LORUSSO Adriana 01

Auteur / Scénariste: 


Dis-nous quelque chose à ton propos ? Qui es-tu ?

Je suis une travailleuse migrante de luxe. J’ai étudié les langues en Italie, pour découvrir qu’il n’y avait pas de débouchés, à part les travaux saisonniers : trois mois ici, deux mois là. J’ai envoyé des C.V. partout et, bizarrement, la première réponse était celle de la Commission Européenne qui était à la recherche désespérée d’interprètes simultanés. C’était si difficile d’en trouver, à l’époque, qu’ils étaient disposés à les former. J’ai travaillé comme interprète simultanée pendant cinq ans. Après quoi, j’en ai eu marre de passer mes soirées sans jamais savoir à quelle heure je terminerai. Et le jour où j’ai commencé à neuf heures du matin et terminé à trois heures du matin suivant, j’ai changé de travail, devenant traductrice.

Et tu es à Bruxelles depuis quand ?

Depuis plus de 30 ans.

Donc, tu as étudié en Italie ?

Oui.

Et maintenant, tu as fini ta carrière à ce niveau-là ?

J’ai arrêté de travailler, mais je reste ici, essentiellement parce que ça me plaît bien.

Tu as l’habitude ?

Bon, le climat n’est pas exactement celui dont on rêve, mais il y a d’autres aspects très positifs. Bruxelles est une grande petite ville : elle a les avantages d’une grande ville sans être aussi fatigante que peuvent l’être Paris ou Tokyo. Des endroits magnifiques, mais on est éreinté après s’y être baladé pendant une demi-journée. Et puis, les Belges sont plutôt sympathiques. Ce sont des gens assez « faciles », je veux dire coulants. L’Italie, j’aime bien aussi, c’est mon pays d’origine, mais je trouve les gens un peu trop axés sur l’apparence : il faut être à la dernière mode, il faut rentrer dans un certain moule. Les Belges s’en foutent. Votre tête leur revient, elle leur revient. Vous pouvez être habillé comme l’as de pique si ça vous chante.

À quel âge as-tu commencé à écrire ?

En fait, quand j’étais enfant ; j’ai même publié une nouvelle en italien, il y a très longtemps de ça. Mais j’ai arrêté dès que j’ai commencé à travailler, je ne sais pas exactement pourquoi. Je suppose que le fait d’utiliser le langage pour exposer les idées de quelqu’un d’autre, des idées que je ne partageais pas nécessairement, m’a paralysé pour écrire.

Et ta nouvelle a été publiée en Italie ?

Oui.

Et depuis, tu n’as plus rien écrit ?

Absolument rien.

Comment écris-tu ? Est-ce une profession pour toi ? Quelles sont tes autres passions ?

Eh bien pour le moment, à part écrire, je ne fais pas grand-chose d’autre que promener le chien. Écrire n’est pas une profession, toutefois j’y passe pas mal de temps : au minimum deux heures chaque matin.

Et pourquoi l’écriture ?

C’est venu tout seul ; je ne peux pas l’expliquer. Tout à coup, j’avais cette histoire en tête, et elle voulait sortir. Je m’endormais avec cette histoire et je me réveillais avec elle. J’ai commencé à l’écrire pour la concrétiser, pour voir de quoi ça avait l’air si on mettait le tout ensemble. Je suis partie d’une scène qui est devenue le deuxième chapitre du roman, avec une rencontre entre quatre personnages. J’ignorais la suite, mais j’avais envie de voir ce qu’ils feraient. J’écris sans aucune structure : les personnages font ce qu’ils veulent. Ce n’est pas une méthode très professionnelle, mais enfin, c’est la mienne.

Et pourquoi la science-fiction ? Tu en lisais déjà avant ?

