HONAKER Michel 01

Auteur / Scénariste: 


Dis-moi quelque chose à ton propos ? Qui es-tu ?

Je suis écrivain de naissance. J’ai toujours écrit. Le jour que je vis aujourd’hui est semblable à tous ceux que j’ai déjà vécus, c’est-à-dire uniquement consacrés à l’écriture. Je vois ma vie comme ça.

A quel âge as-tu commencé à écrire ?

Mes premiers « récits », trois ou quatre pages maximum, datent de 1966. J’avais huit ans. J’ai publié mes premières nouvelles à 19 ans dans des revues amateur. Mon premier roman, un roman de science fiction, « Planeta non grata » - titre impossible, non ? - a été publié en 1983 au Fleuve Noir, un éditeur mythique à l’époque, qui permettait à de jeunes plumes de prendre leur envol.

Comment écris-tu ? Est-ce une profession pour toi ?

A partir du moment où j’avais décidé de devenir écrivain, il allait de soi que cela deviendrait ma profession. Pour moi, l’écriture est une dévotion à part entière. Bien sûr, j’ai galéré, comme tout auteur débutant, pour faire accepter mes textes. La chance s’en est mêlée au sens où ce premier roman – qui était loin d’être parfait – est arrivé au bon endroit au bon moment. Le milieu cherchait un peu de nouvelles têtes et j’ai été de cette jeune génération, à l’instar d’un Pierre Pelot, Serge Brussolo, Michel Pagel et beaucoup d’autres… J’avais l’ambition de renouveler la science-fiction, rien de moins, grâce à l’apport d’autres genres. J’ai la chance également d’être extrêmement polyvalentdans mes goûts ; j’embrasse absolument tous les genres et je n’ai pas de préférence. On m’a catalogué pendant longtemps en science-fiction, puis en policier, aujourd’hui en « historique ». A l’époque, je me considérais comme un auteur de fantastique - un gros mot, alors… Ce que je crois être encore au final. Aujourd’hui, j’ai abordé tant de genres différents que je serais tenté de me définir simplement comme… un écrivain. Par la suite, tant de romans différents se sont enchaînés ! Ils ont eu la chance d’avoir d’abord des succès critiques puis des succès populaires.

Quelles sont tes autres passions ?

L’écriture prend tout mon temps ou presque. Dès que j’en ai l’occasion, je file écouter des concerts de musique classique à l’étranger.

Pourquoi l’écriture ? Quel est, selon toi, le rôle de l’auteur dans notre société ?

C’est une excellente question à laquelle je ne sais pas répondre. Ca fait partie de moi. Je pense que si j’avais été musicien, j’aurais joué du violon à fond et ne me serais même pas posé la question du pourquoi. Je ne suis pas devenu écrivain, je me suis retrouvé vers 5-6 ans à gribouiller des textes en les illustrant. Comme il était évident pour moi que je n’étais pas doué pour dessiner, j’ai abandonné les illustrations pour garder les textes.

Tu as commencé à écrire dans les années quatre-vingt dans la mythique collection du Fleuve Noir. Une vingtaine de romans publiés. Quelle expérience en retires-tu ?

Même une trentaine… Une expérience formidable parce qu’à l’époque, il y avait énormément de jeunes auteurs en manque d’éditeurs et donc de reconnaissance. Je suis resté une dizaine d’années à ce que j’appelle « l’école du Fleuve Noir ». Nous devions produire, produire et encore produire, le rêve pour moi car une journée sans écrire est un cauchemar pour moi ; je me sens alors vidé et complètement inutile. L’avantage était aussi que nous pouvions sauter d’une collection à une autre – et il en naissait une nouvelle tous les six mois. C’est à cette époque que j’ai réellement forgé mon style et testé toutes sortes d’expériences. Je faisais partie du cercle des auteurs régulièrement « acceptés ». Même s’il y avait des périodes avec et des périodes sans, je gravitais toujours autour du Fleuve Noir qui me permettait de publier 2 ou 3 romans par an (en espionnage, en science fiction, en policier, en fantastique…). J’en retire une expérience formidable d’atelier de découverte, de travail assidu. Tout ce que j’aime.

