Cornes

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Ignatius Martin Perrish passa la nuit ivre, à faire des choses terribles. Il se réveilla le lendemain matin avec la migraine, porta les mains à ses tempes et sentit quelque chose d’inhabituel, deux protubérances pointues, au relief irrégulier.


Lorsqu’un matin des cornes lui ont poussé sur la tête, Ig croit d’abord à une hallucination, un tour que lui joue son esprit rongé par la colère et le chagrin. Car depuis un an, depuis que sa petite amie a été violée et tuée dans de mystérieuses circonstances, il vit un enfer. Pourquoi, les cornes sont bien réelles et assorties d’un nouveau pouvoir qui incite quiconque s’approchant d’Ig à lui confier ses secrets les plus inavouables. D’abord torturé par ce macabre don, Ig a tôt fait de comprendre qu’il va pouvoir l’utiliser pour retrouver le monstre qui a assassiné Merrin et détruit sa vie. Il est temps de prendre sa revanche, de donner sa part au diable… Car en fin de compte, ce dernier ne nous comprend-il pas mieux que son éternel rival ?

Si on n’avait pas mis par hasard ce livre sur mon chemin, je pense que je n’aurais jamais rencontré Joe Hill (d’autant plus qu’il m’a fallu attendre de terminer le livre et de relire la quatrième de couverture pour découvrir sa filiation - j’avais pris le bandeau autour du livre au sens figuré du terme, mais il fallait le comprendre au sens propre...). Je ne connaissais pas cet auteur et encore moins de ce livre-ci (pourquoi n’est-il pas repris dans la liste de publications SFFF du mois publiée sur divers forums et sites ?). D’autant plus que, remplie de préjugés comme je le suis, je dois dire que je furète rarement du côté de chez JC Lattès... Comme quoi, j’avais tort, parce que je me suis sacrément bien amusée en lisant Cornes, alors que je ne m’y attendais pas du tout.

Nous allons suivre ici la prise de conscience de sa nouvelle nature d’un homme qui se réveille un matin avec des cornes. Situation saugrenue et qui prêterait à rire dans un autre contexte. Seulement, ici, Ig est un homme malheureux essayant de sortir d’un drame qui, en plus de le hanter, a transformé l’image que son entourage avait de lui. Il y a un an, sa petite-amie - l’unique amour de sa vie en fait, son âme-soeur même, n’ayons pas peur des mots - a été retrouvée violée et tuée. Le tueur n’a pas été identifié, mais tout le monde tient Ig pour responsable de ce crime. Il doit donc non seulement vivre avec la douleur de la perte de l’être le plus important de sa vie, mais subir également les nombreux regards lourds de sens et de reproches des gens qu’ils croisent. Difficile de se reconstruire dans ces conditions...

Nous découvrons Ig après une nuit particulièrement arrosée, un an après le drame. Celui-ci se réveille avec des cornes et d’étranges pouvoirs. Quand il croise une personne, celle-ci ne peut s’empêcher de lui confier ses plus sombres desseins. Et quand il la touche, il découvre tous ses secrets honteux. Sans oublier qu’il peut même arriver à la persuader d’accomplir ses projets les plus inavouables... Ig étant une personne profondément honnête, il n’utilise pas ce pouvoir à mauvais escient. Mais qui a dit que le diable était forcément un sale bougre ? Car, comme le souligne l’auteur, après tout : « [...] si Dieu hait le péché et que Satan punit les pécheurs, alors ne sont-ils pas du même bord ? Au fond, n’oeuvrent-ils pas tous les deux pour la même cause ? Comme le juge et le bourreau font partie de la même équipe. » (p. 356)

Et c’est sur ce principe très séduisant que l’auteur va baser son propos. Son personnage n’est pas un mauvais diable. Ce n’est pas l’être parfait, mais c’est quelqu’un d’honnête, qui a toujours essayé d’agir au mieux, sans blesser les autres. Il se laissera cependant perturber par son nouveau pouvoir, tout en restant désarmant de bonté. Un mélange détonnant qui fait tout l’intérêt de ce roman. Ainsi, nous nous trouvons en présence d’un diable inattendu et pourtant très convaincant quand on y pense, peut-être même plus que ceux animés par une volonté malsaine ou macabre en fait. Cette manière de présenter les choses m’a en tout cas séduite.

L’autre intérêt du roman, c’est la façon dont il va nous dévoiler petit à petit les éléments importants pour comprendre l’enjeu de l’histoire et résoudre le mystère du meurtre de la petite amie d’Ig. Aux actions du diable humain vont s’ajouter de nombreux flash-backs sur son enfance mettant en scène sa rencontre avec celle qui sera l’unique femme de sa vie, mais aussi avec d’autres personnes qui vont jouer leur rôle dans ce crime macabre. Même si parfois trop longs, ces retours en arrière sont aussi prenants que le récit principal et nous offrent une structure sur le mode « thriller » des plus efficaces.

Je ne dis pas pour autant que Cornes est un roman fin et subtil. C’est clairement un thriller de « divertissement ». Cependant, il faut lui reconnaître qu’il est plutôt plaisamment travaillé et ses qualités sont plus nombreuses que ses défauts, ce qui permet d’en apprécier encore plus la lecture.

Au final, Cornes a constitué pour moi une agréable surprise, j’ai bien aimé ce thriller qui semble manichéen de prime abord mais qui apporte une réflexion intéressante sur le bien, le mal et la manière dont nous percevons ces deux pôles. Sans oublier qu’il constitue une bonne lecture-détente pour les amateurs du genre. A découvrir.

Cornes, Joe Hill, traduction de Valérie Rosier, couverture de Giorgio Clementi/Fotolia.com, JC Lattès, 414 pages

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