WINTREBERT Joëlle 01
Qui es-tu ? Qu’est ce que tu peux nous dire sur toi ? Qu’est-ce que tu aimerais qu’on dise sur toi ?
Puisque l’entretien est pour Phénix, je souhaiterais évidemment que les lecteurs qui ne me connaissent pas sachent que je suis écrivain, romancière et nouvelliste. Et en tant que telle, que je suis une des rares Françaises, et même francophones de mon sexe à écrire de la science-fiction. Contrairement à ce qui s’est passé chez les Anglo-saxons, il semble toujours y avoir une étrangeté à ce qu’une femme, chez nous, s’illustre dans le genre, ce que j’ai toujours trouvé très étonnant. Quand je dirigeais « Univers », dans les années 80, je m’attendais vraiment à autre chose. Après les années 70, féministes, et la mort de Christine Renard et de Julia Verlanger, il n’y a pas eu de relève. Je pensais qu’on verrait arriver d’autres romancières. A part Elisabeth Vonarburg, Française, mais installée au Québec, et moi en France, c’était le désert. L’arrivée de nouvelles romancières est récente, avec Catherine Dufour et son Goût de l’immortalité qui a trusté tous les prix, ou les séries de Corinne Guitteaud. J’aime beaucoup les livres de Mélanie Fazi, aussi, mais ils ressortissent plutôt au genre fantastique. Donc, voilà pour moi : la spécificité de l’auteur Wintrebert, c’est que je me suis fait connaître en écrivant des romans de science-fiction, ce qui n’est pas fréquent pour une femme, en tout cas française.
Tu as plusieurs cordes à ton arc, réalisatrice, scénariste, journaliste, critique, auteur, anthologiste, qu’est-ce qui te plaît le plus ?
En fait, au départ, en même temps que des études de lettres, j’ai étudié le cinéma parce que j’avais le sentiment que réaliser des films me permettrait d’embrasser tous les arts, non seulement l’écriture puisqu’on peut être l’auteur du scénario, mais en plus diriger les acteurs, jouer avec la musique et le son, avec les décors, les costumes, les maquillages. J’étais passionnée par toutes ces dimensions de l’art, peut-être un peu moins par la musique parce que mes débuts dans ce domaine avaient été un peu difficile. Mon professeur de piano, quand j’étais enfant, me tapait assez sauvagement sur les doigts à coups de règle.
Tout ça pour dire que j’étais attirée par tous les arts et que le cinéma me paraissait le moyen de les explorer tous. Je me suis aperçue en réalisant mon premier film, et en essayant ensuite d’en réaliser un second, d’une part qu’on n’était pas totalement maître de sa création, puisque c’est un travail d’équipe, même si au niveau du court-métrage on la maîtrise bien, et ensuite qu’il était fort difficile de réunir les financements nécessaires. J’ai vite sauté aux conclusions. Qu’est-ce que je voulais, finalement : raconter les histoires qui me trottaient dans la tête, faire passer mes passions, mes révoltes. Quand je lisais un roman, je me faisais mon cinéma, n’est-ce pas ? Je supposais que c’était le cas pour tout le monde, et que mes futurs lecteurs se feraient à leur tour ce cinéma avec mes propres histoires. Plus tard, des amis écrivains m’ont appris qu’ils n’avaient pas cette imagination, c’est-à-dire qu’ils n’ont pas d’imaginaire visuel. Personnellement, je ne peux pas commencer à écrire si je n’ai pas visualisé mes personnages, comme mes décors. Cela m’étonnait que des amis écrivains ne voient pas les images de ce qu’ils écrivent. C’est sans doute ce qui me plaît le plus, d’ailleurs, cette phase d’élaboration, la naissance du livre où les images se forment, et où un monde se met en place. Ensuite, l’écriture proprement dite, c’est toujours plus difficile. Les meilleurs moments sont ceux où l’on se surprend soi-même, et où la caméra recommence à tourner pour révéler des plans insoupçonnés.
Tu as commencé à écrire à quel âge ?