Quand je termine un roman, je suis si épuisé que je suis convaincu de ne jamais pouvoir en écrire un autre. Trop dur. Trop dingue. Et puis, une nuit de sommeil passé, et le lendemain, les idées recommencent à graviter – des visions furtives qui me traversent, un peu comme une bande-annonce d’un film avec les personnages, des séquences brèves. Je sais qu’une nouvelle superproductionest en route ! Je ne note jamais mes idées, elles sont toutes en tête, juste parfois un post-it avec un mot-clé. Souvent, quand je passe à la phase « réelle » de l’écriture, je me rends compte que le roman est déjà presque en place depuis 5 jours ou 25 ans.

Par exemple, chez Flammarion en 2005, quand les directrices m’ont demandé si j’avais une idée de grande saga, j’ai lâché le titre : « Odyssée ». Pourtant, sur le chemin du retour, je me suis dit : « Tu es dingue. Rappelle-les d’urgence pour leur dire que tu t’es trop avancé ! ». Non. Je me suis rendu compte que j’attendais ce moment depuis quarante ans ! Dans ma tête, tout était en place dans le moindre détail pour réécrire le fabuleux retour d’Ulysse en son foyer. La proposition est arrivée à un moment où j’étais « mûr » pour accomplir ce dont j’avais rêvé dès l’âge de 11 ans.

Ensuite quelques années de disette, et on te retrouve en collection jeunesse. Explique-nous ça.

Le Fleuve Noir a tout bonnement coulé ! Je me suis retrouvé en jeunesse par hasard. J’avais écris un roman que je pensais être pour adulte et qui était refusé partout. Comme les personnages principaux étaient des enfants, mon ami Jean-Michel Nicollet, mon illustrateur fétiche pendant des années, m’a conseillé tout bonnement de le présenter à un éditeur jeunesse de sa connaissance, Rageot Editeur. C’est ainsi que « La Sorcière de Midi » a vu le jour. C’est devenu un best-seller, et je me suis rendu compte que je retrouvais chez Rageot ce même esprit de laboratoire et d’espace infini de liberté qu’au Fleuve.

D’ailleurs un de mes collègues m’a parlé d’un de tes livres en me le décrivant comme « géant ».

Ah on devrait élever une statue aux Belges ! Je ne conserve que de superbes souvenirs de mes visites et séjours en Belgique. Je trouve qu’en Belgique, la perception de mes livres est autre qu’en France et peut-être plus en phase avec l’idée que je m’en fais moi-même. Plus anglo-saxonne, si j’osais. Mes romans se passent d’ailleurs rarement en France, toujours à l’étranger. J’ai découvert la littérature avec les auteurs anglais du XIXe siècle – Conan Doyle, Bram Stoker, et Shakespeare dont j’ai subi très tôt l’influence. Français aussi, mais pas Zola ou Balzac, plutôt le côté obscur de la chose : Alexandre Dumas, Paul Féval, et l’improbable Ponson du Terrail ! En France, on ne reconnaît pas le sérieux des auteurs populaires comme ailleurs.

Y a-t-il une différence à écrire pour la jeunesse ?

Pour moi, aucune. Je n’ai jamais changé d’écriture en fonction d’un public. Je m’y refuse. L’idée même de formater un récit en conséquence entraînerait chez moi un blocage pur et simple. Il y a dans cette attitude le respect ultime du lecteur, quel que soit son âge.

Il me semble que ton écriture est très cinématographique. Une influence du cinéma ?

Enorme, combinée avec d’autres. J’ai appris la technique pure avec les auteurs. J’ai bossé beaucoup sur ceux que je viens de citer en essayant de comprendre comment ils faisaient pour susciter chez moi l’émotion, le mystère, l’angoisse. De mes 7 à 19 ans, je lisais 3 à 4 romans par jour. Même la nuit, mon père était obligé de couper le jus pour que j’arrête de lire et je devais planquer, un peu partout dans la maison, des lampes électriques.

