite. Ceux qui n’ont pas de limite sont des psychopathes. C’est un bon test. Moi je sais que ma limite dans le film, c’est le viol. Le cachet avec la vieille, j’éclate de rire. Même quand elle court après le gosse. (rire)

NH : C’est pour ça que dans le deuxième volet, « Stigmate », on s’est intéressé à ce qu’allaient devenir les victimes. Comment elles allaient réagir. Après avoir été confrontées à un choc. Ce n’est pas seulement le psychopathe qui nous intéresse mais les victimes et leurs réactions. Parce qu’il y a ceux qui vont avoir envie de se venger. Il y a ceux qui ne vont pas le supporter et se suicider. Il y a ceux qui vont pardonner. Ou devenir fous. En fait, chaque individu a sa manière de réagir. Et ça nous intéressait aussi de parler de ces gens qui avaient connu des atrocités. Et pas seulement se contenter de faire un énième bouquin en disant : yes, le méchant est ou n’est pas en prison. Le flic s’y prend comme ça et les victimes on s’en fout.

JC : Ce qui est intéressant dans notre roman, ce n’est pas qui s’en sort, qui ne s’en sort pas, mais comment le personnage s’en sort. Il peut arriver des choses tellement atroces qu’il vaudrait mieux ne pas y survivre.

Votre roman est effrayant grâce à sa crédibilité. Quel est votre secret ?

JC : Le secret ? On est deux. On n’est qu’un. Ça paraît tout bête, mais ça permet de tester les idées très rapidement. On met beaucoup plus de temps à monter le roman qu’à l’écrire.

NH : Mais une fois qu’on se met à écrire, on bosse comme des malades.

Vous faites beaucoup de plans ?

JC : Oui, oui. Parfois on s’arrache les cheveux. Par exemple, on est sur un nouveau roman. On a une idée de base qui nous plaît. On tire dessus. On voit dans quelle direction ça s’en va. On se confronte un peu. Un peu de documentation dans la direction qui nous intéresse. Et puis un jour, il faut poser les idées et écrire le synopsis. À partir de ce synopsis, on va découper un plan. On va le découper au sens propre du terme. On a pris nos petits chapitres et puis on les découpe. Et là, on voit comment ça fonctionne. C’est un truc de barge. Ça te prend, je ne sais pas, une semaine, dix jours de collage. Comme si, comme ça. Faut coller, enlever. L’ensemble doit être cohérent. C’est peut-être pour ça que l’ensemble donne quelque chose d’assez structuré. Et puis, on est deux. C’est vrai que seul, j’ai réussi à écrire « Malhorne ». Je sais ce que c’est d’écrire tout seul, mais à deux, c’est quand même vachement plus pratique. Plus simple, la réactivité en face est immédiate. Il y a quelqu’un avec qui tu peux parler. C’est vrai que tout seul, ça vient quand ça vient, quoi !

NH : On a la même construction mentale. On a des regards différents, mais qui s’associent bien sur la structure du roman. C’est un peu comme un château de cartes, tant que les deux ne sont pas satisfaits de l’édifice, et bien, on va bouger les chapitres, le redécouper jusqu’à ce que ça nous paraisse…parfait !

Les deux premiers tomes font partie d’un cycle qui s’intitule « Les Voies de l’ombre ». Votre dernier livre, « Les Eveillés » - que je n’ai pas encore lu - n’en fait pas partie. Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?

NH : Je tiens à expliquer pourquoi nous avons écrit « Les Eveillés » avant le troisième volume des voies de l’ombre. Quand on a terminé l’écriture de « Stigmate », on était assez éprouvés. On avait une idée pour le tome 3, mais on ne voulait pas se lancer trop vite. On voulait laisser décanter. Bien nous en a pris. Et comme on avait une autre histoire en tête, on s’est dit : « Allez, on met ça de côté et on va attaquer l’histoire des « Eveillés » ». Aujourd’hui on a achevé le troisième volet. On est très contents d’avoir attendu parce que ça prend une direction complètement différente de ce que l’on avait mis au point au départ. Beaucoup plus surprenante.

JC : Beaucoup plus intéressante.

Ca raconte quoi, les Eveillés ?

NH : C’est parti d’une idée de Jérôme qui m’a dit un jour : « Et si on racontait l’histoire d’un homme qui ne dort pas ? ».

Quels sont les thèmes de ce roman ?

NH : On a eu envie de parler de plusieurs choses. On a parlé du coma et des rêves. On a parlé du rôle des rêves. On a parlé du libre arbitre. On a parlé des liens du sang, de l’ amour, de la mort.

JC : On parle aussi du lien qui nous réunit tous, inconsciemment.

NH : On parle d’une maladie qui est terrifiante. C’est un thriller et en même temps un conte initiatique. Les thèmes abordés sont vraiment passionnants. Un livre dans lequel on apprend beaucoup de choses. On nourrit des réflexions passionnantes sur le rôle des rêves, sur le coma, sur la génétique.

JC : On s’est beaucoup documenté. C’est assez audacieux.

