Chien du Heaume et Mordre le Bouclier

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Il y a une double bizarrerie dans le fait que le premier livre ait reçu plusieurs prix dont certains de « fantasy ». La première part de cette bizarrerie tient au fait que, normalement, ce roman n’est pas de la « fantasy », mais un roman historique, même si le lieu n’est pas explicité. Je suis sûr que Justine saurait placer sur une carte les lieux évoqués et qu’un chercheur attentif pourrait les identifier, à moins qu’il n’y ait eu création de lieux fictifs apparentés à des lieux réels. L’époque non plus n’est pas indiquée, en tout cas dans le premier volume. La deuxième part est le fait que, bien qu’il ait été perçu comme tel, Chien du Heaume ne constitue pas un roman complet, mais seulement la première partie d’un roman en deux volumes, la mise en place de certains personnages (il apparaîtra encore plusieurs personnages importants dans Mordre le bouclier). Et l’aspect général du roman complet est assez largement décalé de l’impression que donnait sa première partie lue seule. De fait, j’avais retiré du premier volume certaines convictions que le second a battues en brèche de manière complète.

Donc ce récit est un drame moyenâgeux. Nous sommes en un temps où l’église catholique n’a pas encore assuré sa mainmise sur les esprits et les moines et les curés sont encore en train d’essayer d’asseoir leur suprématie. Nous assisterons d’ailleurs à une tentative d’installation d’un curé dans un château encore païen. Et le deuxième volume nous indique que nous sommes au temps d’une Croisade, mais j’ai des doutes sur laquelle, car il m’a semblé voir des allusions à au moins deux croisades différentes. Chien du heaume, l’héroïne, est une femme mercenaire qui a repris la hache de son père ; elle cherche à retrouver son nom d’origine qu’elle n’a jamais connu. Cette quête va l’amener à rencontrer différent personnages et à mêler leurs histoires à la sienne, qui reste néanmoins l’un des fils majeurs du roman : le chevalier Sanglier que sa jeune femme hait ; le forgeron Regehir et sa femme mercenaire Brehyr qui cherche à venger son père assassiné ; le chevalier Saint Roses revenu blessé dans son corps et sa foi de la Croisade et son compagnon-arbalétrière La Petite.


Mais cette quête qui s’achève de façon à justifier le prologue inexpliqué de Chien du Heaume par la fin de Mordre le bouclier sert avant tout à Justine Niogret pour nous présenter un certain nombre de scènes et d’images du Moyen-Age assez éloignées des représentations traditionnelles, et néanmoins totalement fondées sur ce qu’on sait du Moyen-âge réel. Vocabulaire, recettes, citations, tout est bon pour essayer de corriger les idées courantes, mais fausses.

Derrière les quêtes des différents personnages, ce roman se veut d’abord un guide d’un monde plus conforme à la réalité du Moyen-âge. Un monde imaginaire, bien sûr : nous sommes dans un roman et, même si on peut contester le classement en « fantasy », l’imagination trouve sa part dans cette recréation d’un passé disparu et cette aventure inventée...

Dans sa postface (annoncée à tort comme préface du second volume sur la couverture), Jean-Philippe Jaworski prétend étendre le thème à une mythologie intemporelle. Je ne suis pas convaincu, mais cette explication est intéressante.

Dans tous les cas, sauf recherche exclusive de fantasy magique, le lecteur trouve largement de quoi justifier son plaisir.

Chien du Heaume vient de paraître en poche. Soit vous attendez que les deux titres soient disponibles en ce format, soit vous vous ruez sur le grand format pour lire les deux d’un trait. La différence de prix ne justifie pas l’attente. Et, même si on peut lire Chien du Heaume comme une œuvre complète, cela oblige à la lecture de Mordre le bouclier à une réévaluation complète.

Chien du Heaume et Mordre le Bouclier de Justine Niogret, Mnémos Icares, 2010 et 2011, couvs Johann Bodin, 222 p, 18€, ISBN 978-2-35408-099-0

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