Egyptologue (L')

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Ah, l’Egypte ! Ses splendeurs indescriptibles. Son charme ineffable. Ses pyramides, son Sphinx, son Nil, sa Vallée des Rois. Et ses chercheurs de trésors plus ou moins loufoques ! C’est dans ce décors splendide, sur les pas d’un mystérieux égyptologue britannique traqué par un détective privé australien, que nous entraîne le roman d’Arthur Phillips.

Nous sommes en 1922, la Première Guerre mondiale vient de s’achever et les fouilles peuvent reprendre en toute tranquillité. Howard Carter est sur le point de mettre à jour les trésors funéraires de Toutankhamon, provoquant ainsi une nouvelle vague d’intérêt pour l’antiquité égyptienne. C’est le moment idéal pour Ralph Trilipush, savant iconoclaste sorti d’Oxford, de faire financer l’expédition dont il rêve depuis qu’il a mis la main sur un recueil de poèmes scabreux écrits par un pharaon dont la majorité de l’élite scientifique d’alors conteste l’existence : Atoum-hadou (Atoum en érection !). Grâce aux fonds recueillis aux Etats-Unis auprès d’une riche famille d’industriels bostoniens, il part pour le Caire avant de se rendre aux abords de Thèbes. Tout ne se déroule pas précisément comme il le souhaiterait – l’argent tarde à arriver, ses recrues autochtones ne se révèlent pas exactement à la hauteur de la tâche - mais il parvient cependant, cahin-caha, à avancer dans ses recherches. Il finit même par découvrir l’entrée d’un caveau qui pourrait bien être celui de ce roi peu ordinaire…

En parallèle à ce récit - tiré du journal et de la correspondance tenus par Trilipush à destination de sa fiancée américaine, en vue de la rédaction d’une hagiographie qui vantera ses mérites, son obstination et sa sagacité - nous faisons la connaissance d’Harlod Ferrell, détective australien qui, depuis sa maison de retraite en 1960, revient, par courriers interposés, sur l’enquête majeure de son existence. Celle-ci a consisté à partir à la recherche du fils naturel d’un anglais richissime désireux de mettre un peu d’ordre dans sa lignée avant de rendre l’âme. Abandonné à Sydney par ledit milliardaire alors qu’il était encore dans le ventre de sa mère, Paul Caldwell, disparu en Egypte en 1918 tandis qu’il accompagnait les troupes coloniales sur le front nord-africain, semble avoir connu une enfance miséreuse avec une seule et unique passion : l’égyptologie.

Recueilli par une bibliothécaire marxisante qu’il dénoncera par la suite aux autorités, vivant de petits larcins dans un cirque en perte de vitesse, il troquera sa peine de prison contre des renseignements relatifs au groupuscule communiste et s’achètera ainsi un billet pour Alexandrie et le pays de ses rêves…

Au départ distinctes, les deux intrigues vont progressivement se croiser, voire s’entrechoquer, les personnages et leurs motivations apparaissant sous un jour très différent selon que l’on fasse confiance à Ralph Trilipush (volontiers mythomane) ou à Harold Ferrell (pas toujours aussi brillant qu’il aimerait le croire). Nous sommes ainsi ballottés sur près de 600 pages entre ces deux témoignages contradictoires. Il se révèle extrêmement difficile de faire la part du vrai et du faux dans leurs récits, de ce qui relève de la vérité objective ou de la dissimulation (fut-elle inconsciente).

C’est là l’intérêt premier de ce très bon roman, un peu lent à l’entame mais vite prenant, flirtant avec l’histoire, l’aventure et le policier. On ne sait jamais trop sur quel pied danser, tant nous sommes dépendants de la parole des protagonistes, tirée de leurs correspondances épistolaires variées. Le suspense est maintenu jusqu’à la dernière page, même si l’on commence à deviner ce vers quoi tend l’intrigue au cours du dernier tiers du roman.

Une œuvre à chaudement recommander aux apprentis Champollion amateurs de romans d’Agatha Christie.

Arthur Phillips, L’Egyptologue, 557 p., Le Cherche Midi

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Commentaires

Je complète mon message précédent : je n’interrogerai pas le Washington Post.

