Justice de l’ancillaire (La), Les chroniques du Radch T1

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Commençons par discuter le terme utilisé dans le titre, néologisme créé de façon incorrecte par l’auteur, puisque ancillaire signifie « qui concerne les servantes » et que pour désigner ces servantes, il aurait fallu raccourcir l’adjectif et créer le terme « ancille », afin que le rapport entre substantif et adjectif soit correct. Mais Ann Leckie, comme c’est souvent le cas avec les néologismes américains, s’est sentie obligée de ne pas raccourcir et a donc appelé « ancillaires » ses personnages. Et, avec ce substantif, le titre aurait dû être Ancillary’s Justice, alors correctement rendu par le titre français.

 

Mais pourquoi ce néologisme, alors que les personnages concernés, cadavres ranimés et contrôlés par les I.A. des vaisseaux de guerre, aussi appelés soldats cadavres, auraient pu porter un nom plus classiques, dans son sens primitif, et hélas trop souvent employé à contresens dans livres et films pour des morts-vivants cannibales, des goules ? D’abord pour éviter la confusion avec le non-sens actuellement usuel du mot « zombie » mais aussi, sans doute, parce que le cadre du récit, l’empire du Radch (faut-il voir une référence au mot Reich ?), ressemble énormément, sur le plan social et sur le plan des religions, à l’Empire romain, et qu’un terme d’origine latine était donc approprié.

 

Ensuite, le cadre du récit : un empire galactique qui, comme l’Empire romain vu par Gibbon ou celui de Trantor vu par Asimov, est sur le point de s’effondrer. D’une part à cause de la pression des non-humains, les Presgers ; d’autre part parce que l’Empereur, Anaander Mianaaï, immortelle[1] parce qu’elle se prolonge à travers une quantité de clones, est désormais divisée en deux factions, l’une qui entend adapter la gestion de l’empire à la situation nouvelle créée par l’intervention, encore limitée et la menace des Presgers, l’autre ultraconservatrice et désireuse d’affronter cette menace de façon guerrière.

Cette opposition entre les deux factions a causé, vingt ans avant le récit, la destruction du vaisseau Justice de Toren, duquel n’a survécu qu’un seul ancillaire. Et le premier roman de cette série montre comment, après vingt ans d’attente et de préparation, cet ancillaire va essayer de venger le vaisseau auquel il a appartenu.

 

Le roman est écrit comme une narration du héros ancillaire, en général supposé penser en langue radchaaï (ce qui entraîne une lecture surprenante puisque la langue en question met tous les substantifs au masculin et les adjectifs au féminin), parfois obligé de s’exprimer dans une langue « genrée » et qui exprime alors des doutes sur ce qu’il doit dire. En dehors de cette différence importante, sans doute assez curieuse dans le texte anglais et que le traducteur a su adapter à la langue française, quelques rares autres néologismes ne posent aucun problème au lecteur.

 

Il est difficile de savoir – au bout d’un seul volume qui raconte malgré tout une histoire complète et s’achève sur l’ouverture d’une suite, mais pas sur un suspense –, si la partie spéculative du roman, l’histoire de la chute de l’Empire radchaaï, sera développée ou si la saga sera l’aventure de l’ancillaire narratrice. Mais le lecteur termine le livre avec l’envie de lire la ou les suite(s), dont la première a été finaliste du prix Hugo 2015, alors que le premier tome avait remporté l’Hugo 2014.

 

Et ce livre devrait plaire autant aux amateurs d’aventure à l’ancienne, lecteurs nostalgiques des Rois des étoiles, qu’à ceux qui cherchent la description de mondes, de cultures et d’inventions nouvelles.

 

La justice de l’ancillaire d’Ann Leckie, traduit par Patrick Marcel, J’ai Lu, coll. Nouveaux Millénaires, 2015, 443 p., 20€, ISBN 978-2-290-11134-5

 

[1]     Voir plus loin l’explication des accords entre noms et adjectifs, semblable à celle du texte.

 

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