NH : Ce qui est fou c’est qu’en écrivant l’histoire, c’est comme si l’Histoire, la réalité servait nos fantasmes.

Justement, comment vous trouvez vos idées ? Vous entendez quelque chose, une idée. Comment vous faites ? Comment ça vient ?

NH : Je crois qu’on est nourris par les gens qu’on rencontre, les choses qu’on entend, les choses qu’on voit.

JC : On prend un angle un peu différent de ce que qui s’est déjà écrit, mais finalement, on puise dans la source de tout ce que l’on a vu, lu et entendu dans notre vie. Alors comment naît l’idée ? Bien difficile de répondre à cette question. J’ai des périodes, courtes malheureusement, d’une sorte d’érection mentale énorme. Je ne sais pas si tu connais ça. Quand une idée vient comme ça. Tout à coup. Quand je sais qu’elle est bonne celle-là, ça prend des tours là-haut et c’est bon. Mais alors, comment ça vient ? Je ne peux pas répondre. Tu ne veux pas répondre ?

NH : Moi c’est souvent le matin, au réveil.

Il y en a beaucoup qui répondent comme vous. Il y a certains bouquins ou certaines nouvelles, ils savent. Ah ça ! C’est en lisant ceci, en écoutant ça, en voyant ça.

NH : Pour les Eveillés, je ne veux pas préciser. Je te donnerais un élément de réponse sur l’histoire. Et je n’ai pas envie.

JC : Parce que l’idée initiale, c’était … l’histoire d’un homme qui ne dort plus. Bon, évidemment, ça ressemble un peu à « Malhorne » dans l’idée. On écrit une histoire d’un homme qui meurt plein de fois, mais qui se réincarne. Qui ne dort plus en gros. Au début, j’avais vraiment eu l’idée de la poule aux œufs d’or en fait. Ce personnage, assez extraordinaire, enfin unique plutôt. Extraordinaire parce qu’unique. On va aller fouiller dans sa tête. Si j’avais été seul, je serais parti dans cette direction. Et à deux, nous sommes partis dans une direction complètement différente.

À part l’écriture, quelles sont vos autres passions ?

JC : Nous-mêmes. Très important. Nos enfants, toute la famille. Nos autres passions ? On a une jeune chatte qui s’appelle Mistigrette. Non, je ne sais pas. On a des passions ?

NH : Les histoires, être ensemble.

JC : La bouffe.

NH : (rire) C’est pas une passion, mais bon.

JC : Si, si. Les plus grands plaisirs de la vie sont ces petits plaisirs infimes que l’on répète.

NH : La bavette à l’échalote d’hier soir. Voilà. Depuis que je suis avec Jérôme à la maison, je suis heureuse. Chaque matin, je me dis : « Je reste à la maison, je suis avec l’homme que j’aime et en plus, je fais un métier extraordinaire. J’ai de la chance ».

JC : Mais c’est vrai, je n’ai jamais vraiment eu de passion. Donc, maintenant non plus. Ca paraît pauvre de ne pas avoir de passion.

NH : J’aime lire, légumer devant la télé.

JC : J’abandonne trois romans sur quatre.

Quel est votre auteur préféré ?

NH : En dehors de Jérôme Camut ?

JC : Il y en a plusieurs dans des genres complètement différents. Stefan Zweig n’était pas manchot. Barjavel. En fantastique, Stephen King.

NH : En fantastique, moi c’est Dean Koontz. « L’étrange Odd Thomas », j’ai trouvé cela génial.

Et ton roman préféré ?

JC : Je n’en ai aucune idée. Mon roman préféré ? Je n’en sais rien. Un truc qui m’a marqué, « Le parfum ». Mais mon roman préféré, je ne sais pas. C’est difficile comme question. Ca correspond à des âges en plus, les différences de lecture d’un roman. « Les Lettres de mon moulin » par exemple, c’est un roman qui m’a marqué. Enfin, un recueil de nouvelles.

NH : « La Conspiration des ténèbres » quand je l’ai lu et que j’ai refermé le bouquin, une merveille. Tu l’as lu ? Qu’en penses-tu ?

J’adore.

NH : Il vient d’en sortir un. Je vais me l’offrir.

Aucune adaptation au cinéma ?

JC : Ce n’est pas « Malhorne » qu’ils vont adapter quand même. Ça ne va être facile. Ils pourraient le faire, mais il faudrait que ça soit Peter Jackson. Cela viendra peut-être. Je rigole. En revanche, c’est en cours pour « Prédation ! »

Quel est votre film préféré ?

NH : Apocalypse Now

JC : Le film que j’ai le plus vu, c’est « Le Lauréat » avec Dustin Hoffman.

NH : Moi le plus vu c’est « Lara Croft Tomb Raider ». Avec les enfants. Ah ! Lara !

Quel est le livre d’un autre auteur que vous auriez aimé écrire ?

NH : « La Conspiration des ténèbres ». Franchement, c’est le summum de l’érudition, de l’écriture, de la philosophie, du thriller. Beaucoup l’ont trouvé chiant. Je pense qu’ils ne se sont pas donné le mal d’aller jusqu’au bout.