J’aime beaucoup la S.F. Bien sûr, j’en lisais déjà avant. Cela a commencé d’une façon complètement absurde. Je suis une lectrice boulimique et j’étais inscrite à une bibliothèque parce qu’à l’époque, quand c’étaient des petits bouquins, j’en avalais un par jour. Impensable de les acheter tous ! Mais la science-fiction manquait dans les rayons. Quand j’ai demandé pourquoi, on m’a répondu que personne ne lisait cela. Que c’était juste « un truc pour adolescents ». Or, moi j’en avais lu quelques livres, pas énormément, mais parmi ceux-là il y en avait au moins un extrêmement bon. Le titre était « Les dépossédés », d’Ursula Le Guin. Et il ne me semblait pas du tout destiné uniquement aux adolescents ! J’ai essayé d’argumenter, mais ils m’ont dit « Niet : la science-fiction, ça n’intéresse personne ! ». Alors, j’ai commencé à en acheter.

Comme je pouvais emprunter à la bibliothèque tous les autres genres, j’ai fini par avoir une bibliothèque personnelle composée uniquement de science-fiction. Un millier de bouquins ; de fil en aiguille, c’est devenu une passion. Bien sûr, il y a des auteurs ou des oeuvres que je n’aime pas, mais je trouve qu’il y a une grande liberté d’esprit dans la science-fiction. Et surtout, surtout, il manque dans la science-fiction cette attitude que depuis quelques années caractérise la littérature européenne blanchée : le nombrilisme. Trop d’auteurs ne disent que : « Regardez-moi, regardez comme je suis intéressant, regardez comme je souffre. Oh ! comme je souffre. Et ma souffrance est tellement intéressante. Je vais vous l’expliquer par le menu ».

J’aime une histoire bien racontée, une histoire qui ne me donne pas envie de planter là le livre pour aller dormir. Et des pareilles histoires j’en trouve souvent en S.F.

Premier roman, prix Bob Morane du meilleur roman francophone. N’est-ce pas merveilleux ?

Oui ! C’est absolument merveilleux. Déjà je n’en revenais pas d’être édité. J’aurais écrit même si je n’étais pas éditée : je le fais parce que j’aime. La preuve ? J’avais terminé deux romans avant d’avoir un éditeur. Mais le fait de pouvoir partager, de pouvoir parler avec des gens qui vous disent : « ah oui, ce personnage-là, j’ai aimé » c’est un plaisir inouï.

Pourquoi avoir choisi un Planet opéra comme thème ?

Je ne savais même pas que ce sous-genre existait. J’avais une histoire et je voulais la raconter.

C’est ce que tu préférais quand tu lisais ? Est-ce que tu as lu beaucoup de science-fiction avant d’en écrire ?

J’ai toujours lu un peu de tout, mais le pourcentage de S.F. est allé augmentant depuis plusieurs années.

En lisant ton livre, on ne peut s’empêcher de le rapprocher des livres de Jack Vance ou Ursula le Guin, mais aussi Nancy Kress, ce sont des auteurs que tu apprécies ?

Nancy Kress ? Je ne connais pas. Je vais noter le nom et combler la lacune. Jack Vance et surtout Ursula Le Guin sont deux auteurs que j’admire.

Et les auteurs français dans tout ça ?

J’ai découvert récemment les auteurs français. J’avais un préjugé contre eux, fondé sur la littérature blanche actuelle. Mon libraire a énormément insisté pour me faire acheter mon premier Bordage - qui a été une vraie découverte. Après quoi, quand j’ai connu Jean-Claude Dunyach, j’ai voulu lire quelque chose de lui et je suis tombé par terre devant ses récoltes de nouvelles. Certaines sont des vrais bijoux. Ensuite, chaque fois que j’ai fait la connaissance d’un autre écrivain, j’ai souhaité lire ses oeuvres.

Il me semble aussi que tu es fascinée par la société médiévale japonaise...

La réponse est « oui », sauf que je laisserais peut-être « médiévale » de côté. J’ai étudié le japonais et j’ai pratiqué les arts martiaux dans un dojo très traditionnel, qui appliquait strictement la discipline japonaise. J’ai l’impression que encore aujourd’hui les Japonais se conforment aux règles anciennes, dans le sens qu’il s’agit d’une société très hiérarchisée où les rapports interpersonnels vont dans le sens vertical : haut et bas. Je ne dis pas que j’aimerais y vivre, mais c’est intéressant. D’ailleurs, je n’aimerais pas non plus vivre sur ma planète !