Pourtant, ce qui m’a vraiment formé, appris à enchaîner les chapitres, à susciter des attentes chez un lecteur, c’est la musique classique. Les grands chefs d’orchestre m’ont énormément enseigné le sens du rythme dans l’écriture. Il y a tellement de correspondances possibles entre une partition de musique classique et un roman que ça a été facile pour moi d’adapter certaines techniques. Et puis le cinéma. Ma préférence va au cinéma américain, évidemment, cela se devine au travers de mes textes. Mon père adore le cinéma. Grâce à lui, j’ai grandi avec les westerns et les films d’Errol Flynn, plus tard avec ceux de la Hammer Film. Ces grandes épopées m’ont enseigné beaucoup de choses. J’ai trouvé dans le cinéma cette espèce de formatqui oblige à élargir le champ de vision avec le cinémascope. J’écris d’ailleurs toujours sous ce format… Toutefois, je n’aime pas tous les styles de cinéma. Le cinéma français en général m’emmerde. Je donne tout Truffaut pour un plan fixe de désert dans un film de John Ford. Je me dis qu’il faut être gonflépour poser une caméra sur un tas de caillou et ne plus la bouger ! Il y a un truc qui passe…

Je me suis donc beaucoup inspiré du cinéma, mais aussi des séries télévisées britanniques. Je pense au Prisonnier, aux Avengers (Chapeau melon et bottes de cuir).


Quelle a été l’évolution de ton écriture depuis tes débuts ?

Importante, c’est sûr. Pas sur les fondamentaux mais l’âge, les expériences heureuses ou malheureuses de la vie, les longues réflexions s’agrègent à la manière d’écrire, de rendre les situations. Je pense que le travail d’un auteur, quel qu’il soit, comprend 80 % de réflexion. L’écriture, ce n’est jamais que se mettre au piano pour jouer une musique qu’on connaît déjà, en y ajoutant des ornementations. Il y a, par exemple, des thèmes que j’aborde aujourd’hui que je n’aurais pas pu affronter il y a seulement une dizaine d’années. Quand on veut combattre dans la catégorie des poids lourds, mieux vaut se muscler longtemps avant. Sinon, au moment de monter sur le ring, on perd ses dents. Or, l’écriture, c’est un combat où on remet son titre à chaque fois en jeu. Un combat à l’issue incertaine. Il y a tellement de hasards qui surviennent. Certains de mes romans ont été refusés des dizaines de fois par les éditeurs avant de finalement voir le jour. Aujourd’hui, c’est vrai, la situation est plutôt inverse. J’ai le choix de mes éditeurs. Je ne retiens que ceux qui me laissent une liberté absolue. Sinon, publier ne présente aucun intérêt. Avoir un éditeur complice, c’est le plus important. De ce point de vue, j’ai été souvent gâté.

Au début la SF, puis tu te tournes plutôt vers le fantastique, est-ce un public foncièrement différent ?

Pas fondamentalement. J’ai des lecteurs qui me suivent. Certains parents m’amènent leur gamin pour une signature et me font aussi parapher un vieux Fleuve Noir leur appartenant qui ne tient plus que par un fil. Moment absolument fabuleux ! Il y a quand même un public de science-fiction particulier mais il change, selon les générations. Chaque époque a son public. C’est une évolution du lectorat, de l’époque, de l’auteur qui fait que le public d’aujourd’hui n’est pas le même que celui des années 80. Le fantastique va attirer certains lecteurs, comme il va en repousser d’autres ; c’est assez fluctuant.

Peux-tu nous parler de ta série « Odyssée » qui est parue en 4 volumes ?

C’est purement, strictement, le récit d’Homère, et pas une synthèse ou un bidouillage quelconque, avec je l’espère en supplément, l’apport des recherches que j’ai pu faire autour des interprétations de ce texte fabuleux et de ses exégèses. J’ai analysé le texte sous toutes les coutures. Homère ouvre souvent des fenêtres sur des ébauches, qu’il s’empresse de refermer. Pourquoi ? Je ne sais pas.

