Drood
J’ai dépassé la page 70, cela veut dire que je risque d’achever le livre ; mais j’ai de la peine. Alors même que Simmons insiste et répète à cor et à cri avoir profondément étudié l’histoire et la psychologie de Charles Dickens et de Wilkie Collins, j’ai l’impression de lire les aventures de deux personnages de roman-feuilleton parfaitement fictifs et sans rapport avec les auteurs de David Copperfield et de la Dame en blanc. Et toutes les adresses au lecteur du narrateur qui se présente comme Wilkie Collins me font l’effet d’anachronismes ou d’anatopismes (par exemple la remarque sur les policiers non armés pouvant venir d’un Américain, pas d’un Britannique du dix-neuvième siècle, à mon avis). Je veux bien admettre que le Haut Professeur d’Université, Dan Simmons est infaillible et que ce qui me paraît être des contresens qui s’accumulent est en fait la preuve répétée de mon ignorance de simple lecteur face au Haut Savoir du Maître Simmons et qu’Il se plait à me rappeler mon ignorance avec une délectation de Mandarin - cette hypothèse n’est pas plus plaisante que l’autre, celle d’une escroquerie totale, qui serait presque légitimée par les déclarations de Simmons sur sa haine pour Dickens...
M’a aussi choqué la scène où Dickens présente Poe à Collins : pas plus que Dickens, Collins ne pouvait ignorer le nom et les œuvres de Poe. Si le véritable Mystère d’Erwin Drood (mais pourquoi le monstre du roman a-t-il repris le nom, mais pas le prénom ?) est un des premiers romans policiers de la littérature, il ne fait pas de doute que Dickens avait lu les contes fantastiques de Poe. Mais Collins pouvait-il ne pas les avoir lus ?
Bref j’essayerai de me forcer à continuer, mais interrompre la lecture pour relire les merveilleuses nouvelles des Yeux d’ambre de Joan D. Vinge m’aura soulagé...
Et les critiques favorables argumentées de façon presque imparable, si ce n’est par le fait que je n’ai rien perçu de profondeurs excessives pour moi, ou d’explications à chercher, comme d’habitude chez Simmons, dans les derniers chapitres du livre et qui rendent lumineuse la démarche de l’auteur, ne me convainquent pas. J’ai autre chose à lire, on verra plus tard. Désolé.
Drood de Dan Simmons, traduit par Odile Demange, 2011, 864p. plus références, Robert Laffont