ROZENBERG Michel 01

Auteur / Scénariste: 

Pourriez-vous brièvement nous parler de vous, et de votre carrière ? Comment devient-on écrivain, et pourquoi le choix du fantastique ?

Bonjour à toutes et à tous et merci du fond du cœur de me donner l’opportunité de parler un peu de moi. Polytechnicien de formation, consultant en techniques commerciales et en leaderchip, marié à une femme formidable et père de deux enfants de 8 et 14 ans non moins géniaux, j’ai réalisé depuis de très nombreuses années avoir besoin d’équilibrer ma vie organisée, structurée, analytique par des hobbies créatifs. Dès l’âge de 14 ans, je me suis mis à la batterie, - je joue encore tous les dimanches dans le même groupe de musique, depuis 15 ans -, et c’est très naturellement, après avoir « avalé » les volumes de la collection Marabout fantastique, de 14 à 18 ans, et d’avoir lu, ce que je pense être les plus grands auteurs de fantastique, qu’est née l’envie d’écrire dans ce domaine. Ce n’est pourtant que vers l’âge de 40 ans que je me suis décidé à ouvrir mes textes, parfois à peine ébauchés, à la critique, d’abord sur Internet, puis en passant par l’édition en 2003. Le fantastique colle assez bien à mon besoin de poser des problèmes, mettre un nom sur des peurs et des douleurs et d’essayer modestement d’apporter des pistes de réponses ou de réflexion. Ecrivain est un bien grand mot ! J’ai des idées et j’essaie de les mettre en scène. L’imagerie fantastique me donne tout le loisir de les exprimer.

Votre fantastique est ‘canonique’, c’est-à-dire tout à fait classique, dans la droite ligne de Maupassant, Bierce ou de Poe. C’est ce qui m’avait si fort frappé déjà dans Altérations. Voudriez-vous délibérément vous distancer d’auteurs contemporains tels King ou Koontz pour revenir à une certaine tradition ?

Je ne cherche pas à me positionner, ni à me différencier. Les choses se font seules. Comme chaque auteur, j’ai subi diverses influences (Poe, Maupassant, les fantastiqueurs belges…) et je me retrouve davantage dans l’étrange. J’ai beaucoup de respect pour King ou Koontz, deux auteurs très talentueux. Je pense cependant plus trouver mon compte dans l’approche de Jean Ray, Maupassant, Thomas Owen, Poe et d’autres que dans celle de King ou Koontz.

Claude Bolduc, dans sa belle préface, parle avec affection du fantastique belge et cite Jean Ray ou Thomas Owen. Jean-Baptiste Baronian, préfacier de votre recueil précédent, soulignait également la spécificité de notre pays dans son Panorama de la littérature fantastique de langue française. Avez-vous la sensation de perpétuer une certaine lignée ?

Il est difficile, délicat et présomptueux de se comparer à de tels auteurs. Je ne le ferai donc pas. Cependant, j’ai le sentiment d’être plus proche d’eux que d’autres et de traiter de ce fantastique qui prend sa source dans notre vie de tous les jours, en des lieux comme ceux que nous pourrions visiter, remplis d’objets familiers et de personnages comme vous et moi, à qui il arrive des événements anodins, au départ. Je remercie Claude au passage pour cette préface magnifique et je confirme ce que Jean-Baptiste Baronian défend depuis toujours avec beaucoup de talent : la Belgique est une terre de fantastique et j’espère qu’elle le restera toujours !

Votre fantastique est urbain, quotidien, ce qui rend l’effroi d’autant plus palpable. Vos personnages sont des gens normaux, ancrés dans la vie de nos jours. Et, à un moment, leur histoire bascule. Y a-t-il des éléments autobiographiques dans vos récits ? D’où vous vient, par exemple, cette fascination pour la vie de bureau ?

Oui, il y a des éléments autobiographiques, mais pas dans le sens où j’aurais pu vivre une de ces histoires… heureusement d’ailleurs. Par contre, j’ai voulu mettre en scène certaines de mes peurs, de mes douleurs, de mes questions par rapport à la société et au monde dans lequel nous vivons et la vie professionnelle y occupe une place centrale. Combien de problèmes de santé, mentale ou physique, naissent pendant les heures de bureau ? Le harcèlement moral, la quête du toujours plus pour moins, la concurrence entre collègues, la loi implacable du marché, les réseaux internes auxquels nous appartenons ou pas et qui nous freinent ou nous font progresser, la cupidité, la trahison, l’absence de déontologie, d’étique, l’argent facile… sont autant de sujets qui me tiennent à cœur et qui détruisent tous les jours de trop nombreuses personnes. Avant d’être à mon compte, j’ai été employé pendant plus de vingt ans dans diverses sociétés américaines. J’ai voulu traiter de certains de ces sujets par le biais du fantastique.

