Sur l'alcool
Une anthologie de textes inédits et illustrés sur l'alcool par le plus grand boit-sans-soif de la littérature américaine. Splendeurs et misères d'une âme imbibée d'alcool. Dans ce recueil de prose et de poésie couvrant l'ensemble de sa carrière, Charles Bukowski se sert de la bouteille comme d'une longue vue pour observer au plus près le spleen et l'idéal des déchus de l'Amérique. Sans jamais se départir de son sourire en coin, celui qui s'autoproclamait "le vieux dégueulasse" raconte comment l'alcool lui servait à la fois de muse, de combustible et de gaz hilarant.
La vie, le parcours professionnel et artistique de Charles Bukowski ont toujours été intimement liés à l'alcool...
Hank buvait pour oublier, buvait pour faire la fête, buvait pour provoquer les choses. Hank buvait, buvait, buvait... Il était conscient de mettre sa vie en danger, mais sa vie était douleur et sans l'alcool, elle était insupportable.
Une enfance et une adolescence difficiles, marquées par les coups répétés d'un père tyrannique et une acné purulente qui le laissa défiguré le pousseront à fréquenter assidûment la bouteille. Puis la découverte de la littérature, du pouvoir des mots, de la nécessité d'écrire alors que ses textes n'intéressent personne. Sa vie, ce sont des petits boulots sans intérêt - parce qu'il faut bien manger- une errance de chambre d'hôtel miteuse en siège de bars, des relations complexes avec les autres, avec les femmes surtout, le culte qu'il voue au sexe et ce besoin immense d'exister lui qui traverse le temps avec le sentiment de ne pas trouver sa place. Un jour, son travail commence à être reconnu mais il est trop tard, sa meilleure amie la bouteille l'accompagnera jusqu'à la fin.
Nous devons remercier Linda, sa dernière compagne d'avoir permis la publication de ce recueil qui réunit des lettres, des poèmes, des croquis, des photos (dont celle de son éviction de l'émission de Bernard Pivot Apostrophes, Bukowski en profite ici pour nous livrer sa version de l'incident), des récits de nuits à boire seul ou entre potes – parfois avec de parfaits inconnus - mais à boire encore et encore, toujours plus. Chaque texte est d'une lucidité incroyable, d'une vérité crue et honnête qui nous permet d'aborder ce personnage à la fois doué de génie et dérangeant. Nous en ressortons ivres de ses mots, bouleversés d'avoir bu à son calice de poète maudit.
Charles Bukowski aurait eu 100 ans cette année, son dernier pied de nez aura été de décéder à l’âge de 73 ans non d’une cirrhose ni d’un cancer du foie mais d’une leucémie.
J’aimerais terminer cette chronique sur un extrait de cet incroyable recueil de pensées, un passage d’une infinie tristesse larvée…
« Voilà un pique-nique
je me rappelle
ça faisait sept ans que j’étais avec Jane
c’était une ivrogne
je l’aimais
mes parents la haïssaient
je haïssais mes parents
ça faisait un chouette
ménage à quatre.
un jour on est allés faire un pique-nique
tous ensemble
là-haut dans les collines
et on a joué aux cartes on a bu de la bière
et mangé de la salade de pommes de terre
ils l’ont traitée comme un être humain
enfin
tout le monde a rigolé
sauf moi.
une fois rentrés chez nous
après quelques whiskies
je lui ai dit,
je ne les aime pas
mais c’est bien qu’ils t’aient traitée comme il faut.
pauvre imbécile, elle a dit,
t’as pas compris ?
compris quoi ?
à cause de mon ventre gonflé de bière,
ils ont cru que j’étais
enceinte
eh bien, j’ai dit, buvons un coup à la santé
de notre bel enfant
à la santé de notre bel enfant,
elle a repris.
On a bu d’un trait. »
Sur l'alcool par Charles Bukowski aux éditions Au diable Vauvert, ISBN 979-10-307-0360-3, prix 20 €