JC : « Le Nom de la rose » J’aurai bien aimé écrire cela.

Quel est votre principal trait de caractèreà l’un et à l’autre ?

JC : Génie, je crois. (Rire) je n’en sais rien, c’est difficile à dire. La prudence en ce qui me concerne.

NH : Ne pas savoir, c’est mon principal trait de caractère.

Qu’est-ce qui vous énerve ?

JC : Les cons.

NH : Oh oui, les cons et les méchants.

JC : L’imbécillité.

NH : L’imbécillité gratuite. L’imbécillité gratuite dans la rue. Des gens qui, lorsque je m’arrête sur la route avec mon clignotant pour entrer dans le garage, m’insultent.

JC : L’imbécillité de couper la branche sur laquelle on est assis. On se promet de faire bien, mais le lendemain… L’égoïsme. Les Flamands qui n’aiment pas les Wallons. Les Lorrains qui n’aiment pas les Alsaciens.

Quel est le don que vous regrettez ne pas avoir ?

JC : Avoir beaucoup plus de temps. J’aurais bien aimé savoir à quoi ça va ressembler tout ça dans un siècle. Vraiment, j’aimerais savoir. Dans deux, trois, cinq siècles, où l’humanité s’en va ? Est-ce qu’elle aura l’intelligence de réagir dans le bon sens ? Voir la tête de mes arrières-arrières-arrières-petits-enfants.

NH : J’aimerais pouvoir me dédoubler pour pouvoir profiter des gens que j’aime.

Quel votre rêve de bonheur ?

JC : Moins de morts dans nos vies.
Il faut que je dise, on habite en Lorraine. Dans une vallée assez industrialisée. Ce n’est pas génial, mais on a notre maison. On rêve d’une chose, c’est de s’installer dans un endroit plus proche de la mer, dans un endroit où il fait beau ! Bordel ! (rire)

Par quoi êtes-vous fasciné ?

JC : Les cons. Non, je plaisante.

Il y en a !

JC : Oh oui ! Ce qui me fascine ? Ce sont les humains qui me fascinent. Leur façon de vivre. Dans l’histoire, ce qu’ils ont réussi à faire. Autant dans le bien que dans le mal. C’est assez fascinant.

NH : Je peux rester des heures devant des photos d’arbres, vous savez, un peu bizarroïde. Enfin des trucs comme ça.

JC : L’évolution, c’est assez fascinant.

NH : Tout ce que l’on ne pourra jamais voir, c’est ce qui est fascinant. Tenter d’imaginer la taille de l’univers, voilà ce qui me fascine.

JC : Dans le train, il y avait un papier sur « La théorie du tout », j’ai passé le voyage à le lire. Tu l’as lu ?

NH : Je préfère la théorie très folle des Bogdanov. Je n’aime pas trop la théorie des cordes. Je la trouve moins drôle que celle du zéro mathématique et du zéro dans l’ensemble du zéro qui donne le un. Ça me plaît d’imaginer qu’il y a une espèce de pensée créatrice à la base. Que cette pensée-là, cette information globale, générale, universelle a généré l’énergie.

Quels sont vos héros dans la vie réelle ?

NH : Jérôme (rire).

JC : Et encore ! Vivant ?

Oui.

JC : Ah. J’ai tendance à mythifier les morts. Vivant ? Des héros que j’aimerais bien ? Je fantasme sur un gars qui serait entre José Bové, Nicolas Hulot et qui aurait le pouvoir d’un industriel ou un chef d’état. Quelqu’un qui ne soit pas que des discours, pas que des actes à la con. Le Dalaï-lama. Il a une personnalité, une intelligence, une façon de voir la vie, l’univers…

Si vous rencontriez le génie de la lampe, quels vœux formuleriez-vous ?

NH : Un vrai bail de 99 ans avec Jérôme, renouvelable.

JC : Dans un tome de « Malhorne », quand il est assis sur sa chaise et qu’il règle ses comptes avec l’humanité. Il y a mes vœux là-dedans. Au moins le premier.

Citez cinq choses qui vous plaisent. Tout domaine confondu.

JC : Le confit de canard. Bien grillé. Être présent sur un levé de soleil sur un joli coin de nature. Faire de la planche sur les belles vagues de l’Atlantique. L’odeur de la côte de bœuf. Aller sur la lune.

Citez cinq choses qui vous déplaisent.

JC : Les cons. Et toujours. (rire) Les grosses voitures des cons. Les 4 X 4 qui polluent. Les armes dans les mains des cons. Je déteste la langue de bois. Georges Bush. Et je déteste aussi les gens qui n’acceptent pas la responsabilité de leurs actes. Et donc, pour rebondir sur un truc que j’aime pas, c’est de marcher pieds nus sur des aiguilles de pin.

NH : Ou sur une vive !

Vos projets ?

JC : Nous travaillons sur un nouveau roman. On en a trois en tête à venir. Le grand projet toujours : la maison.

NH : Et un voyage au Chili ou au Venezuela.

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