Pourquoi pas ?

Parce que je me ferais tuer dans le premier duel.

Ethnologie, complot politique, hard science, mais aussi l’écologie. Es-tu sensible à l’écologie ?

Je suis sensible à l’écologie. Je m’intéresse énormément à la génétique et à la biologie. Dès que j’ai arrêté de travailler, je me suis inscrite à l’université pour un cours de biologie et de génétique. Ce qu’on met dans un bouquin, c’est toujours, quelque part ,un reflet de nous même, de ce qui nous interpelle.

Et pourquoi ça t’intéresse ?

Eh bien, je crois que l’écologie nous concerne tous. Je crains que l’on soit engagé sur une spirale de laquelle on ne va pas sortir. On entend aujourd’hui un double discours. D’un côté, l’écologique : attention, les changements climatiques, les glaciers qui fondent... Mais de l’autre, on nous dit : attention, il y a une crise, il faut qu’on n’achète davantage de voitures. Notre économie a pris il y a longtemps le chemin de la consommation, ou mieux de la surconsommation d’objets souvent inutiles. C’est un cercle vicieux duquel je ne vois pas très bien comment on pourrait sortir. C’est pour ça que je place mes espoirs dans une autre planète. Je ne crois pas que la nôtre ait beaucoup de chances.

La génétique est fascinante parce qu’elle nous a appris à mieux nous connaître. Avant, on avait une idée globale de l’être humain, alors qu’à présent on commence à savoir comment un chromosome peut agir, comment un gène peut intervenir sur des comportements, sur des attitudes, sur un tas d’éléments. C’est clair que pour ce qui est des connaissances en la matière, on a à peine éraflé la pointe de l’iceberg. On peut craindre les dérives de la génétique, mais des dérives il y en a partout. On pourrait arguer que, s’il y a aujourd’hui des incendies criminels, la faute en incombe au premier être humain qui a allumé un feu. Mais sans lui, on serait encore en train de manger de la viande crue et nous n’aurions jamais eu de torches pour nous éclairer.

Et tu es optimiste quant à l’avenir ?

Non, pas trop. Mais on ne sait jamais, on peut espérer que les choses changent. Parfois je me dis qu’une grave crise serait sans doute un moment horrible à vivre, mais qu’elle pourrait avoir un résultat salutaire pour le futur.

Dans ton livre, deux civilisations se côtoient et s’opposent. Penses-tu que les peuples, en général, sont faits pour vivre ensemble ?

Eh bien, a priori non. Dans l’histoire de l’humanité, chaque fois qu’une civilisation techniquement plus avancée en a rencontré une autre, elle l’a laminée. C’est arrivé dans les Amériques, c’est arrivé en Afrique, c’est arrivé en Australie. Même s’agissant de deux peuples dont la technologie est au même niveau, vivre ensemble peut se révéler très difficile. Mais je crois que l’on peut y arriver. Je suis certaine qu’on y arrive déjà mieux que dans le temps, parce que depuis des années la jeunesse voyage, et pas juste pour aller s’asseoir sur une plage. Et dès que l’on connaît l’autre, on découvre qu’il est nettement moins abominable qu’il n’en avait l’air.

J’ai connu quelqu’un de plutôt raciste, style « les Arabes, beurk ! ». Et voilà qu’on lui a présenté un Arabe sympa. La réaction a été : « Bon, oui, mais celui-là, il est différent ».

De plus, c’est très pratique de faire des étrangers les boucs émissaires de tout ce qui ne fonctionne pas. On a déjà connu ça dans notre histoire ! Ce sont les discours que tenait Hitler dans l’Allemagne nazie. « La situation économique est désastreuse ? C’est la faute aux juifs » . Aujourd’hui, c’est la faute aux Arabes. Ou aux Albanais, aux Roumains... on a le choix.

J’ai un rêve : que les travailleurs migrants partent tous le même jour pour une autre planète. Et qu’ils laissent tous ces braves gens sur terre, pour faire les travaux dégoûtants, les travaux sales, les travaux que personne n’a envie de faire.


