Vieil homme et la guerre (Le), Brigades fantômes (Les), Dernière colonie (La) et Zoé
Quatre romans de John Scalzi : Le vieil homme et la guerre, Les brigades fantômes, La dernière colonie et Zoé. Ce n’est pas une tétralogie à proprement parler : chaque roman peut être lu indépendamment. Toutefois, comme les trois premiers se suivent dans le temps et que certains personnages reviennent, il vaut mieux commencer par le premier, qui est aussi le meilleur.
Le vieil homme et la guerre
La première phrase accroche immédiatement le lecteur :
« J’ai fait deux choses le jour de mes soixante-quinze ans : je suis allé sur la tombe de ma femme. Puis je me suis engagé ».
En effet l’Union Coloniale, organisme tout-puissant qui gère l’expansion de l’humanité dans la galaxie, engage son personnel militaire à partir de soixante-quinze ans. S’agit-il de supermen doués de pouvoir exceptionnels ? Jamais de la vie : le protagoniste, John Perry, souffre de tous les problèmes d’un âge avancé.
Comment peut fonctionner une armée de vieillards ? Sur Terre, on croit savoir que les forces armées disposent d’une thérapie de rajeunissement, mais personne n’en connait les détails : en vertu de la loi de quarantaine, qui s’engage ou part comme colon perd le droit de rentrer sur sa planète et même de communiquer avec ceux qu’il y a laissés.
Après un rajeunissement radical, Perry découvre que l’humanité est en guerre, ouverte ou latente, avec plusieurs espèces extraterrestres. Il suit une formation militaire rapide, puis est envoyé au charbon.
La suite du roman se compose d’une série de combats et de raids menés tambour battant.
Scalzi ne recherche pas l’originalité à tout prix ; il se borne à nous donner une histoire de SF classique, rondement menée, qui se lit avec plaisir. L’écriture est agréable, le personnage principal sympathique. Les avancées technologiques ne sont pas alourdies par de longues explications, que seul un lecteur muni d’un ou deux doctorats pourrait comprendre.
On est, en somme, dans la ligne de J. Vance ou de Julia Verlanger.
On remarque quelques naïvetés (l’adjudant qui forme les recrues est une copie conforme du sergent dans Officier et gentleman, pour ceux qui ont vu ce vieux film), mais rien de gênant.
Le deuxième roman, Les brigades fantômes, possède grosso modo la même structure. Les personnages principaux appartiennent aux Forces Spéciales ; ce sont des humains hautement améliorés qui naissent d’une cuve, avec un corps d’adulte.
On retrouve le lieutenant Jane Sagan, qui avait fait une courte apparition dans le premier tome, mais le héros est Jared Dirac, un soldat des Forces Spéciales. Une heure dix après sa sortie de cuve, Jared emprunte la navette qui le transporte au centre d’entraînement pour une formation ultrarapide de deux semaines, après laquelle il est envoyé au combat.
C’est de nouveau une aventure sans autre prétention que celle d’amuser le lecteur. But sans aucun doute atteint, même si on peut relever quelques défauts. Si le personnage de Jared est réussi, comme ceux de Sagan et des autres soldats des Forces Spéciales, on bute un peu sur celui de Boutin (excusez le jeu de mots débile : je n’ai pas pu me retenir). Charles Boutin est le méchant de l’histoire : il planifie le massacre de tous les habitants des colonies, c’est-à-dire de la plus grande partie de l’humanité.
Quand il expose ses raisons, on commence à soupçonner que dans la lutte qui voit s’affronter l’Union Coloniale et les Extraterrestres, les bons ne soient pas ceux qu’on croyait. On découvre en effet que l’Union Coloniale cache soigneusement à ses administrés l’existence d’une association inter-espèces style ONU galactique. Refusant d’y adhérer, elle condamne les humains à une guerre permanente contre le reste de l’univers, guerre qui ne pourra se terminer que par leur déconfiture.
C’est ce que Boutin voudrait éviter, mais sa solution semble relever de la catégorie « Jetons le bébé avec l’eau du bain ».
