Mutilés (Les)
Fraîchement débarqué de la région parisienne pour Laval , le capitaine de gendarmerie Gabriel Lescasse est appelé sur un crime sordide : la victime a eu le visage massacré à coup de pierre et ses organes génitaux arrachés. Aucune trace ne permet d’aiguiller vers un coupable. L’enquête s’enlise rapidement, les gendarmes n’ayant aucune habitude de ce genre d’homicide. Pendant que Lescasse, en proie aux démons de son passé, subit la pression de son supérieur et du procureur de la République, pressés de voir l’affaire résolue au plus vite, un des hommes du capitaine se souvient soudain d’une affaire assez semblable, survenue quinze ans plus tôt, jamais élucidée et mettant en cause des notables de la ville. Pour Lescasse, les deux affaires sont forcément liées. Mais pourquoi ce laps de temps ? Et comment enquêter sans provoquer de vagues ?
Articulé autour d’une enquête policière d’une équipe de gendarmes de province, Les mutilés est un thriller construit de façon très classique. L’auteure sait dérouler à l’évidence son histoire, sans temps mort, avec une aisance d’écriture qui rend l’ensemble plaisant à lire. Quelques facilités de langage auraient pu être évitées (les chevaux qui chevauchent, le Fangio du volant, la blondasse…) mais ne nuisent pas dans le déroulement du récit. Tout au plus ai-je trouvé la description de l’équipe de gendarmes un peu caricaturale, en particulier celle de Louanne. Habilement, Gwenn-Aël parvient à déplacer le corps de son récit, d’une enquête banale même si le crime est sordide, à un « cold-case » survenu quinze ans plus tôt, et que tout le monde s’efforce d’étouffer parce qu’il nuirait à la réputation d’une honorable famille. À mon sens, c’est là que le roman prend vraiment son envol. La description d’Emelyne et de sa mère, la veuve Cazeaux, est les plus réussies, ainsi que toute la partie retraçant leur passé. L’auteure ayant écrit plusieurs romans fantastiques, on sent immédiatement la facilité avec laquelle elle développe la seconde partie pour y ajouter justement cette petite pointe de surnaturel qui change la donne sans l’alourdir. Le dénouement final s’en trouve ainsi particulièrement réussi et gomme les petites faiblesses du début.
J’ai pris un réel plaisir à lire Les mutilés, et je me suis presque surpris à plusieurs reprises à vouloir sauter des pages pour arriver encore plus vite au dénouement, dénouement qui m’a rassuré, parce que, si je soupçonnais certaines choses, je ne l’avais pas complètement vu venir. C’est là aussi la malignité de l’auteure de distiller des informations de façon régulière pour maintenir son lecteur en haleine, quitte à le dérouter à plusieurs moments en refermant une piste aussitôt ouverte pour mieux rebondir par la suite.
Je remercie les éditions Evidence pour leur confiance, pour m’avoir confié ce roman à la lecture.
Les mutilés - Gwenn-Aël, Evidence Editions, version epub, 2019