Ubik
Glen Runciter est à la tête d’une agence de lutte contre les intrusions psychiques, il protège ainsi ses clients de toute tentative de vol d’informations sensibles. Appelé au secours sur la Lune, il s’y rend en compagnie des meilleurs éléments de son équipe, dont Joe Chip, un loser magnifique comme les affectionne l’auteur. Un type perpétuellement fauché, mais doué dans son travail pour repérer les télépathes. Seulement, la mission sur la Lune tourne mal, un attentat à la bombe décime l’équipe et Runciter est placé en « semi-vie », sorte de caisson cryogéne qui maintient ses fonctions cérébrales. À la tête des survivants, Chip prend l’intérim à la gestion de l’agence tout en réfléchissant sur les actions en justice contre les coupables, en fait des rivaux de Runciter. Mais très vite, des éléments étranges apparaissent dans leur environnement : le visage de Glen Runciter apparait sur les pièces et les billets, la nourriture, les cigarettes perdent leur saveur, la technologie régresse rapidement, quasiment à vue d’œil, comme les téléviseurs, les réfrigérateurs, mais aussi les automobiles et les avions. Et surtout, Joe Chip entend sans cesse parler d’un produit miracle, qui peut réaliser à peu près tout, nommé Ubik, alors qu’il se demande jusqu’où le retour dans le passé va s’opérer.
Résumer un roman de Philip K. DIck n’est jamais chose aisée, tant l’auteur excelle dans l’art des rebondissements soudains et des virages à 90 degrés, voire des retournements complets de situation. Ce roman, écrit en 1969, situe l’avenir en 1992, un avenir numérique, technologique, au capitalisme exacerbé. Tout est devenu payant, même chez soi, pour ouvrir et fermer sa porte, ou même simplement se faire couler un café ou prendre quelque chose dans le réfrigérateur. Dans ce monde-ci, on retrouve les termes classiques du vocabulaire dickien comme les conapts, les vidphones, les précogs, les homéojournaux. Joe Chip a également les traits des personnages de l’auteur, comme Deckard de Blade Runner mais aussi Taverner de Coulez mes larmes, son nom d’ailleurs pourrait être interprété comme un jeu de mot, la phonétique de Chip étant la même que Cheap, qui veut dire bon marché, pas cher, de qualité médiocre. Un personnage volontiers dépassé par les évènements, aussi bien kafkaïen qu’autobiographique. Joe voit d’ailleurs un avantage dans certains aspects de la régression, jusqu’à ce qu’il constate la disparition de ses collègues, de façon atroce, et ce produit miracle, Ubik, « ubiquitaire » vraiment, qui agit comme un élixir de jouvence. L’explication finale repose sur une certaine vision manichéenne, fréquente chez Philip K. Dick, avec la révélation de l’origine non seulement d’Ubik, mais de cette régression temporelle.
Et l’auteur de nous offrir une dernière mais saisissante pirouette lors du dernier chapitre, comme il en a le secret.
Ubik est sans conteste un des meilleurs romans de Philip K. DIck.
Je remercie les éditions J’ai Lu pour leur confiance.
Philip K. Dick - Ubik - Éditions J’ai Lu - décembre 2022 - 7,40€