Pasakukoo

Le Rhode Island, le plus petit des Etats des États-Unis, mais aussi un des plus peuplés. Le pays de H.P.Lovecraft, et plus proche de nous, de Cormac McCarthy.  Des dizaines de lacs. Celui de l’auteur s’appelle Pasakukoo, mais peu importe. Autour de ce lac va se nouer une intrigue solide dont les protagonistes vivent dans leurs bungalows tout autour. En particulier Demsey et Ackerman, deux auteurs jadis amis, désormais plutôt en conflit, chacun reprochant à l’autre ce qu’il écrit. Le shérif, Blansky, que l’on pourrait croire besogneux, mais qui ne renonce pas et poursuit sa tâche coûte que coûte, comme un bousier. Un avocat noir, Tom Whitaker, tout droit sorti d’un mauvais théâtre, et son associée, véritable Walkirie. Une jeune femme un peu paumée, écrivaine en devenir d’un roman qui s’annonce puissant, Esther Engelhart, issue d’une famille où les « non-dits » sont légion, et qui meurt noyée dès les premières pages. Tout ce petit monde-là, plus quelques autres, est prêt à jouer le drame en plusieurs actes.

Il y a du Lee Burke dans ce roman, du Crumley, du Wilson Hall. Roy Braverman manie les ambiances et les situations avec une aisance telle qu’on pourrait le croire issu de ces auteurs qui ont fait de Missoula dans le Montana, la ville des écrivains. C’est d’ailleurs toute la force de Ian Manook, aussi à l’aise dans les steppes mongoles et les immensités désertiques islandaises, que dans les bayous poisseux de Louisiane et les étendues du Rhode Island. D’ailleurs, à la toute fin de Pasakukoo, l’auteur glisse un petit clin d’œil à Freeman, un de ses précédents ouvrages. Entre temps, il aura infligé à ses personnages un certain nombre de tribulations, et aucun finalement n’en sortira indemne.

Ajoutez à cela des début de chapitres originaux à la première personne, quelqu’un qui raconte une histoire et dont on découvrira l’identité plus tard, et vous obtenez avec Pasakukoo une sorte de huis-clos champêtre, une pièce de théâtre sur les rives d’un lac aussi sauvage que beau, en tout cas, l’un des romans les plus originaux qu’il m’ait été donné de lire au cours de cette année.

Je remercie vivement les éditions Hugo ainsi que l’auteur pour leur confiance.

Roy Braverman - Pasakukoo - Editions Hugo - juin 2021, 7,60€