J’ai essayé d’écrire sérieusement mon premier roman vers 14-15 ans, mais ma mère m’a coupé l’herbe sous le pied. Elle est tombée sur mon manuscrit, elle m’a dit « j’ai lu ton torchon », et ça m’a complètement assommée. J’ai arrêté l’écriture de ce texte. J’ai continué par des poèmes, le parcours classique des jeunes écrivains, puis des nouvelles vers 18 ans, et j’ai commencé à publier de la fiction vers 23-24 ans.
Tu as été rédactrice en chef de « Horizons du fantastique », que retiens-tu de cette période ?
Pour moi, c’est un vrai basculement, parce que si je n’étais pas devenue rédactrice en chef de cette revue, je n’aurais sans doute jamais écrit de science-fiction. J’avais découvert la science-fiction dite moderne à 18 ans, contrairement à beaucoup de mes amis écrivains qui sont tombés dedans quand ils étaient tout petits. À 18 ans, je n’avais lu que les classiques, Orwell, Verne, Wells et je ne connaissais pas du tout la science-fiction moderne. J’ai été initiée par une amie plus âgée qui avait une bibliothèque extraordinaire. A l’époque je sortais du surréalisme, de cet éblouissement, et je me suis dit « Ha ! » J’avais l’impression de tenir quelque chose. J’avais lu Lovecraft, mais c’est un auteur charnière, mi-chair mi-poisson. Évidemment, j’étais fascinée par les auteurs de fantastique. En vrac, j’avais adoré Edgar Poe, Kafka, Henry James ; j’avais lu un peu Jean Ray, j’étais assez orientée « contes » en fait, contes fantastiques. Et puis éblouissement total de la découverte des grands auteurs de la science-fiction. Je découvrais une littérature en prise sur le présent, qui interrogeait l’homme, la place de l’homme dans l’univers, le monde dans lequel on vit, et qui permettait un jeu, une déliaison totale de l’auteur par rapport au langage. Cette liberté, je trouvais qu’on ne l’avait ailleurs qu’en poésie.
En tant que rédactrice en chef, j’ai découvert le « microcosme », tous ceux qui font la vie du genre, et comme ce petit monde avait appris que j’écrivais, la question m’a vite été posée : « pourquoi pas de la science-fiction ? ». Voilà comment j’ai commencé à en écrire, sans m’en penser vraiment capable, dans les débuts. Parce que j’ai toujours répondu aux défis. Mon premier texte paru dans « L’Étoile des autres » était mi-onirique, mi-SF, mais dès le second, paru dans « Univers 09 », j’ai publié de la SF.
Tu as aussi dirigé « Univers », ce rôle te plaisait-il ?
Oui, c’était très plaisant mais c’était aussi un gouffre de temps et d’énergie, c’est pour ça que je n’ai pas continué. Ça m’empêchait d’écrire, finalement. Tout le temps qui était dévolu à valoriser le travail des autres n’était pas consacré à mettre en chantier mon propre travail, mais c’était très intéressant. Ça m’a permis d’explorer en profondeur le champ anglo-saxon et je trouvais très agréable de faire mon petit marché dans les textes extraordinaires parus de par le monde. Évidemment, au niveau francophone, il y avait une grosse difficulté pour moi, l’indécrottable perfectionniste. Comme je sais ce que ressent un auteur, à quel point on a envie de recevoir un courrier quand on a envoyé un texte, je répondais à chacun par une lettre personnelle. C’est pour ça qu’un certain nombre d’auteurs ont pu dire que mes lettres de refus étaient tellement sympathiques et encourageantes que ça les avait encouragés à aller plus loin et à continuer à écrire.
Dans « Les Olympiades truquées », publié en 1980, tu abordais déjà le problème du clonage. Que penses-tu de ce qui se passe à ce niveau aujourd’hui ?