Homère n’était pas un romancier – si tant est que cet homme-là ait vraiment existé ! Ce sont des contes de production orale probablement retranscrits par la suite, pas de la même plume, pas de la même main. Ce que j’ai voulu faire est que, ayant eu le choc à 11 ans en lisant l’Odyssée, je me suis demandé comment faire pour que les gens découvrent l’aventure la plus extraordinaire jamais écrite. Et, à nouveau, ce n’est pas une question de « public jeune » ou de « public adulte » ; le tout est l’envie, le désir de faire connaître et j’étais à un âge où je sentais en être capable. J’ai donc rassemblé tous les matériaux que j’avais réunis depuis des années. Je suis parti en bâteau sur les traces d’Ulysse. Je voulais tout détailler, même, en montrant des épisodes généralement délaissés dans les adaptations à l’écran - très peu, 2 à la télévision et une au cinéma très ancienne – Kirk Douglas, dans le rôle d’Ulysse. On annonce une nouvelle avec Brad Pitt ??? Pourvu que la merveille du texte soit respectée… Pas comme dans Troie !

Donc mon but était vraiment d’aller au fond du texte ; mon quatrième tome, par exemple, contient un épisode qui ne paraît pas dans l’Odyssée mais est fortement suggéré par Homère : la guerre entre les Cyclopes et le Roi de Phéacie. L’épisode de la bataille, de la lutte sur la muraille, tend littéralement les bras. Je considère que ce n’est pas un épisode ajouté, mais une histoire racontée à fond. Ulysse mène le combat. Sinon comment expliquer par la suite qu’il se fasse offrir un navire chargé d’or par le roi ? Simplement sur sa bonne mine ?

La base de mon travail a été de rendre moderne l’œuvre d’Homère et en faire un miroir contemporain. C’est une étape primordiale qui a été la condition pour moi pour pourvoir continuer à écrire autre chose.

Aimerais-tu devenir directeur de collection ? N’est-ce pas comme être chef d’orchestre et orchestrer ses parutions ? Travailles-tu sur un fond musical ?

J’ai eu le bonheur qu’on me confie un orchestre. A l’époque, j’écrivais sur la musique classique et il m’est souvent arrivé de faire des interventions dans des collèges, parfois même des collèges « musique et études » qui formaient des jeunes gens qui étaient également mes lecteurs et il m’est donc arrivé de prendre la baguette pour diriger. Je ne suis pas très bon déchiffreur de partitions mais je prétends avoir une oreille très fine.

En littérature, je n’aimerais pas diriger ; j’ai même refusé des propositions comme simple consultant. Je ne dis pas que je ne reviendrai pas dessus. Par contre, être directeur de collection a, pour moi, un petit côté pervers parce qu’on est, avant tout, auteur et je pense qu’à ce titre, on jugera des manuscrits et des textes avec un recul insuffisant par rapport à la diversité. On sera toujours tenté d’accepter ce qui correspond à ses propres visions, quitte à refuser des textes qui seraient peut-être beaux mais en contradiction avec ses goûts personnels. L’objectivité parfaite n’existe pas, ça se saurait.

Directeur de collection, c’est un boulot à part mais surtout à part entière, que je crois difficile de concilier avec tout autre. Je ne pourrais pas sacrifier ma fringale d’écriture avec une telle responsabilité – et c’en est une, énorme. Donc, ni dans mes projets, ni dans mes cordes.

Quel est ton auteur d’Imaginaire préféré ?

Si l’on s’en tient au strict Imaginaire, un auteur qui m’a énormément appris au niveau de l’imaginaire « déjanté », c’est Roger Zelazny, auteur américain qui a écrit notamment « Le maître des ombres ». Je suis beaucoup plus fort en musique classique qu’en littérature parce que je n’ai jamais le temps de lire. Je peux également citer Bram Stoker. Je considère « Dracula » comme l’un des romans les plus extraordinaires jamais écrits, dans toutes les acceptions du terme.

Quel est ton auteur de littérature générale préféré ?

Je n’en connais pas.

Quel est ton roman d’Imaginaire préféré ?

Je dirais « Le maître des ombres ». C’est vraiment un des rares coups de foudre que j’ai pu avoir en littérature. Je pourrais aussi citer les Sherlock Holmes de Conan Doyle, ou plusieurs romans de Paul Féval, qui ont aussi bercé ma jeunesse.

Lequel de tes romans conseillerais-tu de lire ?

La question affreuse par excellence !… Mais allons, puisqu’il faut un titre, je pousserai les lecteurs vers la Trilogie de Terre-Noire.