Avis d’un internaute qui a aimé :

Caldwell s’est forgé une identité : Trilipush. Il a tué Marlowe Il invente le personnage du roi Hatoum pour s’imposer comme égyptologue puis il devient complètement dément.

C’est une explication et peut-être la bonne !

J’ai passé presque tout l’été à lire ce roman (manque de temps pour la lecture) et je me disais que si je n’y avais pas compris grand chose à la fin, c’était que j’y avais mis trop de temps. Mais heureusement, je me rends compte que je suis loin d’être la seule à se sentir un peu perdue et, par le fait même, un peu déçue. Que Trilipush et Atoum Hadou soit la même personne, je n’en doute pas trop. Mais qu’est-il vraiment advenu de Marlow et Caldwell ? Caldwell aurait-il tué Marlow et se serait-il approprié l’identité de Trilipush ? Mais Carter connaissait Trilipush donc, je m’y perd totalement ! Mon Dieu que j’haï ça ne pas comprendre la fin. Si quelqu’un arrive à décortiquer tout ce patras...HELP ! :)

Je viens de finir l’Egyptologue. Bien, jusque là c’est facile. Le reste est plus difficile. Grande amoureuse de l’Egypte ancienne, de son art et de sa culture (je rêve d’y aller), j’ai acheté avec enthousiasme ce livre. J’ai eu quelques difficultés à entrer dedans, à me faire au style de l’écrivain. Une fois cette barrière passée, il a fallu que je m’habitue aussi au changement de narrateur, aux allusions voilées, aux indices qui n’apparaissent clairement qu’au fil du livre. Un moment donné, j’ai été perdue, j’étais obligée de relire certains passages, je pense que je décrochais assez vite, mais me forçais à y revenir. De plus, au fil de la lecture, je ressentais comme un malaise, une drôle d’impression, j’en revais même la nuit (c’est fou non ?). J’ai cru que Trilipush avait tué Marlowe et Caldwell. Puis je me suis dit que Caldwell et Trilipush était la même personne, que Caldwell avait usurpé son identité, sans savoir comment. Mais de là à imaginer que Trilipush était imaginaire, alors là trop fort. Je voudrais dire aussi que je n’ai pas ressenti la même passion d’intérêt dans l’avancement de découverte de la tombe, comme celle que j’ai ressentie lorsque j’ai lu des ouvrages sur Carter. Comme indiqué plus haut, cela m’a plutôt laissé un sentiment de malaise. Bref donc, Trilipush n’a jamais existé, Caldwell a tué Marlowe et s’est créé un nouveau "moi" en prenant l’identité de Trilipush, tout en ignorant que celui-ci est un personnage inventé. Quant au reste, au récit de sa découverte, qu’a-t-il vu vraiment ? A-t-il peint la salle hypostyle ? Tout cela n’est sûrement que du délire. Par contre, il a tué le père de Margaret, et s’est tué lui-même, dans son délire d’Atoum-Hadou, lequel n’a, semble-t-il jamais existé. Et il a fait tout ça selon les rites de l’ancienne Egypte. Pas mal frappé le mec, non ? En tout cas, bravo à l’auteur, malgré l’atmosphère un peu difficile pour moi, il a su captiver jusqu’au bout son lecteur, tout en laissant une part de mystère. Car après tout, ai-je bien tout compris ? Je n’en suis pas entièrement convaincue.

Lu pour ainsi dire d’une traite (heureusement !) ce roman en forme de puzzle est magnifique. Histoire édifiante d’un mythomane délirant qui sombre dans la folie la plus totale racontée à la fois par lui même, sa "fiancée" fêtarde opiomane , un détective filou et refoulé et un pédéraste cynique (il se décrit comme cela). Construit avec une grande maestria et bien documenté, moi je dis : BRAVO !

trop cool !
Déjà que je ne trouvais pas ce roman terrible, il est décousu et déstructuré, mais voilà encore mieux : "on" vient de m’en révéler le secret de l’intrigue alors que je cherchais juste à savoir si d’autres avaient été autant ennuyés que moi pendant les 200 premières pages.
Un grand bravo pour la solidarité entre lecteurs.

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