Paradis sur mesure
Bernard Werber est un naïf, mais un naïf visionnaire de talent. Je n’avais encore jamais été entièrement convaincu par le talent de cet auteur au succès certain. Ses livres me plaisiaient, certes, mais je restais toujours avec un goût de trop peu dans les synapses.
Dans ce recueil de dix-sept textes, il étale toute sa verve au grand jour, il démontre qu’il est un écrivain et un grand écrivain. Par l’imagination et la créativité, aussi bien que par le changement de style et de ton pour chaque nouvelle.
Bernard Werber est un naïf. Il construit parfois des histoires qui ne tiendraient pas comme dans « Et l’on pendra tous les pollueurs », le texte qui ouvre ce recueil. La Terre détruite par la Troisième Guerre mondiale doit se reconstruire et il faut prendre des mesures drastiques contre la pollution. Excellente idée, mais qui ne tiendrait pas la route, et pourtant on y croit, et cela donne une vision du monde tel qu’il pourrait être, qu’il devrait être.
Bernard Werber est un visionnaire. « Le sexe des fleurs » en est un bel exemple. Après que l’humanité soit devenue stérile, les êtres humains changent de sexualité. Ils se rapprochent de la sexualité des plantes. Texte étonnant, mais très beau et très poétique.
Bernard Werber est un observateur. Un observateur de notre monde et du monde de la télévision. Il égratigne les présentateurs télé dans « Question de respect » et les directeurs des programmes dans « Ca va vous plaire ».
Bernard Werber est un curieux. Qui aurait l’idée de rechercher l’origine des blagues anonymes ? Il l’a fait dans « Là où naissent les blagues », et finalement pourquoi pas…
Bernard Werber est un écrivain d’idées. Comme il le dit lui-même : « C’est une manière de repositionner le problème pour y réfléchir différemment, et c’est de cette réflexion que sortiront les solutions ».
Divisé en deux catégories : « Futurs possibles » et « Passés probables », ce Paradis sur mesure donne un excellent aperçu d’un écrivain en pleine possession de ses moyens. « Futurs possibles » présente des histoires se passant dans l’avenir : un monde où on essaye d’éradiquer la pollution, un monde peuplé de femmes qui ont occulté jusqu’au souvenir du mâle, un monde où il est interdit de se souvenir du passé. Et « Passés probables » qui est composé des souvenirs de l’auteur lui-même. Un mélange vraiment détonnant.
Bernard Werber, Paradis sur mesure, 450 p., Albin Michel