LOUBIERE Sophie 01

Auteur / Scénariste: 

Sophie Loubière est à la fois une femme de plume et une femme de paroles : elle a une longue carrière dans un domaine que j’affectionne beaucoup (après 3 ans dedans) : l’animation radio.

Française, née en 1966 en Lorraine, Sophie Loubière est une femme de passions : la langue française (comme ses études, ses écrits) comme les arts en général (ses émissions radio ont traité de cinéma, de polars, de musique, de dramatiques radiophoniques). Elle a choisi d’écrire à temps plein depuis 2010.

Mais de là à dire que ce sont les journaux parlés qui lui ont inspiré des idées de thriller, il y a un pas que je ne franchirai pas et pour lequel la réponse est dans l’interview.

« L’enfant aux cailloux » est un récit à la fois tendre et/ou terrifiant… Enfance maltraitée, mort prématurée, état psychiatrique détérioré, système de protection de l’enfance lacunaire, relations difficiles entre les générations, rêve éveillé ou cauchemar vécu…

Une courte interview pour découvrir l’auteure derrière les mots.

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L’héroïne est une ex-institutrice, perturbée, Elsa Préau. Déjà son nom est un peu prédestiné mais avez-vous eu un exemple de pareille personnalité dans votre entourage ?

Préau est le nom de famille de ma grand-mère maternelle. Sans doute est-ce une sorte d’hommage à ces mères et grands-mères au fort caractère, redoutablement intelligentes et bonnes cuisinières qui auront transmis de fille en fille des valeurs mais aussi distillé une sorte de mésestime de soi par opposition à un surinvestissement affectif du fils, répandant dans leurs veines comme un poison. Cela donne des filles persuadées qu’elles sont vouées à l’échec, que les dons reçus ne sont que vacuité et toute leur vie, elles seront en porte-à-faux avec les hommes, préférant se passer d’un mari plutôt que de se voir sans cesse rappeler cette image. Inversement, cela donne des hommes écrasés sous le poids d’une attente maternelle trop pesante dont ils feront inconsciemment payer la faute aux femmes. C’est un schéma qui, fort heureusement, à tendance à disparaître aujourd’hui. Quant à la personnalité d’Elsa Préau, je dirais que toute famille a son fou, si l’on cherche bien. Et ce fou, par son attitude, son fonctionnement au sein de la famille accuse, dénonce toujours une vérité enfouie dans un passé commun. La famille est certes souvent synonyme d’amour et de solidarité, mais aussi, parfois, associée à l’abandon et à la souffrance. Ma famille n’échappe pas à cette règle.


©Melania Avanzato, Fleuves Editions

Pourquoi choisir de décrire les états les plus extrêmes de la fragilité de l’humain ?

Ma mère, à laquelle le roman est dédié, a été éducatrice et connaît bien les problématiques de familles en difficultés (maltraitances, parents dépendants à l’alcool, déscolarisation, précarisation, violences conjugales…). J’ai grandi au récit de ses journées et des cas qu’elle ne manquait pas d’évoquer le soir au dîner, une façon pour elle de se décharger des rudesses de son métier. J’ai donc à la fois un discernement sur le genre de drame social évoqué dans le roman mais aussi une capacité à mettre en distance les choses. Il est utile d’interroger le monde qui nous entoure, de dénoncer des comportements abjects. Certains auteurs s’intéressent à la politique, je suis pour ma part plus concerné par le drame social et plus particulièrement à la place que notre société donne à l’enfant. La comtesse de Ségur, que j’ai beaucoup lue étant petite, le faisait aussi à sa façon.

Votre plume est assez visuelle, méthodique et descriptive. Est-ce un contrepied aux années où l’image était absente de votre communication ?

Je ne pense pas. La radio s’est imposée à moi comme une activité ludique dès l’âge de 16 ans, une échappatoire à la sortie du lycée, une manière de ne pas être chez moi à tourner en rond, de communiquer avec autrui, de partager mes passions pour la musique, le cinéma, de vivre intensément… Je suis une enfant de l’image, née avec la télévision dans le salon, nourrie de films en noir et blancs et séries TV, de sorties au ciné, théâtre, musée… J’ai toujours beaucoup peint et dessiné. L’image est omniprésente dans ma façon d’écrire et de dire. Et mes émissions de radio ont probablement été particulièrement « génératrices » d’images, tant j’y soufflais en fantaisie et en émotion des plans sonores divers (extraits de films, lectures, ambiances sonores, plages musicales, interviews…). L’habillage de Dernier parking avant la plage et Parking de nuit (émissions diffusées sur France Inter, 2000-2010), par exemple, était écrit pour un comédien (François Morel, Vincent Grass) comme une partition dont je jouais des extraits suivant l’humeur du jour. Et l’auditeur s’imaginait dans le décor virtuel d’un parking souterrain, en compagnie d’un gardien de parking bourru et poète… J’ai toujours eu ce souci du détail, qu’il s’agisse de décrire une scène dans un roman ou de mixer un texte dramatique, qui cache un manque de confiance en moi.

Une adaptation télé (ou ciné) vous semble adéquate ou l’imagination autour des mots sans représentation donne une force au récit ?

Lisez Rebecca de Daphnée Du Maurier et voyez l’adaptation qu’Hitchcock a faite du roman. Les deux font une œuvre unique et magnifique. Il en va de même pour Le faucon maltais de Dashiell Hammett adapté par John Huston et de bien d’autres films adaptés d’un livre. Que serait le cinéma sans la littérature ?


Quels projets ?

Un roman à paraître bientôt chez Fleuve Editions, Division 13. White coffee, la suite de Black coffee est actuellement sur mon bureau (j’ai fait une petite pause pour répondre à vos questions -). Je travaille également sur un projet de série policière pour la télévision, une idée originale qui, je l’espère, verra bientôt le jour.

Merci et la critique de « L’enfant aux cailloux » est ici

Merci à vous, vos questions sont originales et c’est un plaisir d’y répondre.

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