Je pense qu’on y va à grands pas, que le clonage est là. Dans Les Olympiades, je parlais du clonage humain, l’homme transformé, le réservoir d’organes. Tout ce que j’ai écrit dans ce livre, je l’imaginais à l’horizon d’un futur proche. L’idée m’était venue en lisant la presse scientifique, je n’ai rien inventé. C’est comme le dopage, certains disent que ce livre était prophétique, mais si on se documentait à l’époque on pouvait apprendre pas mal de choses sur le dopage. Il n’était pas si difficile d’extrapoler à partir des éléments dont on disposait déjà. Je crains que ce qui était annoncé dans mon livre ne s’accomplisse à court terme. Que les gens ne comprennent pas qu’il est illusoire de vouloir mettre au monde un double exact, alors que nous sommes évidemment modelés par notre environnement. Et par ailleurs, le clone utilitaire risque de devenir une triste réalité.
En 1984, dans « Chromoville », tu parles déjà de la maltraitance, de castes dans le système, penses-tu que notre société a besoin de cela pour fonctionner ?
« Chromoville » est clairement une dystopie. J’espère donc bien que notre société n’a pas « besoin » de ça pour fonctionner. Malheureusement, l’homme est ce qu’il est, féroce à l’égard de ses semblables. Les Indiens n’ont pas réussi à résoudre le problème des systèmes de castes dans leur pays. Malgré la volonté politique, il y a toujours des intouchables en Inde. Quant au problème des filles, avec la dot associée, même topo.Vous pensez bien que l’échographie n’a pas été mise en place en Inde pour permettre aux femmes de se faire avorter quand elles attendent une fille ! C’est pourtant ce qui se passe, comme en Chine avec l’infanticide des bébés de sexe féminin. Les Chinois sont en tel déficit de filles qu’ils doivent aller chercher des épouses ailleurs. Une catastrophe totale. Et au début des années 80, on pouvait déjà imaginer ce qui allait se produire.
Ton œuvre peut aussi être considéré comme féministe, par exemple dans « Pollen » où la Terre est dirigée par des femmes, qu’en est-il aujourd’hui ?
Dans les faits, on sait que les femmes ont eu de tout temps une influence politique non négligeable. Elles se sont souvent montré habiles même quand ce n’était pas directement. Mais elles ont aussi été exclues, non moins souvent, de la scène politique. Au Kenya, des femmes ont décidé qu’il y en avait assez de la violence : elles ont bâti un village où les hommes n’ont pas droit de cité. Leur réussite est florissante, et fort jalousée par leurs anciens maris. Cela pourrait-il se passer à l’échelle d’une société ? « Pollen » met en scène une utopie féminine, on pourrait dire féministe, mais montre bien que sans égalité homme-femme, c’est impossible. On devrait toujours faire très attention quand on parle d’utopie parce qu’une utopie au sens propre, c’est le non-lieu, c’est la mise en scène d’une société qui n’existe nulle part. Elle peut être heureuse ou malheureuse : dystopique. La plupart des gens imaginent qu’une utopie doit décrire un monde parfait. Si vous décrivez une société où tout se passe bien, on devrait plutôt parler d’eutopie (du grec eu : bien, topos : le lieu). Une telle description risque d’être fort ennuyeuse pour le lecteur. Si on est tout le temps heureux, comment peut-on savoir qu’on est heureux ? Quand on met en scène une utopie, il faut montrer ce qui déraille pour qu’on puisse se dire « là, ça va vraiment être super ». Donc, « Pollen » montre une société qui a supprimé les guerres : cette société, elle est magnifique. Si on arrive à créer une égalité entre les hommes et les femmes, « Pollen », c’est une merveille : un monde écologique, où les naissances sont limitées pour que la surpopulation ne devienne jamais un problème. Hélas, cette utopie repose sur un système inégalitaire puisque deux filles naissent pour un garçon. Je montre que ça ne peut pas fonctionner, d’autant que les hommes sont exclus des fonctions de pouvoir.
