Lettres mortes

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Efficace. Voilà le terme qui résume le mieux le style de Shaun Hutson. Pas de fioritures, pas d’ornements inutiles. Des phrases courtes, des chapitres ramassés et un récit nerveux. Telle est pour lui la clef du succès. Et peu importe si le résultat ne change pas la face de la littérature britannique. Le lecteur obtient ce qu’il est venu chercher : un habile dosage d’action, de suspense, de gore, de sexe et de fantastique. Le tout enrobé de considérations un peu basiques sur l’omniprésence de la violence en ce bas monde.

L’élément fantastique tarde d’ailleurs à apparaître dans ce roman. A tel point qu’on croit longtemps être confronté à un simple « thriller ». Une enquête policière des plus convenues, avec son lot de descriptions psychologiques basiques et de meurtres sanglants. Quand le surnaturel surgit enfin, cela constitue presque une surprise. Les indices de son apparition étaient pourtant présents, mais rien n’obligeait l’auteur à suivre cette pente. Ascendante ou descendante, cela dépendra de chacun.

« Lettres Mortes » nous entraîne donc sur les pas de l’inspecteur David Birch, du New Scotland Yard. Ses méthodes expéditives sont exposées d’emblée, lors d’une course-poursuite sanglante dans les rues de Londres. Il parvient finalement, à la suite d’une cavalcade épique, à coincer sur un quai de métro le fou-furieux qu’il piste depuis plusieurs mois. Et, plutôt que de le voir bénéficier d’une peine trop clémente, on ne sait jamais avec la Justice, il préfère le jeter sur les rails électrifiés. Comme ça, au moins, on est fixé.


Quand une série d’assassinats aussi révulsants qu’incompréhensibles commence à secouer le petit monde de l’édition londonienne, Birch perd un peu de sa superbe. Il faut dire que les meurtres ne laissent que peu de prises aux déductions. Et encore moins à l’action brutale. A chaque fois, les victimes sont littéralement dépecées, leurs yeux arrachés, leur langue sectionnée. Un mode opératoire qui n’est pas sans rappeler la peine infligée à Giacomo Cassano, mentor de Dante et inventeur d’une étrange théorie selon laquelle les artistes sont capables de pénétrer dans les univers qu’ils imaginent. Littéralement. Une théorie blasphématoire qui lui a valu les foudres de l’Eglise et les sévices susmentionnés. Et comme la biographie de cet étrange personnage est à chaque fois retrouvée à proximité des cadavres (en compagnie du dernier roman d’horreur de John Paxton, qui jouera lui aussi un rôle crucial dans ce récit), l’enquête s’oriente rapidement en direction de l’auteur de ce livre, la ravissante Megan Hunter.

David ne tarde pas à tomber sous le charme de la biographe. Il ne met pas longtemps non plus à découvrir des indices l’amenant à penser qu’elle ne joue pas nécessairement franc jeu avec lui. Mais la violence toute masculine déployée lors des meurtres semble l’innocenter a priori. Alors qui ? Comment ? Et pourquoi ?

En parallèle à cette intrigue, des chapitres nous narrent à intervalles réguliers la naissance d’un bébé difforme, rejeté par son père dès le premier jour. Sa mère, en revanche, refuse obstinément de s’en séparer. Se pourrait-il que cette abomination ait quelque chose à voir avec cette série d’homicides ? Pourtant, à chaque fois, les pièces où se trouvaient les victimes étaient fermées de l’intérieur. Le meurtrier s’est-il donc évaporé après chaque forfait ?

Autant de questions auxquelles l’inspecteur Birch va s’efforcer de répondre au fil des pages de « Lettres Mortes ». Vite lu, jamais ennuyeux mais fort prévisible, ce roman est un honnête divertissement auquel il ne faudrait pas demander plus qu’il ne saurait offrir.

Shaun Hutson, Lettres Mortes, Traduction : Thomas Bauduret, Illustration : FBDO, 366 p., Bragelonne

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Commentaires

Je ne saurai pas expliquer l’alchimie de cet auteur, qui revient enfin (à mon goût) en France, après une longue absence (il était un des piliers Anglo-saxons de la collection Gore de Fleuve Noir), et dans des traductions intégrales. Comme parfois avec Koontz quelque chose de beaucoup plus fort que l’honnête divertissement passe chez cet auteur. Peut être un état d’esprit qui semble passablement retors mais qui s’enfonce dans les profondeurs depuis quelques dizaines d’années, d’une manière brut et brute. Allez savoir pourquoi mais mes goûts c’est Hutson pour l’horreur, Ballard pour la SF et en plus je trouve ça cohérent, l’art très primaire du premier et le retour inlassable du second sur son expérience de la guerre. C’est dans la compréhension d’un Hutson ou d’un Koontz du début qu’on peut déchiffrer la théorie anthropologique implicite à la culture américaine. Je trouve ça de part en part passionnant, même si l’art qui prend son temps est en train de disparaître.