Noir Duo

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Illustrateur / Dessinateur: 

Deux originalités à ce beau recueil, qui a obtenu le Prix Masterton nouvelles 2008.

 

L’écriture en duo d’abord. Les auteurs avaient déjà collaboré, mais pour un roman. C’était le splendide Le Chant de Montségur (Cylibris, 2001). Voici à présent leurs talents conjugués dans seize nouvelles. Ou, plus exactement six nouvelles communes, cinq de Sylvie Miller et cinq de Philippe Ward. Et, comme souvent dans une écriture à quatre mains, il est quasiment impossible de découvrir qui a écrit quoi. D’autant plus que leurs intérêts sont proches.
L’autre originalité, plus insolite, vous la découvrirez à la lecture de la première phrase : « Préfaces : pourquoi se contenter d’une seule quand on peut en avoir cent treize ? ». En effet, le recueil est précédé de non moins de 113 préfaces ! Les auteurs avaient convié leurs amis (de Jean-Pierre Andrevon à Joëlle Wintrebert) à envoyer un petit quelque chose, de forme et contenu libres, destiné à introduire un livre qu’ils n’avaient évidemment pas lu. Et cela donne 54 pages de dessins, photos, poèmes, dialogues, hommages, clins d’oeil ou témoignages divers : petit univers foisonnant des plus divertissant ! Incidemment, vous y trouverez quelques lignes de votre serviteur, qui s’était associé avec enthousiasme à cette initiative.

Qu’en est-il de l’ouvrage lui-même, à présent ? Arrivé au terme des préfaces, le lecteur est directement confronté à un texte fort, premier écrit ensemble en plus (chaque nouvelle est précédé d’une brève notice des auteurs) : Le mur conte la relation trouble entre une femme fatiguée et un ’démon’ apparu dans le mur de son salon. Mau, superbement fignolé, est un hommage vibrant à la race féline et son représentant le plus sacré : le chat de l’Ancienne Egypte. Egypte que nous retrouvons dans le tout dernier récit, Pas de pitié pour les pachas, qui, comme les autres nouvelles communes témoignent toutes d’un caractère manifestement partagé : l’humour. Ici, par exemple, dans cette uchronie, le pays africain est toujours dirigé par un pharaon, et les dieux sont bien vivants. A propos d’humour, un petit chef-d’oeuvre de ce que les auteurs intitulent ’la SF fromagère’, né à l’issue d’une soirée bien arrosée : Un futur inimitable, ou l’impact du roquefort sur des extraterrestres bien belliqueux. La SF est d’ailleurs assez présente, par exemple dans le saisissant Prorata temporis où s’agite un ténébreux et féroce ’vendeur de temps’, dans Lettre d’un futur amer, futur dans lequel Jean-Marie Le Pen est au pouvoir, ou L’Ombre qui décrit l’avancée d’une maladie mystérieuse décimant les colons martiens. Quant au fantastique pur, on attendait Philippe Ward dans son domaine de prédilection, le fantastique rural (voir ses romans Artahe ou Irrintzina), et il en livre un pur petit bijou avec Le fils de l’eau, où comment faire renaître une source tarie au péril de sa propre vie. Quelques touchants portraits aussi d’hommes tristes, en proie à leurs angoisses, démontrent la belle qualité humaine des auteurs : Un choix réfléchi traite d’un personnage n’ayant jamais rien pu décider dans sa vie, Le survivant évoque un guitariste sur le retour pactisant avec le Diable, Les chemins de l’esprit un taulard errant sans fin sur les chemins de Compostelle. Terminons dans...Les vignes du Seigneur pour vous avertir de faire très attention si, un jour, vous ouvrez votre réfrigérateur et y trouvez une bouteille d’un Sauternes inconnu...

Sylvie MILLER et Philippe WARD, Noir Duo, couverture de Vidal-Dumas-Lemaire, 242 p., Black Coat Press, coll. « Rivière blanche »

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