Starship Troopers
Un des maîtres de l’âge d’or
On ne présente pas Robert Heinlein, pilier de l’âge classique de la science-fiction et connu comme l’auteur de L’histoire du futur, cycle qui raconte les étapes de la colonisation spatiale dont la publication se fait entre 1939 et 1950. Libertarien, Heinlein a pu choquer une partie de la base des fans de science-fiction dans les années 60 et 70 par ses positions en faveur de la guerre du Vietnam (alors qu’initialement il émettait plus que des réserves comme le racontent Ugo Bellagamba et Eric Picholle dans leur préface). Pourtant, il est un des rares à avoir su toucher la jeunesse de l’époque avec En terre étrangère (1961), histoire du seul survivant d’une expédition sur Mars, Valentin Michael Smith, élevé par des Martiens. Son retour sur Terre provoque un choc des cultures dans lequel la jeunesse des années 60 se retrouva. Les éditions J’ai lu viennent de rééditer Etoiles-garde-à-vous ! sous le titre de Starship Troopers, nom de l’adaptation réalisée par Paul Verhoeven en 1997. A première vue, nous sommes devant un monument de la SF militaire, voire militariste… Allons voir ce qu’il en est…
Soldat, le métier d’une vie
Juan Rico et sa compagnie sont largués sur une planète hostile pour lutter contre une espèce extraterrestre, les Arachnides. Rico se souvient de sa jeunesse pas si lointaine… fils unique, il grandit avec son ami Carl dans une espèce de cocon. Fasciné par les leçons de son professeur, monsieur Dubois, voulant épater la jolie Carmen et s’affirmer face à son père, Juan décide de s’engager dans l’armée de la fédération terrienne et d’accomplir son service fédéral qui fera de lui un citoyen à part entière (avec droit de vote). Juan est séparé de ses amis et affecté dans l’infanterie. Il se soumet à un entraînement très difficile sous la supervision de Zim, son sergent. Juan réussit finalement à devenir un soldat de l’infanterie mobile au moment où l’humanité doit affronter la menace des Arachnides, une espèce violente qui détruit Buenos Aires, où la mère de Juan Rico passait ses vacances… Si le premier raid sur la planète natale des ennemis, Klendathu, est un échec sanglant, Rico en réchappe, devient caporal, bientôt élève officier. Pour le meilleur et pour le pire, l’armée est devenue sa famille…
Un roman foisonnant
On comprend aisément que ce roman ait déplu à la contre-culture des années 60 : on peut à première vue y trouver un éloge de l’armée, voire du militarisme, une condamnation de la mollesse des sociétés démocratiques du XXe siècle. Pour autant, Heinlein ne glorifie pas le combat : il en montre l’expérience mais n’en fait pas l’éloge, il n’éprouve pas de fascination brute pour la violence. Ce roman est une analyse d’un groupe, les soldats, soumis à une idéologie. Dans cet univers seuls les vétérans (soldats mais aussi fonctionnaires) qui ont fait le choix du service deviennent des citoyens de plein exercice. C’est profondément élitiste, non-démocratique (même si Athènes était une démocratie au corps civique restreint par rapport à la population réelle) mais pas du tout fasciste comme certains ont voulu le dire.
Enfin, le narrateur raconte son expérience en tant que recrue et soldat engagé : il en a fait le choix. On peut effectivement rejoindre les auteurs de la préface en estimant qu’ici nous sommes en face d’un roman portant sur l’engagement, notion parfois galvaudée de nos jours. Pour le reste, c’est un space opera militaire qui se lit bien. L’action est rondement menée et efficace. Ce classique mérite d’être (re)lu.
Robert Heinlein, Starship Troopers, traduit de l’anglais par Patrick Imbert, préface d’Ugo Bellagamba et Eric Picholle, J’ai lu « millénaires », novembre 2019, 346 pages, 20 €