Quel est ton film d’Imaginaire préféré ?

J’aime beaucoup les films de Tim Burton, surtout le « Batman » de 1989, qui opère une superbe synthèse entre la tradition de cette bande dessinée, et un renouvellement presque métaphysique du genre. A noter maints emprunts à Orson Welles et aux films de la Hammer des années 50. Voilà un univers d’auteur. J’y retrouve tous les ingrédients que je m’efforce de mettre dans mes propres romans. A ce titre, je ne pense pas être un auteur révolutionnaire, mais mes racines sont très profondément ancrées dans un certain clacissisme que m’efforce de renouveler par une approche moderne et psychologique.

Quel est ton film hors Imaginaire préféré ?

De préférence bien ringard en noir et blanc. Et le choix ne manque pas.

Quel livre d’un autre auteur aurais-tu désiré avoir écrit, soit parce que tu es jaloux de ne pas avoir eu l’idée le premier, soit parce que tu aurais traité l’idée d’une autre manière ?

« Zorro ». Mais je n’ai pas à me plaindre. Jusqu’à maintenant, j’ai eu une chance inouïe parce que, non seulement, j’ai écrit tous les romans que je rêvais d’écrire quand j’étais enfant mais, en plus, j’ai revisité ceux de beaucoup de classiques comme « L’Odyssée » d’Homère, le « Rocambole » de Ponson du Terrail, ou la Dame de Pique de Pouchkine.

J’aurais adoré écrire « Capitaine Fracasse », ou encore le « Comte de Monte-Cristo » « Les trois mousquetaires »..Ce genre de littérature-là. Rien de surprenant, pas vrai ? Qui sait, un jour pour un scénario de télévisionou de cinéma ? J’ai déjà travaillé un peu pour la télévision mais pas pour de telles adaptations. En ce moment, je me rapproche de nouveau de ce milieu, mais mon inspiration étant principalement liée au fantastique, à l’Imaginaire et d’origine très anglo-saxonne, je pose problème non pas aux producteurs, d’ailleurs, qui me demandent des projets, mais à nos diffuseurs français, non chaînes de télévision. Comme je l’ai dit, Balzac règne toujours en regard de Jules Verne.

Quel est l’élément déclencheur qui fait naître tel ou tel roman, telle ou telle thématique... Ainsi Jonathan Littell a eu l’idée des « Bienveillantes » en voyant la photo d’une jeune russe martyrisée pendant la dernière guerre. As-tu des éléments déclencheurs, des faits, des objets... Une oeuvre d’art.... ?

Oui, souvent abstraits, comme la musique classique. Je consacre, depuis que j’ai l’âge de 8 ans, deux heures par jour à l’écoute attentive, passionnée, hors du temps de musique classique. Tout y passe : symphonies, concertos, quatuors à cordes, opéras… Le sous-sol de ma maison est occupé par un auditorium dédié, au matèriel pointu, contigu à mon bureau. Je passe de l’un à l’autre. Si je ne me plongeais pas dans cette musique, je serais incapable d’écrire ; ça fait partie de mon rituel. J’ai besoin de ça pour décoller.

Quel sont les derniers livres que tu as lus et que tu recommanderais ?

Je peux recommander un livre extraordinaire qui n’intéressera personne, à part les grands amateurs de musique classique comme moi. C’est la biographie du grand chef d’orchestre français Paul Paray qui a vécu jusqu’à l’âge de 94 ans et qui est mort en dirigeant. Sa carrière embrasse presqu’un siècle de musique ; il a connu Debussy, il a connu Fauré et il est mort dans les années 90, au sommet de sa gloire. Un personnage hors du commun, et modeste, comme je les aime.

Quel est ton principal trait de caractère ?

J’en ai deux qui sont aussi des défauts : l’intransigeance et la loyauté absolue. Et cela m’attire plus d’ennuis que de satisfactions !


Qu’est-ce qui t’énerve ?

Les gens qui parlent dans les couloirs et qui, devant toi, se dégonflent comme des ballons.

Je crois en des vertus aussi surannées que la discipline et l’honneur. Ce sont les devoirs de l’homme simple, en plus de l’idée de protéger les autres, ne serait-ce que dans les événements graves de la vie.

