Marelle d'ombres
Fantastiques, cruels, visionnaires ou tout simplement sulfureux, les contes de Denis Labbé tissent un motif d’ombres contrastées entre la terre et l’enfer.
Anges et démons se croisent dans le Paris décadent des dandys, la Venise des spadassins, Whitechapel ou encore les steppes désolées de la Mongolie, pour transmettre leur héritage mortel aux créatures d’un futur névrosé. Des récits peints avec une délicatesse d’esthète et une malignité insidieuse.
Laissez-vous guider par la plume ciselée et envoûtante de Denis Labbé, dans les méandres de sa Marelle d’Ombre où règnent la Mort, le sang et la noirceur.
Denis Labbé nous offre ici un recueil de nouvelles à l’ambiance particulièrement noire. Il nous invite à le suivre à travers différentes époques au gré de ses cauchemars littéraires. Mais autant vous avertir dès le début : la marelle de Denis Labbé est tronquée. Elle ne comporte pas de case « ciel ». Vous ne croiserez au sein de ce recueil que noirceur, désespoir et trahison.
Certaines nouvelles nous offrent un fantastique de facture classique tandis que d’autres sont plus modernes. Cela diversifie agréablement le recueil et permet au lecteur de découvrir les différentes facettes de cet auteur. Je n’ai pas aimé toutes les nouvelles de la même façon mais toutes portent la marque d’une écriture fluide et stylisée. Leur esthétisme laisse même parfois pantois tant certains passages sont impressionnants de maitrise. Je pense notamment à « Un Meurtre de corbeaux » où une banale action fait basculer votre univers dans l’effroi. Une ambiance faisant incontestablement penser au grand Claude Seignolle dont Denis Labbé revendique justement en introduction la paternité littéraire.
Parmi les perles que nous offre ce recueil, je n’en citerai que quelques-unes qui m’ont particulièrement marqué sans pour autant trop m’épancher de peur de vous en dire trop.
« Mantille » fait penser à ces textes durant lequel l’écrivain vous entraîne sur un sentier que vous n’avez pas envie d’emprunter pour finalement vous confronter à une horreur pire que celle que vous aviez pressentie. Un texte au délectable parfum sulfureux.
« La coupe de ton regard » nous plonge en plein milieu de la folie, de son désespoir et de son isolement. Un texte dérangeant dont on ne ressort pas indemne.
« Et Omnia Vanitas » quant à lui nous fait partager une autre folie, artistique celle-là, mais tout aussi perturbante.
« Papillons de nuit » nous plonge au beau milieu des banlieues et de leur univers impitoyable. Et, un jour, l’horreur survient sous les traits les plus inattendus. Un texte d’horreur plus contemporaine mais percutant.
« Helldorado » et sa fin tout à fait surprenante est l’un des textes les plus savoureux du recueil.
« Agent de la Camarde » nous plonge dans les ténèbres de la ville de Venise. Une réussite !
Denis Labbé nous fait également partager son amour de la bonne musique tantôt à travers un titre emprunté à Rammstein (Links 2 3 4 et son univers uchronique) ou par une citation de Sonata Artica en introduction du superbe « La cage ».
A noter que chaque nouvelle à sa genèse expliquée en fin d’ouvrage, ce qui est un plus appréciable.
Je ne peux que conseiller ce recueil aux lecteurs de Fantastique avec une majuscule. Denis Labbé redonne ses lettres de noblesse à un format qui n’est malheureusement plus apprécié à sa juste valeur dans notre culture littéraire : la nouvelle.
Marelle d’ombres par Denis Labbé, Argemmios éditions