Insulaires (Les)
Pour ceux qui connaissent les œuvres précédentes de Christopher Priest, il suffira de dire que ce livre reprend le cadre de L’Archipel du Rêve, mais que celui-ci est présenté de points de vue d’habitants de l’Archipel, alors que les précédents textes montraient les points de vue de visiteurs venus du Continent Nord. Pour les autres, il faut présenter le monde sous-jacent aux histoires entrecroisées que présente ce livre, que je ne saurais qualifier de roman, même s’il s’agit d’une pure fiction, tant le terme roman me paraît insuffisant. Le dit-monde est une planète qui possède deux continents, l’un autour du Pôle Nord, l’autre autour du Pôle Sud, séparés par un océan central parsemé de milliers d’îles de tailles diverses. Le continent Nord est habité et partagé en plusieurs nations dont deux sont en guerre depuis des décennies, mais elles ne mènent pas cette guerre sur leur continent : les batailles ont lieu sur le continent Sud, presque inhabité. Et, après avoir été disputées entre les belligérants, les îles ont obtenu un Pacte de neutralité qui leur évite de participer à la guerre, sauf si dans certaines des bases militaires de l’un ou l’autre des belligérants restent installées et si une force plus ou moins commune de police cherche les déserteurs parfois accueillis dans les îles. Cette œuvre s’annonce, apparemment, selon la fausse préface signée Chester Kammerer, comme un guide de voyage destiné à un visiteur des îles, ou au moins de celles auxquelles est consacré un chapitre. Sauf qu’un grand nombre de chapitres ne sont pas du tout des descriptions des îles annoncées, mais différents épisodes d’un certain nombre d’histoires entremêlées portant sur des artistes divers, souvent écrivains, comme Chester Kammerer lui-même héros de certains épisodes, mais aussi un peintre, un mime, une chercheuse et une créatrice de tunnels. Histoires qui, dans un monde qui semble avoir quelques problèmes avec la chronologie, ne pourraient sans doute pas être compatibles avec un écoulement normal du temps, réapparaissent d’île en île en s’éclairant parfois, en se compliquant encore d’autres fois, et sans jamais se conclure. Histoires d’amour, histoires de créations artistiques, apparitions, disparitions, hantises, et même un meurtre dont l’action et les conséquences reviennent dans plusieurs histoires.
Même si présentée comme un dictionnaire qu’on pourrait lire dans le désordre des noms des îles, cette œuvre labyrinthique exige, probablement, une lecture dans l’ordre alphabétique des dits-noms, qui fournit un fil d’Ariane indispensable à la compréhension des différentes pistes qui s’entremêlent.
Les insulaires de Christopher Priest, traduit par Michelle Charrier, Folio SF n°522, 2015, 460 p., couverture de Bastien Lecouffe-Deharme, F8, ISBN 978-2-070-46564-4.
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