Tu te sens plus proche des Shiro ou des Asix ?

Des Asix. Je préfère leur caractère, qui ressemble un peu à celui des chiens. Je connais bien les chiens, j’a toujours eu des bergers allemands. Vous pouvez être jeune ou vieux, beau ou moche, intelligent ou bête, et même puer du bec, un chien se dit « Je l’aime, je vais le protéger, je vais faire tout pour lui ». Les Asix sont comme ça.

Comme les bergers allemands.

Les Asix ont un gène canin ; je le dis dans Ta-Shima, mais juste en passant. Si Bragelonne publie mon troisième roman (je ne le sais pas encore), qui a pour titre « Les fondateurs de Ta-Shima », on pourra découvrir comment ont été créés les Asix.

Il y a quelques mois, une suite de Ta-Shima est paru, « L’exilé de Ta-Shima ». Peux-tu nous dire quelques mots ?

Le roman commence où « Ta-Shima » s’arrête. J’avais voulu donner une fin à « Ta-Shima » ; elle n’était peut-être pas tout à fait satisfaisante, mais je n’aime pas les séries où un tome abandonne les lecteurs en train de se demander ce qu’advient un personnage dans une situation impossible. Donc, il y a une fin, du moins pour ce qui concerne le personnage principal. Pour « L’Exilé », j’ai pris un autre protagoniste, un homme. (J’attends maintenant qu’un lecteur me dise si j’ai bien décrit le caractère masculin !). La protagoniste de Ta-Shima y apparaît aussi, mais elle ne joue qu’un rôle secondaire.

Un très long chapitre est dédié à mon personnage préféré, le maître d’escrime asix. Un de mes lecteurs, de profession dessinateur, m’en a offert un magnifique portrait, que je compte photocopier pour l’amener à un salon du livre, voire à un festival.

Et normalement, il y a un troisième tome qui est écrit. Est-ce qu’il va paraître ? Quand ?

Je l’ai remis à Bragelonne. Jean-Claude Dunyach en a lu une partie et jusque-là, ça lui plaisait bien. Entre-temps il a dû interrompre pour s’occuper d’autre chose, donc j’ignore s’il va être publié. J’ai eu la chance d’avoir deux lecteurs bêta formidables (c’est la première fois que j’en ai) : Élisabeth Vonarburg et Jeanne-A Debats. Le tire est « Les fondateurs de Ta-Shima ». L’histoire se passe huit cent ans avant celle de « Ta-Shima », raconte l’arrivée des colons sur la planète, les raison qui les ont conduits à s’y établir et décrit comment ils ont affronté une nature hostile. On peut aussi y découvrir de quelle façon a été créée la race asix et comment les Shiro sont devenus ce qu’ils sont.

Tu es d’origine italienne et traductrice de formation je crois ; écris-tu directement en français ?

J’ai écrit « Ta-Shima » en italien et une amie l’a traduit. Quant à « L’exilé de Ta-Shima », je l’ai écrit en italien, puis j’en ai traduit moi-même la moitié. Mon amie l’a révisé, mais elle a trouvé qu’elle préférait traduire directement le reste. Le troisième roman c’était un camaïeu : deux phrases en français suivies par cinq en italien. Les nouvelles, par contre, je les écris en français. Mais je les fais toujours réviser par une Française. On a beau s’imaginer que l’on connaît bien une langue, quand on parle ça va, quand on écrit c’est autre chose.

Donc, c’est une gymnastique que tu ne parviens pas encore à maîtriser ?

Si, mais j’ai besoin d’une révision. Il m’arrive de faire des fautes, surtout sur le niveau du vocabulaire. C’est une grosse difficulté quand on a appris une langue à l’âge adulte. Par exemple, ma copine-réviseuse m’a fait remarquer que les Asix, en parlant, utiliseraient plutôt « ça » que « cela », « cela » étant d’un niveau trop élevé.

Pour ce début dans le monde littéraire, tu es publiée par une maison d’édition jeune et dynamique. Comment es-tu entrée en contact avec eux ?

