Roi du matin, reine du jour

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Ce roman, qui date de 1991 et est le troisième de l’auteur, qui n’a certainement pas encore atteint la maîtrise dont il fait preuve dans Chaga et Kyrinya (deux merveilles non traduites à ce jour), a obtenu en 1992 le Prix Philip K. Dick. Il le mérite largement par son sujet qui est la remise en cause de la rationalité du monde par des incursions venues d’un monde imaginaire, matérialisé par certaines héroïnes. Ce monde imaginaire, teinté de mythologie irlandaise parce que les personnes « mythoconscientes », trois femmes de générations successives d’une même lignée, sont Irlandaises, c’est en quelque sorte « l’inconscient collectif » de Jung, la « noosphère » de Teilhard de Chardin reprise par Roland C. Wagner, ou la « Forêt des Mythagos » de Robert Holdstock.

Autant dire que le thème de base est déjà connu. Et sur ce thème qu’il n’est ni le premier ni le dernier à envisager, Ian McDonald colle donc une intrigue basée sur comment la première de ses héroïnes va créer un monde de « phages » (Jung les appellerait archétypes) qui intégrera ses fantasmes personnels, et comment sa fille, puis son arrière-petite-fille, seront affectées par des résurgences de ce monde et de la volonté de leur parente ; et comment un docteur, mi-esotériste mi-psychiatre, qui a connu la première des héroïnes et l’a vue disparaître dans son monde imaginaire après différentes péripéties, va intervenir pour défendre les deux victimes possibles des caprices de leur parente.

Le roman se constitue donc de trois parties, consacrées aux trois héroïnes, plus un court « coda » entre deuxième et troisième partie. Chacune de ces trois parties est construite de façon difficilement compréhensible comme une suite d’épisodes, racontés dans les deux premières par des narrateurs différents alternés et placés dans la troisième en ordre non chronologique. Des astuces d’écriture qu’un écrivain confirmé apprend à utiliser sans égarer le lecteur, mais qui, dans ce roman de débutant, feront perdre le fil de l’histoire au lecteur moyen. Et comme l’histoire, une fois extirpée de l’entremêlement d’épisodes qui rappellent l’histoire de l’Irlande et de références plus ou moins expliquées, est finalement assez banale, seule la question dickienne des limites de la réalité et de la rationalité donne un véritable intérêt à l’oeuvre. Le résultat est certainement inférieur aux oeuvres de la série de Chaga (les romans cités plus haut ou la nouvelle Tendeleo parue en français dans l’anthologie Faux rêveur de Bragelonne) que j’ai lues, et à d’autres classiques que je n’ai pas lus comme Desolation road.

Ian McDonald, Roi du matin, reine du jour, traduit par Jean-Pierre Pugi, illustration de couv. Michel Koch, 488 p. plus bibliographie de l’auteur, Lunes d’encre

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Commentaires

J’avais lu "Etat de Rêves" Ian Mc Donald et ces nouvelles m’avaient impressionnée suffisamment puissamment pour que j’en rêve. Une lecture qui laisse des traces de rêves, j’avais envie d’en reprendre une dose. Effectivement, la narration manque de fluidité. Mais je pardonne à l’auteur, parce que s’il est un endroit où j’aime à errer, c’est bien entre deux mondes, deux réalités. J’apprécie Robert Holdstock et j’ai retrouvé là un autre passeur de frontières. En tant que plasticienne, ces dérapages, ou ces intrusions de l’imaginaire qui s’enracinent dans la réalité sont ma source d’inspiration et m’aident à créer mes propres dérives....
Si on accepte la règle du jeu de se laisser aller au rêve, jamais plus on ne se promène dans la nature avec le même regard...