Ceci mis à part, on peut regretter que les deux dernières pages du roman glissent dans un registre larmoyant qui contraste lourdement avec le reste. Durant une visite de tombeaux – on visite énormément de tombeaux dans l’ensemble de l’œuvre de Scalzi : sept fois, si mon compte est bon – Sagan, une femme-soldat qui jusque là s’est comportée comme une tueuse sans états d’âme (on la voit égorger sans sourciller un bébé d’une espèce extraterrestre sous les yeux de la mère) se transforme, sans que rien nous y prépare, en maman-gâteau disposée a adopter une orpheline et à quitter l’armée.
Comme pour le premier roman, il s’agit toutefois de défauts mineurs, qui n’enlèvent pas grand chose au plaisir de suivre une aventure toute en rebondissements.
Dans La dernière colonie, le troisième tome de la série, on retrouve John Perry marié à Sagan, la tueuse de bébé/maman-gâteau. Le couple est nommé chef d’une nouvelle colonie, mais quand les colons partent s’installer dans leur nouvelle patrie, ils se retrouvent sur une planète inconnue avec un astronef inutilisable. Il ne s’agit nullement d’un accident, mais d’une manigance de l’Union Coloniale.
Ce roman commence dans la même veine que les précédents, mais aux deux tiers environ, l’action est laissée en friche au profit d’une série de discours interminables et surtout d’une explication prolixe des événements qui étaient racontés dans la première partie (style : si Untel avait fait cela, c’était parce que… et si Untel Autre avait réagi comme ça… etc). C’est long, truffé de répétitions pour s’assurer que ce crétin de lecteur a vraiment compris, et donc en grand partie superflu. De plus, c’est écrit dans un style tarabiscoté, qui contraste désagréablement avec le reste. On se demande à quoi riment des phrases comme « Il est toujours inutile de rien laisser au hasard ».
(On se demande par ailleurs aussi si elles sont à imputer à l’auteur ou au traducteur.)
Ces digressions cassent le rythme du roman qui, quelques pages durant, s’essouffle dans la description de manigances politico-militaires. Ensuite, ayant repris du poil de la bête, Scalzi dirige son bateau vers une fin inattendue.
On peut pardonner (enfin, presque) à l’auteur des remarques d’une arrogance toute anglophone comme « L’anglais était la langue véhiculaire de toutes les colonies... ». Mais bien sûr, voyons ! Dans un millier d’années tout l’univers parlera anglais. C’est une évidence.
On lui pardonne moins une certaine incohérence de l’intrigue : il introduit une espèce autochtone d’extraterrestres intelligents, bien que primitifs, mais après quelques courtes échauffourée avec les colons, il les laisse complètement de côté. On a de nouveau droit à une fin larmoyante, avec visite de tombeaux, « tu l’aimes », « tu m’aimes », et – cerise sur le gâteau, un « je suis enceinte » qui clôture le roman. Une phrase qui conclurait admirablement une histoire à la guimauve (avec fondu enchaîné et musique romantique crescendo).
Bien qu’inférieur aux deux premiers romans, La dernière colonie reste toutefois d’une lecture assez agréable.
Il en va autrement du quatrième et dernier tome de la série.
Dans Zoé, l’auteur raconte de nouveau l’histoire de La dernière colonie, épisode par épisode, quelques flash-back mis à part. L’unique différence est qu’il se sert du point de vue d’un personnage différent. Il pousse le sans-gêne jusqu’à faire tout bonnement du copier-coller pour certains dialogues !
C’est inadmissible et malhonnête vis-à-vis du lecteur.
C’est également d’un ennui total : il n’y a pas d’enjeu, vu qu’on connaît déjà toutes les péripéties de l’intrigue par le menu. Le point de vue de l’héroïne (la fille adolescente de Perry) n’ajoute strictement rien, bien au contraire. C’est un personnage moins crédible que ceux des trois premiers romans. Les courtes scènes où on la voit agir seule trouveraient sans doute mieux leur place dans un roman pour adolescents. Je pense notamment à celui où cette superwoman de quinze ans sauve l’humanité entière en négociant avec de puissantes espèces extraterrestres.
En conclusion : les deux premiers tomes sont à conseiller, et le troisième à déguster avec quelques réserves.
Quant au quatrième, inutile d’y dépenser son argent : autant relire le précédent.
Le vieil homme et la guerre
Les Brigades fantômes
La Dernière colonie
Zoé de John Scalzi, L’Atalante