J’ai demandé à mon libraire quelle maison d’édition serait susceptible de publier un auteur inconnu. Il m’en a cité trois, dont Bragelonne. Mais le site de Bragelonne, que j’ai consulté, ne souhaitait pas pour le moment de manuscrits non sollicités.

Mon ami libraire, qui avait lu le roman, m’a dit : « Attends, ce n’est pas possible. Je suis sûr que chez Bragelonne, ils vont aimer ton bouquin ; quelqu’un de cette maison d’édition doit passer ici dans les prochains jours. Laisse-moi ta photocopie, je vais la lui passer, si tu le permets ».

Bien sûr que je le permettais ! Et en effet ça leur a plu : ils m’ont manifesté leur intérêt déjà une semaine plus tard.

C’est rapide.

Et bien il est arrivé que Jean-Claude Dunyach était de passage à Bruxelles et qu’il n’avait rien d’urgent à lire. Donc, il a commencé et, à ce qu’il paraît, il a continué jusqu’à deux heures du matin. Quand il a décidé de me publier, il m’a fait retravailler. Il m’a fait remarquer des points à améliorer. Il s’agissait en règle général de détails, mais pris tous ensemble les détails font la différence. J.C. a le goût du travail bien fait !

Comment as-tu travaillé avec Jean-Claude Dunyach, directeur littéraire chez Bragelonne ?

La plupart des remarques qu’il m’a faites étaient de style. Par exemple, il m’a fait observer que j’exagérais à utiliser la conjonction « et », genre « Il a fait ça et il a fait ça ».

« Ça ne va pas, m’a-t-il expliqué. Ça rend le texte trop lourd. Si tu mets « Il a fait ça et puis il a fait ça » la phrase coule beaucoup mieux. » Il m’a aussi fait encore remarquer que j’employais trop de « peut-être ». Or en tant qu’auteur je dois savoir que les choses sont comme ça ou comme ci ! C’est éventuellement au lecteur de se demander si « peut-être » elles sont comme ça.

J’ai fait un contrôle avec « édition-rechercher » et j’ai trouvé 83 « peut-être ». Oups ! Il y en avait de trop. Donc, je les ai réduits. Il m’a conseillé en outre de faire des phrases plus courtes parce que le français ne tolère pas des phrases aussi longues que l’italien.

Voilà pour le volet « style ». Il m’a aussi appris quelque chose quant à la structure. J’avais parlé des chiens de Ta-Shima (des animaux transgéniques), une première fois au début et une deuxième fois à la fin du roman. Il m’a expliqué : « Ça ne va pas. La plupart des lecteurs auront oublié de quoi il s’agit. Donc, tu mets un petit épisodechiens au milieu ».

C’est l’essentiel des changements, mais juste avant la publication, on a rediscuté le texte pendant trois heures, page par page. Je peux t’assurer qu’il a l’œil !


Quel est ton auteur d’Imaginaire préféré ?

Je n’ai pas réellement d’auteur préféré. J’ai des romans préférés, parce que même mon auteur préféré a écrit parfois deux ou trois nouvelles que j’aime moyennement. Parmi les modernes, je dirais Karen Traviss. Et parmi les classiques, à part Asimov, (mais lui, c’était le must de tout le monde à l’époque) il y a Silverberg. Aussi bien le Silverberg de « Les Monades urbaines » que le Silverberg des romans d’aventures comme « Le Château de Lord Valentin ». Et puis Jack Vance, Ursula Le Guin, Mc Avoy. Cette dernière a été très peu traduite en français. C’est une Indienne d’Amérique qui a écrit un roman du titre « Le troisième aigle », dont le protagoniste est un descendant des Sioux. Absolument génial.

Et quel est ton roman d’imaginaire préféré ? Si tu devais en sortir qu’un ?

Ça, c’est une colle. Je ne sais pas. Mon préféré ? Je ne sais vraiment pas. Il y en a trop !

Ton roman dont tu te souviens le mieux alors ?

