Gentlemen de l'étrange (Les)
Londres, époque victorienne. Manfred Gladstone est un jeune psychiatre renommé, directeur d’un asile dans la périphérie de Londres. Son ami Wolfgang Bloodprint est un homme dérangeant aux réactions surprenantes, une sorte d’aristocrate dandy rentier. Wilhelmine est l’intendante de ce dernier, un peu sorcière sur les bords. Quand débarque Ernest, étrange souris d’un mètre de haut douée d’intelligence et de la parole, nos trois amis ne sont aucunement surpris. Car ils vivent dans ce Londres traumatisé par Jacques l’éventreur, celui de Bram Stoker (qui fait quelques apparitions), et flirtent avec l’étrange de cette fin de 19e où l’ésotérisme se mêle à la science et au pragmatisme.
Ce roman se décompose en 10 chapitres, 10 nouvelles, 10 enquêtes (plus une nouvelle en bonus, périphérique à l’une des enquêtes mais sans lien avec les personnages). Cela va de la délivrance d’un vampire d’une secte voulant le sacrifier à la découverte de créatures sous-marines préhistoriques, des fantômes, des créatures mythiques, en passant par les Etats-Unis, Venise, la France et naturellement l’Angleterre et Londres en particulier.
11 nouvelles en si peu de pages. Tant de concision m’impressionne. Et me frustre. J’apprécie pourtant le genre de la nouvelle : raconter une histoire en peu de pages, en suggérant finement pour nous faire rêver en détaillant suffisamment pour nous emporter.
Je sais que certains n’aiment justement pas ce format. L’un des arguments entendus est que cela donne l’impression que l’auteur n’a pas su développer son histoire en roman. Une impression d’inachevé, d’histoire non aboutie. Pour la première fois je comprends vraiment cet argument car chacune des nouvelles de ce roman me laisse cette impression.
Les personnages pourraient être attachants, les histoires intrigantes. Mais non. Les personnages m’apparaissent comme des stéréotypes à la Sherlock Holmes, qui cachent très certainement des secrets sans que ces derniers ne soient suffisamment évoqués pour les rendre particuliers.
Certains évènements tombent comme des cheveux sur la soupe, ne représentant a priori que peu d’intérêt et au final phagocytent l’enquête qui devrait être au cœur de l’aventure. Comme la fois où Wilhelmine tombe malade, ce fait et l’arrivée de la fille du cuisinier pour la seconder éclipsent tout le reste. Sauf qu’on ne saura jamais pourquoi Wilhelmine devient si subitement malade – ni pourquoi elle se remet – et qu’on ne reparlera plus jamais de la fille du cuisinier.
L’univers brossé est donc suffisamment attirant pour donner envie de lire le livre jusqu’au bout, mais laisse un sentiment de déception, de frustration à la hauteur de l’imagination d’Estelle Valls de Gomis, de ses idées, de ce que ses personnages pourraient être et oublient d’être par trop de concision. J’ai hâte de lire autre chose de cette auteure, dans un format où elle laisserait son talent et ses histoires s’épanouir !
Les Gentlemen de l’étrange par Estelle Valls de Gomis, Black Book éditions - 9€