Novellas
Bien que le recueil dans lequel figuraient ces trois novellas, The Grandmothers, ait contenu un quatrième texte apparenté à la science-fiction, The reason for it, que j’avais apprécié et que Doris Lessing a toujours cultivée (ouvertement dans sa série « Canopus in Argo » et dans les deux romans Mara et Dann et L’histoire du général Dann, discrètement dans d’autres œuvres comme les Mémoires d’une survivante), ce recueil français ne contient que les trois études psychologiques et sociologiques sur les mésaventures qu’entraîne l’amour pour les femmes, des rappels des problématiques liées aux différentes inégalités entre les sexes et entre les peuples.
Les héroïnes du premier roman, Les grand-mères, sont deux femmes, tellement amies que, quand elles se retrouvent seules, l’une veuve, l’autre abandonnée par son mari, chacune va avoir une aventure avec le fils de l’autre. Mais la novella montre aussi quelles conséquences ces aventures entraîneront pour les petites-filles et les belles-filles à venir.
Le second roman, Victoria et les Staveney, porte davantage sur les différences de classe : parce qu’elle est dans la même école publique de quartier que les deux fils de Lionel Staveney, la petite noire Victoria va être confrontée à un monde, à un niveau de vie, auquel elle n’aurait même pas pu rêver, qu’elle n’aurait pu imaginer. Comme elle a de réelles capacité et, dans son malheur originel, un peu de chance, elle parviendra malgré tout à s’en tirer, à obtenir une vie moyenne. Et la fille qu’elle a eue de Thomas Staveney pourra-t-elle y accéder ?
Quant au troisième, Un enfant de l’amour, il raconte l’histoire d’un jeune garçon, mobilisé en1939, puis envoyé en Inde, qui a eu une « brève rencontre » au Cap et apprend qu’il a un enfant, qu’il ne verra jamais. Tout en signalant au passage les problèmes sociaux de l’arrière-plan de l’histoire, le roman traite l’évolution psychologique du héros, James, et les réactions des personnes rencontrées.
Doris Lessing nous présente donc des personnages variés, des problèmes d’hommes ou de femmes. Les problèmes politiques et sociaux ne sont pas ignorés, simplement laissés à l’arrière-plan, pour que le lecteur soit en mesure de ne pas les oublier et de réfléchir sur le comment ils mènent les personnages à agir comme ils le font. Aucune des trois histoires n’est seulement une étude de personnages : ce sont des descriptions de comment l’état du monde et de la société influe sur l’état psychologique et sur les actes des héros et des autres personnes. Parce que c’est supposé se passer dans le monde connu du lecteur, parce que le miroir n’est pas déformant ou grossissant comme dans un récit de fiction spéculative, que l’interpolation a remplacé l’extrapolation, nous avons de la littérature « générale ». Est-il besoin de rappeler que, ayant pratiqué la « science-fiction », Doris Lessing creuse néanmoins plus profond qu’un auteur « normal »?
Novellas, de Doris Lessing, traduites par Isabelle Philippe et Philippe Giraudon, J’ai Lu n°11228, 2016, 411 p., couverture d’Ilka Kramer, 8,40€, ISBN 978-2-290-11780-4
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