Résilience
Il y a des fictions d’anticipation fantasques, aux nœuds inimaginables et aux issues loufoques. On les lit, le sourire aux lèvres quand ce n’est pas une poignée de pop-corn, en mode « même pas peur » sur le canapé.
Or voici un thriller futuriste pas banal, qui annihile toute fonction de déglutition et rive mains et yeux aux pages qui vous y enfoncent inexorablement. Haletant, on n’a de cesse de savoir comment tout cela finit. Et ce n’est pas peu dire : ce qu’on nous raconte ici n’est rien moins que la fin de notre espèce. On aimerait se dire que tout ça ce sont des bobards. Mais Yannick Monget, prospectiviste, a abondamment et scrupuleusement documenté son roman sur l’extinction de toute vie sur Terre. Si bien qu’on croirait lire une description rigoureuse de faits réellement survenus.
Le romancier inaugure un genre terrifiant : le reportage d’anticipation.
Le récit démarre avec une immersion brutale dans l’action, de quoi être propulsé dans l’illusion d’assister au sauvetage de Fukushima, alors qu’en fait l’explosion nucléaire en question et l’évacuation de population concernent... Paris ! Mais c’est toute la planète qui prend feu peu à peu.
Alors mission accomplie pour Yannick : le nucléaire, après cette lecture, on n’en veut plus, dans la foulée, on fourgue ses aérosols sur Ebay, on se met aux toilette sèches illico, on revend la Cayenne et on roule en VTT. D’ailleurs, on déménage pour une yourte loin des villes, au vert. En un mot, après cette lecture, on a changé. Enfin si on la termine, la lecture, parce qu’à la page 28 déjà, on a renversé de frayeur ses popcorns sur le canapé, on sent que la gorge nous gratte et on est pris d’une quinte de toux comme les premiers Chinois que le virus noir condamne ; on fixe avec terreur sa live-box des fois qu’elle émette des signaux de faiblesse, se maudissant d’avoir choisi d’habiter au quarante-sixième étage en cas de panne mondiale d’électricité – mais où avait-on la tête ? On se jette sur la télécommande de la télé pour savoir si le cataclysme nucléaire annoncé a commencé à être retransmis en live sur le câble.
Bref, on y croit, on est dedans, le fait est que l’auteur a mis le paquet pour qu’on s’identifie aux personnages de son roman. Tout ce qui y est relaté peut se produire : pandémie, catastrophes nucléaires en chaîne, terrorisme, bouleversements climatiques, manipulation médiatique de l’opinion publique etc. Espérons également que les hypothèses positives, de la résilience aux comportements héroïques, sont fondées, surtout celle de personnalités au pouvoir conséquent et au talent assez visionnaire pour échafauder en amont des parades à la catastrophe.
Résilience de Yannick Monget, La Martinière, 22,90 euros
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