Si ça saigne

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Si ça saigne est le dernier recueil de nouvelles en date de Stephen King, genre dans lequel il excelle et qu’il peut pratiquer à loisir, les éditeurs anglo-saxons n’étant pas aussi frileux que les Français sur ce sujet. Vendu un peu dès le départ comme une suite au roman L’outsider - il suffit de lire le résumé de la page 4 pour s’en convaincre, ce qui m’a un peu inquiété - il se compose de 4 récits, plus ou moins longs, celui qui donne le titre au roman se taillant bien évidemment la place de choix. Comme toujours dans un recueil d’histoires « courtes », je mets entre guillemets car le King a du mal à faire court, certains récits sont plus marquants que d’autres. Voici donc un petit résumé de ce qui vous attend.

La première histoire, Le téléphone de monsieur Harrigan, est sans conteste celle qui m’a le plus plu dans le livre. L’amitié entre Craig, jeune garçon orphelin de mère, et un vieillard richissime retiré des affaires est le genre de récit qui semble couler de source chez l’auteur. Harrigan paie le gamin pour lui faire la lecture et pour arroser ses plantes et lui offre quatre fois par an une carte à gratter. Le jour où Craig gagne le gros lot, il offre un des tout premiers iPhone à son bienfaiteur, un téléphone qui ne servira pas qu’à téléphoner, on s’en doute… Jolie histoire sans trop de fantastique, dans la lignée de celle de Différentes Saisons, Le corps.

La seconde histoire, La vie de Chuck, une histoire en trois actes, nous propulse à rebours dans la vie de Charles « Chuck » Krantz, un employé bancaire modèle, depuis sa mort prématurée jusqu’à son enfance, en passant par quelques étapes primordiales de son existence. Histoire nébuleuse et que j’ai trouvé sans grand intérêt (si ce n’est que l’auteur écrit toujours aussi bien), que j’ai lue rapidement d’une traite sans m’y attarder.

Je passe à la pièce de résistance, Si ça saigne, avec en vedette Holly Gibney, la responsable de l’agence de détectives Finders Keepers. Une précision d’emblée : les personnages faisant partie d’un ensemble, je conseille de lire avant la trilogie Hodges (Mr Mercédès, Carnets noirs et Fin de ronde) ainsi que L’outsider avant de s’attaquer à la nouvelle, sans cela certains aspects de l’histoire paraîtront un peu obscurs. Comme le précise Stephen King dans sa postface, il adore le personnage d’Holly, que l’on aurait pu sans conteste trouver il y a des années de cela dans Ça : elle a effectivement tout pour faire partie du club des ratés cher à Bill Denbrough. Nous retrouvons donc cette chère Holly avec ses marotte, ses tics, ses craintes.

Pourquoi, comme je l’ai dit plus tôt, cela m’a inquiété ? Parce qu’à la lecture de L’outsider, j’ai pensé qu’il s’agissait d’un des meilleurs romans de Stephen King… jusqu’à l’apparition d’Holly Gibney. La façon dont elle a réglé l’affaire en deux temps trois mouvements m’est apparue un peu tirée par les cheveux et a sans doute gâché mon plaisir sur la fin. Ici, Holly se met à nouveau en chasse d’un outsider, un journaliste qui se retrouve sur chaque situation de drame et se délecte de la souffrance des victimes. Là encore, il suffit d’un seul regard de super Holly sur son poste de télévision pour découvrir ce qui ne va pas. Comme il s’agit d’une nouvelle, le récit est plus condensé, mais nous avons droit au passage à la vie de la famille Gibney, en particulier l’oncle… pour rendre le personnage plus humain ? Très bien écrite là encore, j’aurai surtout été moins déçu puisque je connais désormais Holly.

La dernière enfin, Rat, raconte les mésaventures de Drew Larson, professeur d’université et écrivain raté de quelques nouvelles mineures. Ses quelques incursions dans le roman se sont révélées calamiteuses, et il a même failli incendier sa maison en brûlant son dernier manuscrit par désespoir. Seulement, cette fois, il tient une idée, une bonne, une vraie. alors il part s’installer dans un chalet perdu au fin fond des forêts du Maine, pour achever ce récit… Tout se passe magnifiquement bien, jusqu’à ce qu’il tombe malade, qu’il perde le rythme et se retrouve bloqué devant son clavier… et qu’apparaisse le rat. Petite nouvelle sympathique, avec ce qu’il faut de cruauté, qui vaut aussi pour la description des angoisses et des espoirs d’un auteur face à son clavier. Sans doute une petite part auto-biographique là-dedans.

En matière de nouvelles, Stephen King a indiscutablement fait mieux par le passé. Beaucoup mieux même. Mais l’auteur écrit toujours aussi bien, même quand ses histoires sont un ton en dessous de ce qu’il a fait. Si ça saigne appartient pour moi aux créations mineures de l’auteur, réussies sans être indispensables, comme Roadmaster, Cellulaire ou Carnets noirs.

Stephen King - Si ça saigne - Editions Albin Michel

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