Incendie nocturne

Lorsque l’on créé un personnage récurrent, on a le choix entre deux possibilités  : soit le faire vivre éternellement sans se soucier du temps qui passe, soit en faire un personnage en raccord, qui vieillit et se voit atteint par les ravages de l’âge. C’est ce second choix qui a guidé Michael Connelly en comptant les aventures de son héros Harry Bosch depuis les égouts de Los Angeles. Depuis, rien ne lui aura vraiment été épargné : mort de son épouse, ruptures sentimentales et professionnelles multiples, changement de poste, renvoi, licenciement avec perte et fracas… Désormais, Harry est en retraite, il n’officie même plus comme policier de réserve. Il a des problèmes de santé, il ne peut plus courir comme avant, il se découvre une leucémie dans les suites d’une précédente enquête. Il fait son âge, 70 ans comme il le dit lui-même. Il ne vit surtout que pour sa fille Maddie et parce que selon sa devise tout le monde compte ou personne, il ne rechigne pas à aider Renée Ballard. Introduite depuis quelques romans, cette jeune flic prend peu à peu sa place dans l’abondante littérature de l’auteur américain. Sa première aventure m’avait moyennement convaincu, mais il est clair désormais qu’elle va prendre de plus en plus de place. Comme Harry, elle est curieuse, têtue, pugnace, elle mène une existence en dehors des communs (son camping-car, sa tente sur la plage, son chien) et elle est toujours mis à l’écart au quart de nuit à Hollywood. Un pendant féminin de Bosch, qui lui ressemble de plus en plus et qui laisse redouter un jour ou l’autre la disparition inéluctable de ce pilier. Connelly prend toujours un malin plaisir à nous compter des histoires crédibles, son personnage fétiche se doit de l’être également.

Comme les derniers romans, plusieurs affaires vont s’entremêler : une d’un sans-abri retrouvé brûlé dans sa tente, un dossier cold-case que l’ancien mentor de Harry avait gardé chez lui comme s’il craignait que quelqu’un ne reprenne l’enquête et que sa veuve lui transmet et un procès géré par Mickey Haller, le demi-frère de Harry qui lui demande de jeter un œil. Bien sûr, on se doute dès le départ que toutes les affaires vont plus ou moins avoir un lien. Connelly a cette force d’écriture de balader son lecteur dans un récit où tout peut paraître simple mais en réalité ne l’est jamais. Là encore, peu de temps morts, peut-être quelques longueurs et des facilités scénaristiques comme celle de la tueuse à gages, mais Michael Connelly reste pour moi un des meilleurs auteurs de policiers actuels, celui qui peut me faire acheter son roman sans même en lire la quatrième de couverture. Après toutes ces années, cela mérite bien plus que le respect.

Michael Connely, Incendie nocturne, Calmann- Lévy