Temps ultramodernes (Les)
C’est un quasi-feuilleton steampunk, qui se passe dans une uchronie qu’on pourrait presque traiter de dyschronie tellement le monde décrit semble pire que l’histoire réelle. En fait Laurent Genefort s’est amusé à partir de deux références, la cavorite empruntée à HG Wells et les indigènes martiens empruntés à Gustave Le Rouge, mais il y a ajouté une véritable caricature de la « Belle époque » et de l’après-guerre…
D’un côté, la découverte de la cavorite semble avoir permis seulement à la France et à quelques alliés d’établir des colonies sur Mars dans lesquelles les indigènes « erloors » sont traités de façon encore pire que les Africains. De l’autre il y a eu une guerre avec la Prusse (on ne parle pas d’Empire allemand) dans laquelle la France était avantagée par des ressources en cavorite. Mais le Tsar de Russie a été chassé par une révolution menchevik et en fin de compte le monde des années 1920 est bien pire que dans notre histoire, entre crises économiques dont celle liée à l’épuisement de la cavorite et à sa perte de pouvoir antigravifique. Les révoltes ouvrières se succèdent sans résultat.
Dans ce monde en crise, nous suivons plusieurs personnages, Georges qui est monté à Paris pour vivre une vie d’artiste compromise par les crises et la répression de toute velléité d’originalité ; Renée qui cherche un poste d’institutrice, mais va devoir se contenter d’un travail de vendeuse, jusqu’à sa rencontre avec un erloor fugitif ; Marthe la journaliste qui découvre un trafic bizarre... leurs histoires se mélangent, se rencontrent, mais en fin de compte rien ne changera dans ce monde chaotique...
Laurent Genefort construit, à partir du mélange de ses sources, un monde original, basé sur les faits et les personnages de notre Histoire et sur les ajouts empruntés à Wells et à Le Rouge, mais décalés dans un sens baroque. On peut s’amuser à rechercher les allusions à notre réalité actuelle, ou se contenter de dire que le monde dans lequel nous vivons n’est peut-être pas le pire de tous les mondes possibles... Ou s’inquiéter pour les héros, qui au moins s’en sortiront...
La fin, en quelque sorte ouverte, permet d’attendre des suites...
Les temps ultramodernes, par Laurent Genefort, Albin Michel Imaginaire, 2022, 459 p., couverture de Didier Graffet, 22,9€, ISBN 978-2-226-45159-9