Après avoir écrit « Pollen », j’ai enchaîné avec les « Amazones de Bohème » qui lui fait écho, mais cette fois en puisant dans notre passé historique puisque le roman se passe au huitième siècle. Il met en scène un mythe fondateur de Prague et lui aussi nous montre une société de femmes. C’est un mythe fort intéressant, dans la mesure où il est resté très présent dans le cœur des Tchèques. Ils connaissent tous la princesse Libuse (NDLR : fondatrice et prophétesse à la base de la légende de la fondation de Prague), comment elle se serait entourée d’une garde de femmes, comment la capitaine de cette garde, à sa mort, aurait refusé de « rentrer dans le rang » et fondé une société civile différente où les femmes tenaient le pouvoir et l’épée, où elles avaient renversé les rôles. Légendaire ou historique, ce qui importe, au fond, c’est que ce soit fondateur pour les Tchèques. Même si les chroniqueurs masculins n’ont pas dépeint ces amazones de façon particulièrement sympathique ! On nous dit quand même que pendant sept ans, elles ont réussi à créer une société différente. Dont la fin sera évidemment tragique : pas d’utopie féminine viable au cours de la période historique.
« Pollen » et « Les Amazones » : deux livres écrits successivement et qui mettent tous les deux en scène une utopie féminine. Une utopie réussie dans le cas des « Amazones », mais qui se termine tragiquement, et une utopie/dystopie (« Pollen ») dont la fin laisse espérer une issue positive.
Ecrire pour la jeunesse demande-t-il certaines contraintes ? Si oui, lesquelles ?
Au départ, quand j’ai été sollicitée par les éditions Casterman, j’avais refusé car je pensais qu’il y avait vraiment une difficulté. Et puis l’éditeur est revenu à la charge. Il me disait une chose assez juste : écrire pour les adolescents n’est pas fondamentalement différent d’écrire pour les adultes. Il fallait simplement éviter toute débauche de violence, d’érotisme, et veiller à ce que le livre ne soit pas trop compliqué dans sa structure. Je me suis dit que l’éditeur avait raison. Quand j’étais jeune, et même très jeune, je lisais des livres pour adultes. J’ai donc écrit « Les Gladiateurs de Thulé » en me faisant plaisir, après avoir lu « Psychanalyse des contes de fées » de Bruno Bettelheim pour me conforter dans l’idée que je pouvais y aller à fond avec les grosses bébêtes. Il n’y a pas eu de souci, sauf pour une scène assez violente, où des enfants sont obligés par des pirates à combattre dans une arène comme les gladiateurs de la Rome antique. Ils luttent contre des monstres et il y a une scène pas très ragoûtante où l’un des héros tue un élélion. Les éditrices étaient bloquées sur cette scène qui a été pas mal raccourcie alors qu’elles n’avaient pas du tout bloqué sur des scènes que je trouvais beaucoup plus violentes. Au début de l’histoire, on voit un adulte qui s’est fait enlever par les pirates en même temps que les enfants courir sur la piste d’atterrissage du vaisseau, et il se fait décapiter pendant qu’il court. J’aurais compris qu’on me supprime cette scène, eh bien non, faire du mal à la grosse bébête était beaucoup plus insoutenable, dégoûtant !
Tes héros sont souvent des adolescents, comment considères-tu l’adolescence aujourd’hui ? Le fait que les psychologues ont tendance à étendre l’adolescent de 15 à 25 ans ?
L’adolescence est un âge important, un âge charnière où l’identité se construit. Si j’ai eu envie d’écrire pour la jeunesse, c’est aussi parce que j’avais le sentiment que c’est un âge où une lecture peut avoir une influence décisive, faire passer des choses, initier une réflexion sur le fait que le monde dans lequel on vit n’est pas si idéal que ça. Ce questionnement, on ne l’a pas toujours dans sa famille ni à l’école.
