Stratégie des as (La)

Pour vivre, certains choisissent la facilité. Un boulot peinard, un quotidien pépère. Humains, elfes, demis... Tous les mêmes. Mais très peu pour moi. Alors quand on m'a proposé ce contrat juteux, je n'avais aucune raison de refuser. Même si je me doutais que ce n'était pas qu'une simple pierre précieuse à dérober. Même si le montant de la récompense était plus que louche. Même si le bracelet qu'on m'a gentiment offert de force risque bien de m'éparpiller dans toute la ville. Comme un bleu, j'ai sauté à pieds joints dans le piège. L'amour du risque, je vous dis. Enfin... c'est pas tout ça, mais j'ai une vie à sauver. La mienne.

Damien Snyers est un jeune auteur belge. Il signe avec La Stratégie des as un premier roman nerveux, mélange réussi de fantasy et de steampunk, dans la plus pure tradition des films de casse.

Je venais à peine de croiser Damien Snyers à une rencontre lorsque j’ai eu l’opportunité de chroniquer son ouvrage. La fantasy, ce n’est clairement pas ce que je préfère mais je ne pouvais pas laisser passer l’opportunité de parler du travail d’un, presque, voisin.   

La quatrième de couverture annonce un mélange réussi de fantasy et de steampunk. J’ai donc entamé la lecture avec un état d’esprit conditionné par cette information. Le récit débute avec un concours de bière entre un elfe et un troll. Un univers steampunk avec des trolls et des elfes… et pourquoi pas des licornes tant qu’on y est !? Inutile de dire que – les goûts et les couleurs – je n’ai pas été emballé par ce qui se profilait dans la suite. Cela dit, que les puristes des genres se rassurent. Sans parler du talent de Damien pour nous embarquer dans l’intrigue, ce mélange est un trompe-l’œil. Mais, reprenons où nous en étions.

C’est donc sans enthousiasme que j’ai poursuivi la lecture du travail de cet auteur qui, précisons-le, publie son premier titre avec La stratégie des as.

Le récit intégre un peu de mythologie égyptienne, une narration et un langage modernes, en décalage avec les codes, qu’ils soient issus de la fantasy ou du pré-industriel. J’avais bien du mal à concevoir cet univers, le mixage n’arrivant décidemment pas à me séduire… jusqu’à ce que je prenne conscience d’être sous l’influence de cette phrase « mélange réussi de fantasy et de steampunk ». Cela avait imposé les clichés du genre inconsciemment. Je m’attendais à une cohérence avec ces deux styles et celle-ci était absente. Du coup, j’étais en train de lire l’histoire sans la comprendre, passant à côté du principal.

C’est pour moi une erreur de marketing de vouloir classer le roman de Damien Snyers dans ces deux registres, parce que, en fin de compte, ce livre n’est ni fantasy, ni steampunk, ni uchronique. Il intègre des éléments repris de chaque genre mais, l’un comme l’autre, n'en constituent pas son noyau. C’est un inclassable et il faut le lire en tant que tel.

Oui, les héros forment un groupe où elfes, demi-elfes, et trolls, se côtoient, mais le côté fantasy s’arrête là, hormis de rares références à la magie. Le steampunk, il se résume à un système de chauffage collectif à la vapeur, un moyen de transport automatisé, et quelques rares gadgets décoratifs. Ce sont des éléments isolés qui, bien qu’ayant une importance dans l’histoire, pourraient très bien être supprimés sans en gêner le déroulement ou la compréhension. Certains auteurs décrivent leurs héros gros, grands, minces, défigurés, à moustaches, etc. Damien, lui, les a décrits – et stigmatisés dans un univers assez proche du nôtre en matière de préjugés sociaux ­– avec des oreilles pointues ou une couleur de peau vert-gris.

J’ai repris la lecture avec un autre regard, en faisant abstraction des aprioris et, au bout du compte, je me suis retrouvé avec un véritable page-turner dans les mains. Le côté « fanta-punk » s’avère être un décor autour d'une histoire de vol très épineux à organiser. Le suspense est très bien mené et équilibré. Il y a des rebondissements, des surprises, des changements de rythme, de l’action, … tout ce qui fait en sorte de donner envie de connaître le dénouement. En conclusion, j’ai passé un agréable moment avec ce livre au style surprenant. Les qualités de mise en scène sont bien présentes avec le déroulement d’une intrigue qui ne souffre d’aucune incohérence. Si Damien Snyers poursuit dans cette veine, c’est évident qu’on continuera d'entendre parler de lui.

La stratégie des As par Damien Snyers, couverture de Dogan Oztel, Actusf, février 2016, 256 pages, 978-2-36629-365-4, 18€

Lien externe : http://www.editions-actusf.fr/damien-snyers/strategie-as