Lignes de vie

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Je vais avoir du mal à parler  de ce roman, paradoxalement parce que c’est un coup de cœur. Le genre de lecture qui, une fois le livre fermé, résonne  longtemps en nous et qui, lorsqu’on le rouvre, nous fait redécouvrir à quel point nous avions raison de l’aimer.

Alors que dire, sinon que je ne connaissais pas Graham Joyce et que donc, ce fut une révélation ? Tout est juste, dans ce livre. Chaque mot, chaque phrase, chaque émotion sont rendus avec vérité et simplicité. Il n’y a pas de chichis, pas d’effets de style, mais une plume absolument sincère et juste.

La traduction de Mélanie Fazi est sans doute pour beaucoup dans  le fait que j’aie pu, en lisant en français, éprouver cette émotion-là, ce pur plaisir de voir chaque mot à sa place, comme il faut, exactement comme peut l’être une note de musique dans une partition qui fait jouer plusieurs instruments.

Car il n’y a pas que les mots, il y a les personnages, si attachants. Les dialogues, si parfaitement vivants. Et des fils d’intrigue qui nous mènent tous au point d’orgue de la fin sans rien raconter de superflu ni rien oublier. Bref, pour moi, ce livre est parfait.

Bon et l’histoire, alors ?

Coventry, au lendemain de la guerre. La ville se réveille meurtrie, défigurée, mais dans ce creuset de cendres, les forces vives qui feront le visage de l’Angleterre de demain sont déjà à l’œuvre. Ces forces, elles sont portées par des femmes. Parmi elles, Martha, la matriarche qui couve d’un amour protecteur ses sept filles ; Beatie, qui après avoir vissé des rivets en usine va étudier à Oxford ; Evelyn et Ina, les jumelles vieilles filles qui font tourner les tables… Et la jeune Cassie, bien sûr, dont la folie visionnaire trouve son paroxysme dans la grande scène du bombardement de Coventry.

Et les hommes ? Les hommes n’ont pas été oubliés, mais la guerre les a pris et rares sont ceux qu’elle a rendus sans les avoir brisés. Pas besoin de superlatifs pour dire l’horreur, il suffit de voir le mari qui revient en permission de Dunkerque dans son uniforme crasseux pour comprendre.

Tous ces personnages sont vrais et l’auteur a le talent de savoir les faire vire avec humour et tendresse, sans jamais tomber dans la caricature, ni dans l’excès. C’est tellement rare !

Je vais terminer en touchant un mot de l’aspect fantastique du roman. Car des fantômes, il y en a dans ce livre. Comment cela pourrait-il ne pas être, dans ce contexte d’après-guerre ? Les morts ne sont jamais loin, qui s’invitent à pas feutrés à lire le journal ou tondre la pelouse. On les voit parfois, on les rêve, ils sont là, à errer, frapper aux portes ou parler aux enfants, mais tout est suggéré,  sur le fil de nos perceptions. Alors quand l’« homme-derrière-la-vitre » chuchote à l’oreille du petit Franck, le fils de Cassie, on se demande ce qu’il va bien pouvoir faire de ce don si particulier. La fin est comme le livre, simple et vraie. Un pur bonheur.

« Lignes de vie » a reçu le World Fantasy Award en 2003, le prix Masterton en 2006 et 2009, ainsi que le Grand Prix de l’Imaginaire.

 

Lignes de Vie de Graham Joyce, traduit par Mélanie Fazi, Folio

 

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