On parle maintenant d’adolescents, de vieux ados ou jeunes adultes …
Actuellement, on devient ado plus jeune, et on le reste souvent plus vieux. Les ados deviennent aussi plus rapidement des « jeunes adultes », il y a d’ailleurs des collections qui sont dédiées à cette classe d’âge, ce qui n’existait pas avant. Je vois des jeunes dans mon entourage qui sont encore chez papa-maman à plus de 30 ans. Surprotégés. À l’adolescence, vers 15/16 ans, dans les milieux moins favorisés, ils sont obligés d’aller travailler l’été pour gagner leur argent de poche, mais quand la famille est à l’aise, je parle des milieux que je connais, bien sûr, on ne les voit plus trop chercher les petits boulots qui permettent de gagner son indépendance.
Mais je crois que ce qui te fascine le plus, c’est la nature humaine en général. Alors que penses-tu de ce drôle d’animal qu’est l’homme ?
Je crois vraiment que je suis un écrivain qu’on peut qualifier d’humaniste, même si je deviens misanthrope en prenant de l’âge parce que j’ai un peu perdu ma confiance dans la nature humaine. L’homme est un animal bien cruel et irrécupérable par beaucoup de côtés. J’ai moins confiance dans l’humanité qu’au début de ma vie d’adulte. J’ai fait le choix difficile de ne pas avoir d’enfant et je m’en félicite maintenant. Si j’avais des enfants, je crois que j’éprouverais de la culpabilité. À la fois, je suis enchantée quand mes amis ont des enfants (je craque complètement quand j’ai un bébé dans les bras), et à la fois je pense que c’est un sacré courage. À moins que notre pulsion de nous reproduire nous dote d’une belle dose d’inconscience !
En tout cas, pour une femme, décider de ne pas avoir d’enfant est totalement incompréhensible pour la plupart des gens. La pression sociale est si forte qu’il est très difficile d’y résister.
Ton dernier roman « La Chambre de sable » se détache un peu de ta production habituelle. Tu as déjà écrit au présent mais peu. Ici aussi cela se passe maintenant. Pourquoi cette démarche ?
J’ai choisi d’écrire de la SF dans mes débuts de romancière parce que je pensais que c’était le meilleur moyen d’interroger le monde dans lequel nous vivons. L’art pour l’art ne m’intéresse pas. Ou alors en sculpture, en musique, la forme ou la mélodie pure. La belle écriture qui justifierait seule un manuscrit, ça ne m’intéresse pas. Pour moi, l’art est aussi communication, un véhicule. Et l’artiste un passeur. Tu noteras que beaucoup d’artistes ne sont pas d’accord avec ce que je suis en train de dire, ils ont une toute autre démarche par rapport à leur création. Plus cérébrale. Plus près de la forme pure, justement. Pour moi, l’art est émotion, passion. Ce qui me permet d’exprimer mes idées, mes révoltes.
D’abord la SF, donc. Ensuite, j’ai voulu élargir un peu l’éventail et finalement, se décaler dans le passé, c’est une autre façon d’explorer le monde. Pour moi, la SF, c’est la tentation d’écrire l’Histoire du futur, mais de façon métaphorique, toujours en interrogeant notre présent. Quand tu te déplaces dans le passé, les éléments que tu vas choisir vont te permettre de créer cette métaphore. C’est pour ça d’ailleurs qu’un roman historique comme « Les Amazones de Bohême » aura un ton très « moderne »– même si j’ai joué totalement le jeu sur le plan documentaire : voyage à Prague, bibliothèques, archives… Respect de mon lecteur, ne pas raconter de bêtises, et aussi créer l’effet de réel qui est le substrat de mes livres.
Pour en revenir à « La Chambre de sable », j’ai eu envie de parler d’une façon contemporaine d’événements qui se passent aujourd’hui, et là, en suivant le parcours d’une jeune ado, je pense également faire passer mes idées. J’avais déjà écrit un court roman fantastique contemporain, un peu charnière puisque l’argument se fonde sur des faits historiques, « Le Canari fantôme ».
Dans mes prochains romans, il y aura un thriller érotique, un thriller fantastique, tous les deux contemporains, et sans doute un SF, mais ça sera toujours la même façon d’explorer et de questionner le monde dans lequel on vit.
Ton héroïne qui est très « ouverte » au monde, très curieuse te ressemble-t-elle ?
