Noir Duo

Auteur / Scénariste: 
Illustrateur / Dessinateur: 

 

L’avis de Georges

Voila un livre qui aurait pu être une merveille tous publics avec les nouvelles des deux auteurs qu’il contient, et qui devient un objet culte, réservé aux membres actifs du fandom, à cause de la suite de plaisanteries à usage réservé aux connaisseurs que constitue la série de préfaces plus ou moins réussies que Philippe Ward s’est amusé à faire rédiger par tous ceux qu’il a réussis à rameuter. Il est dommage que le livre ainsi rallongé de 63 pages (je ne compte pas la postface qui, elle, serait lisible sans prérequisites de connaissance plus ou moins approfondie du milieu) change ainsi de catégorie et se retrouve limité aux seuls geeks déjà connaisseurs.

Parce que les 16 nouvelles de l’un ou l’autre (ou inclusif) auteur sont une excellente anthologie d’œuvres jusque là dispersées dans autant de volumes ou revues différent(e)s et que cette variété de thèmes plus ou moins nouveaux, mais toujours traités d’une manière intéressante et quelquefois surprenante, auraient très bien pu servir d’introduction pour un lecteur nouveau, pas encore initié au genre, et ignorant des private jokes fournies en guise de préfaces. Moi j’ai ri ; mais j’ai quand même 40 années de lecture de SF et de private jokes dans mes bagages, non compris une participation décennale au « milieu »-ghetto SF… Je crains que trop de non-habitués soient convaincus, avant même d’avoir fini le parcours des préfaces, que la littérature d’imagination n’est, seulement, qu’un jeu de gamins rigolards.

Ce que ne sont pas les nouvelles qui suivent, sauf exception (la dernière nouvelle, du duo, Pas de pitié pour les pachas, mérite le qualificatif).

D’autres nouvelles sont des chefs-d’œuvre variés :
Le mur (duo), est presque un classique, malgré tout revisité de façon originale.
Un choix réfléchi (Sylvie) est un jeu de mots sur « réfléchi », qui me rappelle un des aphorismes du film Orphée de Cocteau (vous voyez lequel ?)…
Martha (Philippe) est toute en non-dits. Mais ce qu’elle suggère est tellement réussi…
Le survivant (duo) : quand le Diable sponsorise un chanteur de blues.
L’ombre (Sylvie) présente une variante martienne d’une maladie de laquelle on parle peu, la myopathie.
Les chemins de l’esprit (Philippe) nous prouve qu’un condamné à une trop longue peine ne sort jamais de prison.
Un futur inimitable (duo) est le premier fromage-opera de la SF, très jolie parodie de la Guerre des mondes
Ventres d’airain (Sylvie), issu de l’anthologie (Pro) Créations, nous montre une possibilité affreuse d’un Meilleur des mondes gattaquien.
Le fils de l’eau (Philippe) est un très joli conte fantastique sur la magie de l’eau dans les pays méditerranéens…
Mau (duo) est une très jolie rencontre entre un éleveur de chats ruinés et les chats sacrés égyptiens. Ce texte restera mon préféré…
Prorata temporis (Philippe) imagine un vendeur de temps qui, sous couvert de fournir aux gens pressés le temps qui leur manque, (spoiler censuré).
Tout s’achète et se vend (Sylvie) caricature un monde où tout est tarifé, depuis le moindre sourire.
After midnight (duo) imagine la fin du monde à la fin du XX° siècle, mais n’est-ce pas, seulement, la mort de la narratrice, comme chez Pierre Véry (Tout doit disparaître le 5 mai) ?
Lettre d’un futur amer (Sylvie) imagine le monde qu’aurait pu amener une victoire de Le Pen au 2° tour de 2002.
Pas de pitié pour les pachas(duo) nous ramène en Égypte pour une parodie de récit policier à la Faucon Maltais dans une uchronie où les dieux (de toutes les religions) cohabitent avec les hommes.

Pour conclure : un livre intéressant pour tous, mais je recommande à ceux qui ne passent pas leurs journées dans les conventions et rencontres fandomiques de sauter directement à la première nouvelle en ignorant, ou en gardant pour les déguster ensuite une à une, les préfaces.

L’avis de Freddy

Écrits seuls ou en duo, ce florilège de nouvelles a de quoi en fasciner plus d’un.

Sylvie Miller et Philippe Ward nous font faire un tour d’horizon de leurs talents avec ces 16 histoires tout aussi passionnantes les unes que les autres. Tantôt on sourit devant une situation qui se veut burlesque. Tantôt on est saisi par un scénario aux multiples rebondissements. Et tantôt, on sourit, mais cette fois jaune, par une vision cynique de notre société.

Mais avant de vous plonger dans ces 16 récits, vous devrez tout d’abord vous affranchir des presque 70 pages de préface écrites par pas moins de 113 préfaciers. Intéressant, mais pas réellement nécessaire. J’aurais préféré une ou deux nouvelles de plus.

Autant de monde et d’univers parallèles visités en si peu de temps méritent tout notre respect et le prix Graham Masterton 2008 du recueil de nouvelles est amplement justifié.

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Sylvie Miller et Philippe Ward, Noir Duo, illustr. Guillermo Vidal, 298 p., Rivière Blanche n°2040

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