Un autre thème récurrent semble être formé par l’identité, thème éminemment traité dans toute littérature, et que vous renouveliez déjà dans Les Parques ou dans Le défi. Ici, vous l’abordez à nouveau, par deux fois, avec une sorte de terreur. Est-on maître de son destin ?

Je pense que nous maîtrisons certains éléments de notre destin. Hélas, les imprévus, les aléas, les surprises sont plus déterminants, et nous n’avons aucun contrôle sur eux. Nous aimerions tous avoir le temps et l’espace à nos pieds et pouvoir en décider à notre guise. La réalité est toute autre. Je pense de plus qu’il serait malsain de connaître son destin et ce serait probablement source de terribles frayeurs. En ce qui concerne l’identité, je dirais qu’il est sans doute pire de ne pas ou plus en avoir que de disparaître. Nous sommes gouvernés par l’envie de laisser une trace de notre passage sur terre. Et là, un choix s’offre à nous : par des actes positifs ou destructifs ? Nous sommes face à notre conscience. Mais de ne pas exister pour les autres, de vivre et partir dans l’indifférence totale, est selon moi, tout simplement insupportable.

Si le parcours individuel des personnages est un élément significatif du fantastique, le décor l’est moins qu’en science-fiction, par exemple. Or chez vous, il est très essentiel et plonge le lecteur dans l’ambiance propice requise. Je songe à Alessandra ou à Bourg paisible. Quelle est l’importance que vous attachez à l’atmosphère de vos textes ?

Afin d’ancrer les textes dans notre réalité, dans notre quotidien, je pense qu’il est essentiel de planter le décor, de mettre les pièces d’un puzzle en place, de manière à ce que chacun puisse se reconnaître voire s’identifier aux protagonistes, qu’ils puissent presque se dire que cela pourrait « presque » coller avec leur vie, leur arriver. C’est à ce prix, je pense, que les lecteurs ont envie, je l’espère, de tourner la page pour découvrir la suite du texte. L’atmosphère est donc à mes yeux un élément aussi important que le suspense, le rythme, la chute. Il détermine notre capacité à nous fondre dans les personnages et à nous évader.

Parlant de science-fiction, vous êtes vous déjà senti attiré par un autre genre littéraire ? Le roman policier peut-être ? Ou la fantasy ?

Non. J’aime la science-fiction au cinéma, grâce à une profusion d’effets spéciaux, entre autres choses et les séries policières actuelles, je les trouve de grande qualité. En ce qui concerne la littérature, j’éprouve plus de difficultés. C’est la raison pour laquelle ce vecteur de communication m’apparaît comme inadéquat. Quant à la fantasy, dont je reconnais qu’elle rencontre un succès grandissant auprès du public, tant lecteur que cinéphile, jeune et moins jeune, je n’accroche pas, à part au cinéma, et quasi rien que grâce aux images de synthèse, aux animations…

La nouvelle est le terrain d’élection du fantastique depuis toujours, et vous semblez vous y plaire, en effet. Lira-t-on un jour un roman de Michel Rozenberg ?

J’ai espoir d’y arriver un jour, car mes nouvelles s’allongent au fil du temps. Je pense pourtant que le moment n’est pas encore venu, par manque d’idées pour remplir 3 ou 400 pages. J’aimerais que personne ne puisse parler de remplissage, impression que j’ai trop souvent à la vue des briques vendues de nos jours. Je n’en fais pas un objectif, bien que je sache que ce serait plus vendeur, mais j’aimerais y parvenir pourtant. Que j’y parvienne ou pas, je continuerai à écrire des nouvelles tant que j’aurai des idées et de l’inspiration pour les exprimer.

Dernière et bien classique question : quels sont vos projets, immédiats et plus lointains ?

Je travaille à la rédaction d’un nouveau recueil, que j’espère terminer pour fin 2008 et faire éditer vers le printemps 2009, si mon éditeur me fait toujours confiance. Et j’aimerais être à même de publier un ouvrage tous les deux ans. Entre une vie professionnelle bien remplie, une famille qui est essentielle à ma vie et quelques activités privées, j’espère trouver le temps et l’inspiration. Ce serait déjà fantastique à mes yeux !

Michel Rozenberg, merci pour cette rencontre.

Et grand merci à Phénix Mag de s’être intéressé à moi. Bonne continuation.

Critique du dernier ouvrage ici !

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