Bleu poussière
Jennifer D. Richard est la lauréate 2007 de la résidence du premier roman catégorie littérature fantastique, et Bleu Poussière le résultat de ce séjour fructueux. Ce livre s’inscrit d’emblée dans la catégorie des ouvrages solides. Le point fort de l’histoire tient sans aucun doute au personnage principal, particulièrement attachant, Ladislas Baran, suivi de manière rapprochée, quasiment en gros plan, tant dans sa démarche physique que psychique, à la manière d’un rat de laboratoire bloqué dans un labyrinthe vicieux.
Sur le fond, l’aventure de ce cobaye est assez classique, reprenant le thème du glissement de sens : Jennifer D. Richard raconte l’histoire d’un déplacé spatio-temporel qui, au sortir d’un ascenseur glauque et d’une soirée schlass (ou peut-être bien l’inverse, ne jamais abuser des mélanges détonants), ne retrouve plus son appartement blême. Pas plus que ses parents et autres voisins. Au matin, après une courte nuit passée dans l’escalier de service, si la cuite est plus ou moins effacée, le monde entier est devenu autre, un univers propre, convivial, empli de jeunes gens cordiaux et d’adultes positifs. On n’y connaît plus la notion de police (le crime n’existe pas car il est une déviation de la morale optimiste), mais comme dans toute bonne anti-utopie qui se respecte, subsiste toujours une autorité suprême, le Ministère de l’Avancée Sociale et ses délégations territoriales, les antennes. Dans ce monde souriant et lénifiant, le jeune Ladislas est devenu Kaël Tallas, l’étoile montante du Ministère, l’homme qui a réussi à imposer un régime mondial de contrôle des sentiments. Qu’a donc à voir Ladislas avec ce décérébreur répugnant ? Kaël Tallas lui fait horreur, un homme qui a enseigné aux enfants la délation des comportements pessimistes, un haut fonctionnaire zélé qui contraint les adultes inadaptés à commander leur propre suicide, un eugéniste qui a produit une « société » sans vieux, sans marginaux, sans dépressifs. Vit-il seulement encore ? Oui, mais dans un monde bleu poussière, la couleur du désespoir, la couleur des uniformes des agents de l’avancée sociale, la couleur de sa propre maison, vide, froide, aseptisée.
Descendre dans l’intimité d’un autre et se découvrir, Jennifer D. Richard maîtrise bien ce processus d’anamnèse, et Bleu Poussière se lit aisément, comme un puzzle bien conçu. Je regrette juste le style un peu trop relâché, un niveau de langue pas encore assez maîtrisé, qui empêche parfois d’adhérer à la curieuse esthétique de ce monde parfait. Mais c’est mon côté perfectionniste.
Jennifer D. Richard, Bleu Poussière ou la véritable histoire de Kaël Tallas, Couverture : Enki Bilal, Site Internet du Livre : www.residencedupremierroman.com, 320 p., Robert Laffont
Commentaires
RICHARD D. Jennifer : Bleu Poussière
J’ai adoooré ce livre !! Suspense et mystère et une fin à laquelle on ne s’attend pas ! bravo