C’est celui que j’ai lu la semaine passée. Mais je ne pourrais pas dire que c’est mon préféré. En y réfléchissant, je pourrais citer l’ensemble de la production S.F. de Le Guin : « Le nom du monde est forêt », « La main gauche de la nuit »... Chacun de ses romans est un chef-d’oeuvre.

Il y a aussi son cycle de Terremer, entre le fantastique et le fantasy. De très, très bons romans, mais j’accroche moins. En général, j’accroche moins aux histoires des magiciens.

Quel est ton roman hors imaginaire préféré ?

« Le Maître et Marguerite », de Boulgakov. Mais je triche : il n’est pas casé dans la catégorie imaginaire seulement parce qu’à chaque fois qu’un roman est un chef-d’œuvre, on se hâte de le classer ailleurs.

Et quel est ton film imaginaire préféré ?

Zut ! J’ai oublié le titre. Peut-être tu peux m’aider. La police découvrait l’intention de commettre un meurtre.

« Minority Report » c’est ça ?

Oui c’est ça.

Et quel est ton film hors imaginaire préféré ?

« L’armata Brancaleone ».

C’est un film italien des années 70 qui ne peut pas avoir du succès à l’étranger, parce que l’usage du langage est essentiel. L’histoire se passe au Moyen Âge. C’est extrêmement drôle : le film se fiche des croisades, de la religion et de tout et de tous.

Quel livre d’un autre auteur aurais-tu aimé avoir écrit, soit parce que tu es jalouse de ne pas avoir eu l’idée la première, soit parce que tu aurais traité d’idée d’une autre manière ?

Et bien en fait, il y a pas mal de livres d’autres auteurs que j’aurais aimé avoir écrits car je les trouve sublimes. Je ne suis pas jalouse, ou du moins je ne crois pas, à moins qu’on considère l’admiration une forme de jalousie ; mais je n’aime pas le terme « jaloux ».

Que j’aurais traité autrement ? Eh bien, peut-être « Pandora », de Hamilton. J’aimerais bien faire là-dessus mon Jean-Claude Dunyach. Dire ; « Non, ça vous le supprimez. Ça alourdit votre texte. Le roman est absolument brillant, mais pourquoi m’avoir ajouté cet épisode ? ».

« Partie de chasse », de Moon. C’est une bonne histoire, mais pourquoi, pourquoi à la fin l’auteur tient à mettre tous les personnages en couple, comme dans le derniers des petits romans à la guimauve ? Biffer les deux dernières pages apporterait, à mon avis, un plus certain à l’œuvre..

Quel est l’élément déclencheur qui fait naître tel ou tel roman, tel ou tel thématique... Ainsi, Jonathan Littell à une l’idée des « Bienveillantes » en voyant la photo d’une jeune Russe martyrisée pendant la dernière guerre. As-tu des éléments déclencheur, des faits, des objets... Une oeuvre d’art ?

Je me suis réveillée un matin avec une idée de trois personnes qui arrivaient dans un parloir. Et je ne me rappelais plus à quoi cela correspondait. C’était juste ce qui restait d’un rêve. Ta-Shima est né de cette façon. Pour le reste, je parts toujours d’une image. Pour mon deuxième roman, il s’agit d’une scène qui se trouve au milieu, que j’avais trouvé très amusante (pour ceux qui l’ont lu : le dépucelage d’Aesel). Après quoi j’ai construit tout autour pour y arriver.

Quels sont les derniers livres que tu as lus et que tu recommanderais ?

Le tout dernier est « Le fléau de Chalion », de McMaster Bujold. Je connaissais ses romans de S.F. mais je viens de la découvrir en tant qu’auteur de fantasy..

Qu’est-ce qui t’énerve ?

Très peu de choses. J’ai un mari qui, lui, s’énerve parce qu’il trouve que je ne m’énerve pas ! Il rouspète parce que ce n’est pas satisfaisant de se disputer avec moi.

Qu’est-ce qui m’énerve ? Le vandalisme parce que je le trouve complètement stupide. Les gestes de cruauté parce que je les trouve méchants et stupides. C’est à peu près tout.

