Rose/House

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Je n'aime pas écrire une recension pour dire ce que je n'ai pas aimé dans un livre, mais je crois utile de le faire quand ce livre prétend creuser un sujet brûlant, celui des relations à venir avec les IA. Sauf que c'est un sujet sur lequel les récits de fiction risquent de provoquer plus d'incompréhension ou, pire encore, d'idées fausses que de compréhension. Le fait que la fiction ne soit en rien une véritable méthode expérimentale et que, au bout du compte, l'oeuvre ait un succès qui dépendra de sa « vraisemblance », c’est-à-dire de sa conformité aux idées a priori de l'auteur et des lecteurs, crée un biais de rigueur énorme.

Quid quand, de surcroit, le récit proposé est profondément invraisemblable parce qu'il repose sur des bases inacceptables, ici l'exposé à la page 18 de lois imposées aux IA qui ne sont même pas envisageables et ont interrompu ma suspension d'incrédulité ? En l'occurence, l'idée que l'IA serait tenue de prévenir les autorités d'un décès d'humain, mais pas de permettre aux dites autorités d'enquêter ; autrement dit l'IA aurait le droit de ne pas obéir aux autorités, droit que n'a normalement pas un humain, une fois qu'elle aurait déclaré la présence d'un humain mort, cette déclaration la déchargeant de toute autre obligation ?

 

Le roman se veut un techno-thriller où l'enquetrice va devoir résoudre un crime malgré le refus de l'IA de collaborer, avec quelques complications liées aux réactions de l'autre personnage important, l'architecte qui doit gérer la dite IA et la maison qu'elle gère et qui est au bord de la folie à cause de cette tache qui lui a été affectée par le constructeur de la maison. Les épisodes de cette enquête sont pour le moins saugrenus, sinon incohérents. S'ajoute un problème général dans tous les romans et particulièrement grave dans les histoires de robots et d'IA : les actions des personnages d'un roman, humains, animaux, extra-terrestres ou machines, découlent presque exclusivement de l'idée que s'en fait l'auteur. Et, dans le dernier cas particulièrement, le lecteur n'est pas dès le départ averti des conceptions de l'auteur sur comment pense le personnage en question, puisqu'il n'y a encore aucun consensus général tiré de l'expérience sur ce que peut être la pensée, la conscience, d'une machine. Du coup tout le roman reste, définitivement, un exposé plus ou moins acceptable pour le lecteur des convictions de l'auteur. Et, dans le meilleur des cas, il appréciera cet exposé, acceptera de le partager, sans qu'aucune réalité expérimentale puisse lui confirmer ou infirmer ces convictions...

 

Rose/House d'Arkady Martine, traduit par Gilles Goullet, J'aiLu Nouveaux Millénaires, 2023, 128 p., couverture d'après David Curtis, 11€90, ISBN 978-2-290-39452-6

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