Je pense que tous mes personnages me ressemblent ! Boutade à part, la plupart des auteurs sont capables de s’incarner dans de multiples personnalités, en tout cas de se projeter dans tous leurs personnages, même les pires. Il est évident que mon personnage dans ce roman me ressemble, même si je n’ai absolument pas eu le même parcours que Marie, même si cette histoire est une construction intellectuelle, quoiqu’en pensent certains de mes lecteurs qui s’imaginent tout de suite une projection autobiographique. Je ne suis pas fille unique, j’ai eu une famille normale, je ne suis pas une enfant sans père. Marie est plutôt introvertie, j’étais plutôt extravertie, je n’avais pas de problème de socialisation, contrairement à elle. Sa révolte, je l’ai eue plus tard. Marie est très attentive à ce qui se passe autour d’elle. J’étais beaucoup plus enfant qu’elle malgré toutes mes lectures. C’est quand même une fille d’aujourd’hui. Je pense que si j’avais été ado aujourd’hui, avec toutes mes lectures, j’aurais été beaucoup plus révoltée que je ne l’étais à l’époque.
Quelles sont tes autres passions ?
La photo, mon chéri depuis très très longtemps (rires), les chats, le cinéma. Les livres et la lecture : ça aide pour la critique et les jurys littéraires ! Et aussi l’eau, les voyages…
Quel est ton auteur préféré ?
Sans un instant d’hésitation, Antonin Artaud.
Quel est ton roman de fantastique préféré ?
Le premier roman qui me vient à l’esprit c’est « Démons et merveilles » de Lovecraft.
Quel est ton roman hors fantastique préféré ?
« Voyage au pays des Tarahumaras » de Antonin Artaud. Mais on ne peut pas dire que ce soit un roman… Alors, « Au-dessous du volcan » de Malcolm Lowry. Tiens, encore le Mexique ! Et j’ajouterais bien « Le serpent à plumes » de D. H. Lawrence, découvert à douze ans, et dont je garde un souvenir émerveillé sans l’avoir jamais relu.
Quel est ton film SF préféré ?
Sans réfléchir, « Blade Runner ».
Quel est ton film fantastique préféré ?
Le film que j’ai sans doute le plus admiré et que j’ai vu le plus de fois, c’est le « King Kong » de Shoedsack et Cooper.
Quel livre d’un autre auteur aurais-tu désiré avoir écrit, soit parce que tu es jalouse de ne pas avoir eu l’idée le premier, soit parce que tu aurais traité l’idée d’une autre manière ?
En fait je ne me suis jamais dit « j’aurais aimé écrire ce livre ». Je cherche toujours à réaliser le livre parfait de Joëlle Wintrebert. Hélas (ou heureusement ?), je suis encore loin d’avoir réalisé cette ambition. Je n’ai jamais eu le culte de la personnalité. Pour moi, chaque être en vaut un autre, le plus humble comme celui que l’on porte aux nues.
Quel est ton principal trait de caractère ?
L’enthousiasme.
Qu’est-ce qui t’énerve ?
Ce qui m’énerve le plus... j’hésite entre la prétention et la lâcheté.
Quel est le don que tu regrettes de ne pas avoir ?
J’aurais aimé savoir composer de la musique.
Quel est ton rêve de bonheur ?
Mourir avant mon mari (rires).
Par quoi es-tu fascinée ?
Ce qui me fait le plus plaisir, c’est la réussite des autres, de mes amis. Je suis aussi fascinée par le vol des avions. Et je rêverais de me payer un petit voyage en apesanteur.
Tes héros dans la vie réelle ?
Mon mari (rire).
Cites-nous 5 choses qui te plaisent.
La lecture, les enfants, le champagne, les chats, les voyages.
Cinq choses qui te déplaisent.
Le tapioca, la peau du lait, le froid, les beaufs en voyage, et dans le même ordre d’idée, les mastiqueurs bien bruyants, la bouche ouverte !
Critique de la chambre de sable !