Quel est le don que tu regrettes de ne pas avoir ?

L’oreille musicale. Pour moi la musique n’existe pas.

Ah bon ! Pourquoi ça ? Tu n’écoutes jamais de musique ?

Non. Je n’entends pas les tons. Donc, je ne regrette rien parce que je ne sais tout simplement pas ce que c’est. Apparemment, ça plaît à beaucoup de monde, mais allez donc expliquer à un daltonien qu’est-ce que c’est beau le rouge.

Quel est ton rêve de bonheur ?

Eh bien, je n’en ai pas vraiment. Ma vie me plaît comme elle est.

Par quoi es-tu fascinée ?

Par la nature. Par l’intelligence. Par les découvertes scientifiques. Je crois que j’ai fait le tour.

Si tu en as, quels sont tes héros dans la vie réelle ?

Des personnages historiques ?

Oui. Vivant maintenant. Si tu en as.

Pas un personnage en particulier, mais, par exemple, les gens qui travaillent pour Médecins sans frontières, en courant des risques énormes.

Si tu rencontrais le génie de la lampe, quels voeux formulerais-tu ?

Rentre dans ta lampe.

Ça, c’est le premier.

Je crois qu’avec les désirs, les souhaits, le pire qui peut vous arriver c’est qu’on les réalise.

Laissons de côté toutes ces choses très politiquement correctes, style la paix dans le monde... Ça, c’est du bla-bla. Je suis convaincue que les gens qui les demandent, veulent en réalité juste une nouvelle voiture...

Cite-nous cinq choses qui te plaisent. Tout confondu. Ça peut être de la nourriture, ça peut être des pays. N’importe quoi.

Les épinards. Le Japon. Les oeuvres de Léonard de Vinci. (les épinards je les ai mis en premier. Je dois avoir un fonds très terre-terre). Les chiens. Difficile de choisir le cinquième, il y en a beaucoup trop. Mais oui ! Les livres.

Et cinq choses qui te déplaisent ?

Les séries télévisées. La musique trop forte. (En restant dans le superficiel. Évidemment, je ne vais pas citer les guerres, etc. ça c’est l’évidence même). Les manteaux de fourrure. La viande. Les gens qui exploitent l’écologie pour en faire un mouvement politique à la noix. (Je ne parle pas pour tous les écolos, juste pour certains !) Et aussi les éditeurs italiens.

Pourquoi les éditeurs italiens ?

Parce que j’ai essayé de me faire éditer en Italie. J’ai envoyé mon roman aux éditeurs qui risquaient d’être intéressés. Certains ne m’ont pas répondu du tout. Or, je trouve qu’un e-mail qui dit : ça ne m’intéresse pas, c’est la moindre des politesses. Comme ça on n’y pense plus et on cherche ailleurs.

Il y en a un qui m’a répondu et j’ai trouvé qu’il manquait de professionnalisme à un niveau incroyable. Il m’a dit : c’est un livre pour enfants.

Tu as envoyé « Ta-Shima » ?

Oui. Un livre pour enfants ! À mon premier salon, j’ai eu des jeunes de 12 ans qui voulaient me l’acheter. J’ai refusé ; je trouvais que ce n’était pas un livre pour enfants.

De plus, se fondant sur un résumé d’une page, cet éditeur a décidé que ce n’était pas un texte structuré. Je ne lui en veux pas d’avoir refusé, mais du commentaire. Les éditeurs français se conduisent poliment, alors que les éditeurs italiens dont j’ai fait l’expérience avaient l’air de se prendre pour Jules César.

Dernière question. Quels sont tes projets ?

J’écris un autre roman.

Qui n’a rien à voir avec « Ta-Shima » ?

Il se passe dans le même univers, mais sur un autre monde. Il s’agit de la planète capitale de la Fédération. L’histoire est celle des pouvoirs abusifs d’ une religion.

Et des nouvelles ?

J’en ai tout plein. Mais il n’y a pas de marché, je crois. Une a été publiée dans « Lunatique », qui me l’avait demandée. Sinon, je ne les ai jamais proposées nulle part.

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