Outre l’écriture, quels sont tes hobbies ?

En plus de la musique, j’adore démonter du matériel électronique et le remonter. C’est quelque chose qui me défoule. J’adore également le foot et le rugby ; j’ai dû choisir, ado, entre un club de rugby qui voulait me recruter, ou rester à la maison pour écrire. J’ai choisi l’écriture aux durs entraînements d’hiver.

Quel est le don que tu regrettes de ne pas avoir ?

Celui de déchiffrer la musique au premier coup d’œil ! Misère…

Quel est ton rêve de bonheur ?

Etre adapté au cinéma parce qu’ainsi, je bouclerai la boucle. Je me suis ouvert à l’Imaginaire par la projection, le cinéma et le fait de retrouver une histoire qui m’appartiendrait sous forme d’écran me donnerait l’impression d’un aboutissement.

Par quoi es-tu fasciné ?

Par l’extraordinaire diversité de la vie, par l’extraordinaire retournement des situations les plus compromises. Je parle ici de choses quotidiennes. Par exemple, quelqu’un qu’on n’a plus vu depuis 15 ans ou 30 ans qui resurgit subitement dans notre vie, par hasard. Comment ? Pourquoi ? Par quelle alchimie ? La vie est magique. Juste un peu difficile à supporter parfois.

Tes héros dans la vie réelle ?

Je dirais mon père. Sinon, je pense que je n’ai aucun héros encore en vie.

Si tu rencontrais le génie de la lampe, quels vœux formulerais-tu ?

Surtout qu’il ne touche à rien parce qu’on ne sait jamais (rires).

Je suis heureux de mon sort même si, à cause de choix permanents, je ne suis jamais entièrement satisfait.

J’aimerais diriger un orchestre plus souvent, et pour le fun, du Tchaïkovski, principalement la sixième symphonie.

J’aimerais être adapté au cinéma.

J’aimerais vieillir doucement.

Ta vie est-elle à l’image de ce que tu espérais ?

Plus encore. Dans mes moments sordides, je me dis que j’ai raté beaucoup de choses, mais quoi ! Je ne peux pas dire ça. Je vis depuis 30 ans, avec la femme que j’aime, je suis père et grand-père, mes parents sont encore en vie, j’ai à peu près 120 romans à mon actif (je suis sur les traces de Simenon, au niveau de la parution et si je meurs à son âge, à ce rythme, j’aurai aussi 200 romans). Et disons, je jouis d’une certaine notoriété. Je serais vraiment très mal placé de me plaindre.

Cite moi 5 choses qui te plaisent.

- Le tajine que me fait ma femme.

- Le buste de Beethoven qui veille sur mon travail, dans mon bureau.

- Entendre un pianiste qui continue à jouer pour lui, après un concert.

- Les écrivains qui ne pensent qu’à ça.

- Les comiques qui n’arrivent pas à faire rire.

Cinq choses qui te déplaisent

- Les manuscrits refusés.

- Les scénarios refusés – je vais encore me faire plein de copains.

- L’autosatisfaction de certains auteurs alors qu’ils n’ont fait que ce qui est naturel. Ecrire.

- La méchanceté gratuite.

- La lâcheté.

Last but not least une question classique : tes projets ?

J’aimerais poursuivre la suite d’un roman que j’ai écrit il y a deux ans « Chasseur noir » avec un personnage qui me tient à cœur parce que je l’ai inventé quand j’avais 13 ans. Le deuxième roman va sortir bientôt. Je vais prochainement travailler sur un troisième roman qui est un projet fantastique que je vais terminer le mois prochain. J’ai un projet en lecture à la télévision qui, je l’espère, sera accepté parce que j’y tiens beaucoup, le « Rocambole » de Ponson du Terrail . Il a déjà été adapté il y a 45 ans à la télévision française ; ce serait bien d’en faire une nouvelle version que j’aurais écrite. Hélas il a été refusé (nda !) Enfin, dans les 2-3 ans qui viennent, il y aura probablement un retour à la mythologie grecque mais pour l’instant, je ne peux pas en dire plus ; c’est top secret.

Type: