Tehanu

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Cet opus du cycle majeur que constitue « Terremer » (débuté en 1964 par deux nouvelles, et clos en 2001 par « Le Vent d‘ailleurs ») nous replonge dans l’univers médiéval fantastique de ce monde, constitué d’un chapelet d’îles plus ou moins grandes. Initialement publié en 1990, il a servi, de concert avec « L’Ultime Rivage » (1972) de base au scénario du film d’animation réalisé en 2006 par Goro Miyazaki (le fils d’Hayao) : « Les Contes de Terremer ».


Le récit nous emporte sur l’île de Gont, extrêmement bucolique, à la découverte de la vie quotidienne d’une vieille femme du nom de Tenar (surnommée Goha). Jeune veuve, ses enfants éparpillés de par le monde, elle s’occupe seule désormais de la ferme de son feu mari - jusqu’au jour où elle recueille une fillette laissée pour morte, violée et horriblement mutilée par ses parents : Therru. Repliée sur elle-même, grièvement brûlée, elle apprend peu à peu à faire confiance à Tenar, qui prend grand soi d’elle et s’inquiète de son futur au sein d’une société qui repousse instinctivement les êtres difformes tels qu’elle.

Un jour, Tenar apprend qu’Ogion, un puissant sorcier installé sur l’île, qu’elle a fort bien connu dans le passé, est mourant. Elle entreprend donc un long périple, en compagnie de Therru, jusqu’à sa demeure, afin de l’accompagner durant ses derniers instants.

C’est là qu’un dragon, Kalessin, apporte sur son dos un autre ancien compagnon de Tenar - Ged, ex archimage ayant perdu tout pouvoir. Ged, Tenar et Therru se mettent de plus en plus à agir en cellule familiale recomposée. Toutefois, Tremble, un mage particulièrement misogyne jette un sort à Tenar, une malédiction qui menace de ruiner le semblant de bonheur qui s’esquisse entre les éléments de cette triade.

Mais peut-être Therru est-elle plus que ce qu’elle paraît…

Voilà un livre médiéval fantastique qui ne sombre pas dans la facilité faisant trop souvent se succéder dans de telles œuvres les combats sanglants à la hache à deux mains et les orques dévoreurs lancés aux trousses des héros valeureux. Au contraire, le charme de ce « Tehanu » tient à la capacité qu’a Le Guin de poser une ambiance, de modeler un univers crédible, peuplé d’êtres sensibles, parcourus d’émotions, en phase avec les éléments et la vie des saisons. On aimerait pouvoir respirer nous aussi l’air de Terremer, partir à l’aventure sur ces océans, découvrir les diverses civilisations éparpillées sur les archipels de ce monde.

De surcroît, le récit soulève tout un ensemble de questions relatives au traitement des femmes dans de telles sociétés : maltraitées, supposées incapables d’égaler leurs pendants masculins, systématiquement écartées des postes à responsabilité… Un discours féministe malheureusement toujours d’actualité, près de vingt ans après la publication de cet ouvrage.

Un livre pour s’évader, un livre pour changer de rythme, un livre pour aborder l’existence d’une autre façon.

Ursula Le Guin, Tehanu, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Isabelle Delord-Philippe, 282 p., Robert Laffont

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